Ronald Arculli : "l'internationalisation du yuan est une opportunité immense"

Président de la Bourse de Hong Kong, Ronald Arculli entend maintenir son leadership en matière de cotations. Sa position de centre mondial du yuan offshore confère à l'île un avantage inégalé, selon lui.
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En 2009 et 2010, Hong Kong a attiré plus d'introductions en Bourse que toute autre place. Comment expliquez-vous son succès ?

Notre gouvernance d'entreprise est appréciée et nous bénéficions d'une réglementation financière jugée raisonnable et fiable par les investisseurs. Hong Kong applique les meilleures pratiques et normes internationales, notamment sur la transparence des comptes des sociétés cotées. C'est de plus une place très liquide, en termes de volumes quotidiens de transaction et de fonds levés. La diversité de nos investisseurs rassure aussi : 50% sont des institutionnels étrangers, 25% des institutionnels locaux et le solde des particuliers.

Après la cotation d'Agbank, de l'assureur AIA et les grandes privatisations chinoises, pouvez-vous préserver votre leadership ?

C'est dur à prévoir. Quand on est au sommet, il est difficile d'aller plus haut ! Mais nous allons travailler intensément pour optimiser nos atouts et continuer à attirer des entreprises variées, en termes d'activité et de nationalité. Je considère que le potentiel de croissance lié à la Chine demeure important pour nous. Il est vrai que la privatisation d'entreprises comme Agbank a constitué un véritable tournant dans l'histoire de Hong Kong. Et bien qu'elle ne soit pas parvenue à fusionner avec AIA, la compagnie d'assurance britannique Prudential a aussi choisi de se coter chez nous. Les entreprises qui sont historiquement liées à l'Asie considèrent qu'elles peuvent être mieux valorisées à Hong Kong, que leur titre y sera plus entouré et qu'il leur sera facile d'y lever à nouveau des capitaux. En 2010, les fonds levés y ont dépassé 80 milliards de dollars.

Ces dernières semaines, des sociétés ont reporté leur cotation à Hong Kong ou se sont introduites en bas de leur fourchette de prix. Que s'est-il passé ?

Il est difficile d'identifier des raisons particulières. Des analystes considèrent que certaines sociétés ont proposé une fourchette de prix trop ambitieuse. Mais des facteurs externes ont pu influencer la psychologie des investisseurs : en Chine, l'augmentation des réserves obligatoires des banques et la hausse des taux d'intérêt. A l'étranger, les problèmes de la Grèce ou de l'Irlande.

Compte tenu de l'intérêt pour les obligations en yuans traitées à Hong Kong, quel avenir envisagez-vous pour les opérations en renminbi ?

Nous avons récemment ouvert le marché des obligations libellées en yuans, émises par des établissements financiers comme la Banque de développement de Chine (CDB) ou la Banque asiatique de développement (ADB), et des multinationales, dont le groupe de distribution américain Wal-Mart. Jusqu'à présent, 35 milliards de yuans (4 milliards d'euros) ont été levés. Les autorités chinoises ont clairement indiqué qu'elles souhaitaient internationaliser le renminbi, et donc encourager le yuan à devenir une devise pour le règlement des transactions commerciales. Le gouvernement central a aussi décidé que Hong Kong serait le centre financier du yuan offshore. Cette politique représente une opportunité immense pour nous. Des responsables de banques d'investissement estiment que pour Hong Kong, cette décision aura autant d'importance que la création du marché des eurodollars pour Londres (soit des dépôts en dollars détenus par des banques hors des Etats-Unis, ndlr.). Or, ce marché offshore est devenu plus volumineux que le marché monétaire domestique américain. Imaginez les perspectives que cela va offrir à Hong Kong en matière de produits financiers à proposer, surtout quand les institutions financières seront autorisées à investir dans des obligations d'Etat chinoises ou des obligations émises par des banques de Chine continentale !

Faut-il craindre les conséquences de la politique d'assouplissement quantitatif de la Réserve fédérale sur les marchés émergents ?

Les Etats-Unis et l'Union européenne ne veulent pas d'un double plongeon de l'économie mondiale. Il semble que leurs dirigeants veuillent avant tout atténuer les conséquences de la crise et se préoccuper plus tard de la façon de récupérer les liquidités additionnelles injectées dans l'économie. Il n'est dans l'intérêt de personne que l'Amérique ou l'Europe affronte de plus grands problèmes économiques. Mais je pense que la plupart des dirigeants des pays émergents ne sont pas favorables à cette politique et à ses conséquences sur les marchés. Certains pays, comme le Brésil et la Thaïlande, ont d'ailleurs pris des mesures afin de ralentir l'entrée des capitaux.

La place de Hong Kong va-t-elle devenir plus chinoise ou plus internationale ?

Nous faisons partie de la Chine. A travers le monde, la plupart des Bourses ont tendance à compter plus de sociétés de leur pays dans leur cote que d'étrangères. Actuellement, les sociétés de Chine continentale représentent 55% de la capitalisation boursière (contre 16% en 1997, ndlr.) et 70% des volumes quotidiens de Hong Kong. Dans la mesure où d'importants concurrents comme les places de New York, Londres ou Tokyo tentent aussi de les attirer, je me félicite de notre performance !

Comment comptez-vous consolider la compétitivité de Hong Kong ?

La technologie est primordiale pour attirer les capitaux. Voilà pourquoi nous modernisons notre infrastructure en fusionnant nos centres de données de trading, de compensation et de règlement livraison. Nous comptons proposer de nouveaux services aux opérateurs, comme la colocation de notre futur centre de données (stimulée par l'essor du trading à haute fréquence, cette activité permet aux Bourses de louer une partie de leurs serveurs à des institutions financières ou à des brokers, comme le fait déjà Nyse Euronext, ndlr.). Cela permettra aussi de réduire l'écart technologique entre institutionnels et particuliers, ce qui nous tient à cœur. Nous espérons achever ce chantier en 2012. Par ailleurs, nous collaborons avec les autorités financières de Hong Kong pour bâtir un système de compensation centrale pour les produits dérivés OTC (« over the counter »). Il s'agit de respecter le calendrier du G20, qui rend impérative la création de telles structures d'ici à la fin 2012.

Vous présidez actuellement la Fédération internationale des Bourses de valeurs (WFE). Que vous inspire l'essor des plateformes de transaction alternatives ("dark pools", ECN..) ?

Les cinquante-deux membres de la WFE, dont la Bourse de Hong Kong, n'ont pas peur de la compétition. Mais nous voulons lutter à armes égales. Or, certaines de ces plateformes ne sont pas soumises aux mêmes exigences que les Bourses traditionnelles, que ce soit en matière de réglementation ou de compensation. C'est une question que la WFE traite avec l'IOSCO (l'Organisme international des commissions de valeurs, qui regroupe les régulateurs à travers le monde, ndlr.) et dont nos membres débâtent avec leur gouvernement respectif. Nous sommes préoccupés par tout facteur susceptible de provoquer ou d'accroître l'éventualité d'un risque systémique, comme le « krach éclair » qui s'est produit en mai dernier à New York. 

Hong Kong est-elle davantage partenaire ou concurrente des Bourses de Shanghai et Shenzhen ?

Au cours des dernières années, nous avons étroitement travaillé avec elles, notamment sur la réglementation. La Bourse de Hong Kong est une entreprise assez ouverte qui n'hésite pas à soutenir d'autres places en leur présentant son infrastructure électronique, ses pratiques de gouvernance ou ses règles de cotation. Shanghai et Shenzhen sont très importantes pour Hong Kong : nous sommes toutes trois chinoises et beaucoup de sociétés sont à la fois cotées chez elles et chez nous. Nous avons donc tenté d'harmoniser nos règles de fonctionnement, qu'il s'agisse de la suspension de transactions, des horaires de cotation... de ce point de vue, nous sommes très complémentaires. Mais pour ce qui est d'attirer des sociétés chinoises, nous restons concurrentes ! Ces entreprises choisissent leur place de cotation et la soumettent au régulateur boursier (CSRC). Son président vient ouvertement de déclarer que, pour les sociétés chinoises souhaitant s'introduire hors du continent, sa préférence irait désormais à Hong Kong. C'est très encourageant pour nous.

Les pouvoirs du régulateur hongkongais (SFC) restent-ils adaptés à votre rang mondial ? A-t-il été laxiste lors de la cotation de Rusal ?

La SFC (Securities and Futures Commission) a joué un rôle clef et actif dans l'évolution de la réglementation financière internationale, notamment au sein de l'IOSCO. Lors de la crise financière, le président de la SFC, Martin Wheatley, a présidé le groupe de travail de l'IOSCO sur les ventes à découvert. La SFC est parvenue à trouver un équilibre pour Hong Kong avec une réglementation à la fois solide et raisonnable. Pour ce qui est de Rusal, je ne pense pas que le groupe ait bénéficié d'un quelconque traitement de faveur (lors de sa cotation à Hong Kong et Paris en 2010, des analystes ont critiqué la gouvernance et l'endettement du géant russe de l'aluminium, ndlr). Les critiques suggérant que Hong Kong a assoupli ses critères de cotation pour Rusal ou toute autre société sont, à mes yeux, totalement injustifiées.

Quels sont les principaux projets de votre présidence de la WFE ?

Compte tenu du contexte économique et des débats sur les réformes au sein du G20, je veux m'assurer que notre industrie apporte ses suggestions au plus haut niveau de décision et, dans cet esprit, que notre fédération collabore plus étroitement avec l'IOSCO. Notre groupe est très important : collectivement, sa capitalisation boursière est supérieure à 35.000 milliards de dollars. Au fil des années, nos 52 membres ont vécu les fluctuations des marchés, je pense donc que leur contribution peut être utile aux réformes, notamment sur les produits dérivés OTC. Il est dans l'intérêt de tous que les opérateurs de marché ne puissent pas faire d'arbitrage entre les places financières en fonction de leur réglementation.

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