L'art du suspense de Mariano Rajoy

Mariano Rajoy a choisi deux personnalités consensuelles pour présider le Sénat et la chambre des députés, dans l'optique d'une législature qui s'annonce conflictuelle. Les noms des ministres de son futur gouvernement et le détail de sa politique restent inconnus à une semaine de sa prise de fonctions.
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Le nouveau Sénat et la nouvelle Chambre des députés (le Congreso) espagnols ont été constitués ce mardi, trois semaines après les élections législatives du 20 novembre. Les 285 députés du Parti Populaire ont ainsi pris place dans l?hémicycle qu?ils dominent de façon écrasante, les autres partis cumulant, à eux tous, 165 sièges. Les socialistes du PSOE constituent la première force d?opposition avec 110 députés.

 

A l?occasion de la constitution des chambres, Mariano Rajoy a dû faire ses premières révélations depuis son élection. Le futur chef du gouvernement, qui garde jalousement pour lui toute information concernant la composition de son Gouvernement à venir, a levé le mystère sur les noms des présidents des deux chambres. Jesús Posada présidera la chambre des députés et Pío García Escudero le Sénat. Ces deux personnalités consensuelles et portées sur le dialogue dirigeront les chambres en une législature qui s?annonce conflictuelle compte tenu du contexte de crise économique et de la politique d?austérité à venir.

 

Outre le nom des ministres du futur gouvernement, Mariano Rajoy continue d?entretenir le suspense sur le détail de sa politique. "Les grandes lignes en sont connues, mais on ne sait pas encore de quelle façon il compte les implanter", précise Manuel Romera, directeur du département Finances de l?IE Business School.

 

Après sept ans et demi dans l?opposition, le nouvel élu ne semble guère pressé de s?ouvrir à ses concitoyens. De même, les tensions sur les marchés, sur lesquels son élection n?a eu aucun effet, ne l?ont pas décidé à annoncer clairement la couleur ou, au moins, à donner le nom tant attendu du futur ministre de l?Economie. Pourtant, compte tenu des circonstances, celui-ci est appelé à jouer un rôle clé au sein de l?Exécutif. La forte pression exercée par les médias et les marchés n?ont pas réussi à bousculer le calendrier que s?était fixé le leader de droite, qui a toujours refusé l?idée d?une passation de pouvoirs précipitée et clairement annoncé dès le début qu?il s?en tiendrait aux délais fixés par la loi.

 

"Rajoy est excessivement hermétique et prudent mais son jeu est logique et intelligent : tant qu?il n?a pas le pouvoir normatif pour appliquer ses décisions mieux vaut qu?il ne s?avance pas. A partir de la semaine prochaine, il pourra abattre ses cartes. C?est ce qu?ont fait avant lui José María Aznar et José Luis Rodriguez Zapatero, quoique de façon moins exagérée", estime Manuel Romera.

 

Le discours de Mariano Rajoy aux élus de son camp lundi n?a ainsi pas apporté beaucoup de nouveauté : lutte contre le chômage, contre le déficit et la dette publics, réformes pour gagner en compétitivité, et restructuration du système financier constitueront les priorités de la première partie de la législature. Le futur premier ministre a ainsi rappelé qu?il a demandé aux partenaires sociaux de négocier et de lui rapporter des propositions début janvier, mais, comme à son habitude, n?a pas voulu s?engager d?avantage : "j?attends l?opinion des organisations syndicales et à partir de là, comme c?est naturel, nous prendrons les décisions?". De même, à la fin de son discours, il a rappelé : "je me référerai à ces sujets et à d?autres encore lors du débat d?investiture. Je ne veux pas ici entrer plus avant dans les détails". En revanche, il a annoncé que le Gouvernement fixera rapidement un plafond de dépenses pour l?administration et élaborer une prévision de croissance pour 2012 parce que "cela conditionne tout et tous".

 

Le PSOE a d'ailleurs appelé Mariano Rajoy à laisser de côté les "imprécisions" et à donner le détail de ses intentions dans le discours d?investiture du 19 décembre prochain.

 

D?ici là, il faudra donc se contenter de ce que l?on sait déjà, dans un contexte que le leader conservateur considère difficile : "la croissance économique de cette année va être inférieure à 1%. Les prévisions pour l?année prochaine évoquent des chiffres similaires. Nous devons corriger les chiffres du déficit public et de la dette publique et, en plus, il y a les difficultés des PME, qui sont celles qui créent de l?emploi [?] ; les difficultés du crédit ; les impayés de l?administration [?] et, autre sujet d?importance capitale également, les problèmes de financement de notre dette publique et de notre dette privée sur les marchés, dans un environnement difficile en Europe et de moindre croissance économique dans le monde entier."

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