Panique à bord sur le marché du colza. En deux séances, la graine a sombré de 16% sur le marché parisien Euronext-Nyse Liffe. Une dégringolade liée à la panique générale qui secoue les marchés. Mais pas seulement. Le colza a aussi des raisons fondamentales pour que ses cours baissent.
Car la récolte, qui se termine ces jours-ci en France et au Royaume-Uni, a contre toute attente été excellente. Contrairement au blé, qui a souffert de la sécheresse printanière, le colza a bien résisté. Le ministère de l?Agriculture a relevé ses prévisions de récolte la semaine dernière, de 4,5 à 5 millions de tonne. Le cabinet Offre et Demande Agricole anticipe même 5,5 millions de tonnes de colza. Au niveau européen, où l?on récolte 19 millions de tonnes pour une consommation de 22 millions, cette récolte abondante est une bonne nouvelle. Car le Vieux Continent a pris l?habitude d?importer du colza des antipodes pour faire tourner ses moteurs diesel : l?année dernière, plusieurs millions de tonnes avaient été importées?d?Australie. De quoi alourdir encore un peu le bilan carbone déjà piteux du biodiesel. Cette année, les importations de colza devraient donc s?avérer moins importantes.
La seconde raison du recul des cours du colza repose sur le pétrole. Le baril a perdu 20 dollars en deux semaines, ce qui "fait reculer tous les oléagineux utilisés pour fabriquer le biodiesel", explique Cédric Weber, analyste chez Offre et Demande Agricole. Le recul du baril de brut démotive les pétroliers à incorporer du biodiesel à leurs carburants. Quant aux fabricants de biodiesel, comme Diester, leader en France, ils sont incités à avoir recours à l?huile de palme, moins chère, pour fabriquer le biodiesel. Une ressource également décriée du point de vue environnemental, puisque l?huile de palme, principalement produite en Indonésie et en Malaisie, a tendance à être plantée en lieu et place de forêts primaires, qui étaient de véritables puits de carbone. Les cours du soja et de l?huile de palme, qui sont des marchés directeurs pour les huiles, ont déjà fortement reculé avec le pétrole.
Pour Michel Portier, directeur d?Agritel, le recul du colza est un symptôme de la surréaction des marchés aux indicateurs économiques. "La transparence des marchés ou l?accentuation des flux d?informations sont des sources de volatilité, et non le contraire !", assure le spécialistes des matières premières agricoles.
Pour le colza, qui avait grimpé à des niveaux de prix très élevés, la correction actuelle n?est pas dramatique dans la mesure où les cours restent à des niveaux historiquement élevés. Le seuil de rentabilité de l?oléagineux, qui se situerait autour de 320-340 euros par tonne pour les agriculteurs français, est encore loin : le colza cotait 403 euros la tonne mardi soir, contre 482 euros il y a un mois.