La leçon d'économie que le professeur Strauss-Kahn a donnée à Cambridge

La venue de Dominique Strauss-Kahn à Cambridge le 9 mars dernier a fait du bruit. Pourtant la teneur du discours économique qu'il était venu prononcer a été passée sous silence. Voici, en substance, le discours que l'ancien professeur d'économie à Sciences Po a prononcé ce jour-là. Au menu : cours d'économie et conseils de l'ancien patron du FMI pour une sortie de crise.
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Lors de sa très remarquée conférence à Cambridge, vendredi, Dominique Strauss-Kahn a donné un discours dont le contenu a été passé aux oubliettes de la presse française avant même que l'ancien patron du Fonds monétaire international (FMI) ait tenu sa conférence. Petit retour sur ce qui a été dit mais pas entendu, en matière d'économie.

Dans son discours, Domnique Strauss-Kahn a donné une leçon d'économie - basique - articulée autour du thème des "trilemmes" (sorte de dilemme à trois pieds dans lequel les trois conditions ne peuvent être réunies de manière simultanée). Il l'a entamée en citant le triangle d'incompatibilité de Mundell qui relie indépendance de la politique monétaire, parfaite circulation des capitaux et régime de taux de change fixe; l'a poursuivie par le "trilemme" de Rodrik, théorie qui montre l'impossibilité de réunir les trois conditions suivantes : avoir des États-nations souverains, une forte intégration économique internationale et des États démocratiques. Pour en arriver à celui révélé par Jean Pisani-Ferry, et qui, selon l'ancien professeur d'économie à Sciences Po, "concerne l'Europe et sa structure de gouvernance".

L'économiste y établit l'incomptabilité fondamentale qui existe entre une union monétaire, un système de banques nationales et l'absence de gouvernance commune de la dette publique nationale. "C'est en effet au coeur de la crise de gouvernance européenne actuelle, et cela se rapporte aux précédents trilemmes dans le sens où l'Europe reste un compromis non résolu entre gouvernance nationale et supranationale. C'est particulièrement visible dans les domaines financiers et budgétaires", a expliqué l'ancien patron du FMI.

Il existe, selon lui, trois solutions pour combattre l'incompatibilité pointée du doigt par Pisani-Ferry. La première hypothèse est de dissoudre l'union monétaire de manière partielle ou totale. Mais pour des raisons politiques évidentes, l'ancien "éléphant" du PS écarte cette idée et prône plutôt un "fédéralisme bancaire ou fiscal". La seconde serait de mettre en place un système de supervision des systèmes bancaires nationaux et de garantie de dépôts à l'échelle européenne. Enfin, l'Europe pourrait choisir le "fédéralisme fiscal et finir le travail commencé avec la création de l'union monétaire, en reconnaissant qu'il n'y a pour l'instant pas eu d'expérience concluante d'une union monétaire sans union fiscale". Même si DSK reconnaît que cette dernière hypothèse semble peu probable.

Sur le cas grec, l'Europe va, selon lui,  "dans la bonne direction, mais ce n'est manifestement pas suffisant". "Il faut aller plus loin même si c'est politiquement désagréable" a t-il ajouté. "Les dirigeants européens ont montré durant cette crise qu'ils n'étaient capables de réagir qu'une fois arrivés au bord du ravin. Peut-être est-il temps de penser de manière plus stratégique, plus téméraire. Sinon, le risque est de subir une longue période de faible croissance avec son lot de conflits sociaux et le risque de voir grandir un sentiment de rejet de l'Europe en tant que projet". Et de conclure : "Ce que nous devons tous garder en tête est que pour définir un système monétaire international efficace, pour gérer la mondialisation, et pour résoudre le problème de la crise et construire l'Europe, le défi n'est pas technique, mais démocratique".

Commentaires 9
à écrit le 28/06/2012 à 14:55
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Mr Strauss kann nous aimerions vos commentaires sur l Europe dans l attente

à écrit le 16/03/2012 à 7:41
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L'harmonie économique dans la disparité des pouvoirs d'achat est une utopie. Les règles ( fiscales, sociales, successorales,....) doivent être identiques. A quoi sert l'Europe si elle n'impose pas cette uniformité économique ? La richesse du plurali...

à écrit le 15/03/2012 à 17:50
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Merci d'avoir enfin parlé de la seule chose digne d'intérêt, le contenu de la conférence le reste n'étant que presse à sensation

à écrit le 14/03/2012 à 19:01
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"Le défi n'est pas technique, mais démocratique". Où trouver les certitudes ou au moins les gages du caractère démocratique de l'action, si nous ne sommes plus dans les lendemains qui chantent ? Sans aller dans le sens des sceptiques, les leçons de l...

le 15/03/2012 à 7:58
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Bien relevé, mais tout le monde sait cela , le Non au referendum Européen en est l expression. A t il touché un gros cachet pour répéter l opinion populaire ?

à écrit le 14/03/2012 à 17:06
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Il est bien dommage que le contenu de cette conférence ait été occulté par le tapage extérieur sans intérêt orchestré par quelques poignées de personnes. Les compétences reconnues de Dominique Strauss-Kahn dans les domaines économique et financier a...

le 15/03/2012 à 7:47
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Le but de notre action est bien de faire passer la morale avant les intérêts économiques et financiers. Si vous n?avez aucune conscience c est votre problème mais cet homme a bafoué les principes de l humanisme socialiste qu?il était censé défendre e...

le 16/03/2012 à 8:23
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Je vous cite: "le but de "notre" action". Qui êtes-vous pour vous permettre de conjecturer sur ma conscience? Qui êtes-vous pour vous situer au-dessus des décisions de justice? Le ton de votre billet en donne une idée peu flatteuse, mais une chose es...

à écrit le 14/03/2012 à 15:43
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Il n y a plus de profs à Cambridge ? Je ne vois la qu un cours d?un professeur ordinaire qui maitrise son sujet, mais rien d?une expertise aiguisée. Je crois comme les manifestants qu il y a une volonté délibérée des organisateurs de montrer que la v...

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