Il y a 70 ans... La difficile naissance du FMI

Des transcriptions inédites de la conférence de Bretton Woods lèvent le voile sur la difficile naissance du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale en 1944. Les débats les plus vifs à l'époque n'étaient pas très éloignés de ceux qui animent aujourd'hui le FMI.
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Tombées dans l'oubli avant d'être découvertes par hasard dans un ministère américain, des transcriptions inédites de la conférence de Bretton Woods lèvent le voile sur la difficile naissance du FMI et de la Banque mondiale en 1944. "J'étais venu chercher un ouvrage dans la bibliothèque du Trésor et j'ai vu qu'il y avait un rayon "documents non-référencés". J'ai simplement voulu savoir ce qu'il y avait dedans", raconte à l'AFP Kurt Schuler, un économiste du ministère.

Des échanges parfois tendus

Ce passionné d'histoire met alors la main sur d'importants volumes noirs datés du 1er au 22 juillet 1944 et renvoyant à la "Conférence monétaire et financière des Nations unies", plus connue sous le nom de Bretton Woods, la ville du New Hampshire (nord-est des Etats-Unis) qui accueillait le sommet. Compulsant ces centaines de pages poussiéreuses, M. Schuler découvre les échanges, parfois tendus, entre délégués de 44 nations venus poser les fondations du système financier international à l'initiative de la Grande-Bretagne et de son représentant, le célèbre économiste John Maynard Keynes. "Quand j'ai compris que cela n'avait jamais été publié, j'ai su que c'était potentiellement important", ajoute-t-il.

Un "précieux trésor"

Deux ans après cette découverte, "les transcriptions de Bretton Woods" viennent d'être rassemblées dans un ouvrage aux Etats-Unis et constituent un "précieux trésor", témoigne en préface l'ancien directeur général du FMI, le Français Jacques de Larosière. "Même s'il y a eu des milliers de pages écrites sur Bretton Woods, rien ne vaut une transcription directe", souligne-t-il.

Des débats pas très éloignés de ceux d'aujourd'hui

Principal enseignement de ces archives déterrées: les débats les plus vifs à l'époque ne sont pas très éloignés de ceux qui animent aujourd'hui le FMI. Contestant une proposition américaine, plusieurs pays s'opposent alors aux "quotes-parts" qui leur sont allouées et qui détermineront leurs droits de vote au sein de l'institution. "En dépit du discours très éloquent et émouvant du délégué des Etats-Unis, (....) je tiens à dire que les quotes-parts proposées pour mon pays sont inacceptables", s'écrie le représentant iranien. Le délégué chinois campe sur la même ligne mais tient à dire qu'il "hésite grandement à exprimer une note de discorde à cette conférence".

L'influence de la France

Même les grandes puissances donnent de la voix. "C'est avec grande déception que nous avons noté que les quotes-parts que vous avez établies ne répondent pas à nos attentes", soutient Pierre Mendès France au nom du "Gouvernement provisoire de la République française". Selon lui, la France ne se voit pas reconnaître l'influence qu'elle "va probablement" exercer après la guerre.

"Ce document est d'une grande valeur historique", commente pour l'AFP Eric Rauchway, historien à l'université UC Davis en Californie. "Nous savions déjà (...) que des discussions avaient eu lieu dans les chambres d'hôtels, les couloirs et les bars, mais on voit ici que les négociations ont également éclaté en pleine session", dit-il.

La place des pays émergents

A Bretton Woods comme aujourd'hui, les pays émergents cherchent également à se faire une place de choix au sein du conseil d'administration du FMI, le principal organe de décision. "Nous pensons que les pays du Moyen-Orient devraient obtenir un siège en tant qu'entité économique unique. Il va sans dire que les petits pays ont besoin d'être bien représentés", assure le représentant de l'Egypte. Son v?u ne sera toutefois pas exaucé.

Au-delà des différends, ces minutes donnent aussi à voir un embryon de communauté internationale deux ans avant la naissance de l'ONU. "Cela marque une approche de la coopération économique totalement différente de celle qui prévalait avant la guerre", estime M. Schuler, qui espère faire traduire son ouvrage en français.

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