L'OMC a-t-elle encore un avenir ?

Roberto Azedevo vient d'être choisi pour diriger l'institution à l'heure où les accords bilatéraux ont le vent en poupe. Ce type de contrats va pourtant à l'encontre du principe même de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). L'institution internationale doit-elle se sentir menacée?
Pascal Lamy, le directeur de l'OMC, en fin de mandat, et Karl de Gucht, commissaire européen au Commerce. Copyright Reuters

A quoi sert l'OMC ? La question paraît de circonstance au moment où Roberto Azedevo vient d'être choisi pour succéder à Pascal Lamy à la tête de l'organisation à compter du 1er septembre prochain. Mais ce, alors que l'Union européenne envisage un partenariat avec les Etats-Unis, mais aussi avec le Japon ou encore le Maroc, pour n'en citer que quelques-uns. Le bilatéral semble donc indéniablement prendre le pas sur le multilatéral.

Une multitude d'accords bilatéraux

"L'OMC se trouve affaiblie", reconnaît d'emblée Guillaume Klossa, fondateur du think tank européen et transpartisan EuropaNova. Preuve en est le fait que l'organisation internationale ne parvienne pas à endiguer la multiplication des accords de libre-échange, contradictoires avec son principe même. En effet, "l'OMC a été créée pour baisser le nombre des accords bilatéraux de ce type", rappelle l'expert. En effet, selon la "clause de la nation la plus favorisée", tous les pays membres doivent se voir offrir les mêmes conditions commerciales, sauf exceptions qui doivent être justifiées mais aussi limitées. Prônant en principe la libéralisation des échanges, l'organisation appréhende les exportations comme moteur de croissance et de plein emploi.

Or il se crée en moyenne deux accords bilatéraux d'investissement chaque semaine selon un rapport publié en 2006, qui précise que 30 % du commerce mondial sont régis par quelque 250 accords bilatéraux et régionaux de commerce.

Un accord transatlantique, symbole de l'enterrement de l'OMC

A titre d'exemple, si les Etats-Unis et l'Union européenne parviennent à un accord transatlantique, ils régiront à eux seuls les règles du commerce mondial, comme l'a encore récemment rappelé Nicole Bricq, la ministre française du Commerce extérieur. Et pour cause, les deux économies pèsent, à elles seules, 50% de la richesse mondiale et près d'un tiers du commerce mondial.

Pour Michel Rainelli, professeur d'économie à l'université de Nice-Sofia-Antipolis, "symboliquement, deux grands blocs qui se lancent dans cet accord traduit l'enterrement de l'OMC". "En dépit des efforts de Pascal Lamy, les contradictions sont trop fortes", explique-t-il.

Or cette préférence pour les relations bilatérales au détriment du multilatéralisme serait d'ailleurs loin de s'essouffler à en croire Jean-Marc Siroën, professeur d'économie à l'Université Paris-Dauphine. Ce dernier pense ainsi que "la recherche de solutions alternatives va même s'accélérer". Et plus qu'un moyen, le libre-échange semble désormais être devenu une fin en soi.

L'échec du cycle de Doha

L'origine de cette prolifération d'accords bilatéraux serait à chercher du côté de l'échec du "round de Doha" pour le développement. "L'aboutissement du cycle était prévu pour 2005. Or, en 2013, rien n'est fait", constate Guillaume Klossa. "Les pays en tirent les conséquences", ajoute-t-il. Selon lui, la confiance à l'égard de l'OMC est de fait devenue très limitée. "L'organisation n'est pas crédible aujourd'hui. Le Gatt (l'ancêtre de l'OMC. ndlr) n'a rien résolu et ne constitue qu'un empilement d'accords", déplore l'expert.

De son côté, l'économiste et professeur à l'Université Paris-Dauphine Philippe Chalmin va plus loin. Selon lui, le problème vient du fait qu'il n'y ait "pas de gouvernance mondiale aujourd'hui". Pour l'économiste, le rôle de l'organisation mondiale du commerce au quotidien est essentiellement centré sur la gestion des règlements des différends. Face à la crise économique mondiale, le reste est, semble-t-il, quelque peu passé au second plan. Mais "c'est plus la gouvernance que le principe même de l'OMC qui est remis en cause", nuance l'économiste, faisant notamment allusion au problème de la répartition des pouvoirs au sein de l'OMC.

L'OMC séduit tout-de-même

Car, malgré tout, les grandes puissances cherchent encore à rejoindre l'OMC. La Russie -devenue son 156e membre en août 2012- en est un exemple. L'organisation ne semble donc pas (encore) vouée à disparaître. Mais on peut cependant dénombrer quelques dysfonctionnements. Certains "passagers clandestins" -comme les nomme la théorie économique - à l'instar de la Chine et la Russie cherchent ainsi à profiter des avantages sans en avoir les contraintes. "C'est le problème des cartels, qui a toujours existé. Il y a toujours des déviants. Ils continuent à le faire tant qu'il n'y a pas de sanction", analyse l'économiste Bruno Jérôme.

Plus optimiste, l'économiste Dan Ikenson, du think tank américain Cato Institute, pense que la dernière heure de l'OMC n'a pas encore sonné. Alors que l'accord transatlantique peut être perçu comme une menace pour l'organisation de Genève, lui pense au contraire qu'il pourrait constituer l'étincelle nécessaire à ranimer certaines parties du cycle de Doha et - pourquoi pas? - permettre de réussir un nouveau succès multilatéral. Quoi qu'il en soit, tel sera le défi de Roberto Azedevo qui aura comme première échéance, le sommet de Bali du 3 au 6 décembre prochains. 

Commentaires 16
à écrit le 02/06/2017 à 18:40
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L'OMC jopue un role tres fondamental dans le commerce mondiale,au dela de cette perspective j'aimerais savoir: pourquoi cet organisme mise en place n'a pas une main mise absolue aupres des nation qui essaye de ne pas respecter les règles mis en p...

à écrit le 01/09/2013 à 14:55
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Un monde ou l'Europe et les États-Unis sont seuls aux commandes du commerce mondial sont à craindre. Heureusement, ce n'est plus le cas!! L'avenir doit être vers le commerce équitable au profit de tous les pays et notamment ceux en développement !!

à écrit le 09/05/2013 à 21:38
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On aurait du proposer le poste à Sarkozy, ça aurait bougé un peu plus .....

à écrit le 09/05/2013 à 10:00
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Tout le monde sait maintenant que pour avoir un protectionisme efficace il ne faut pas se focaliser sur les droits de douane (règles techniques, ou fiscale comme la Corée qui impose un contrôle fiscal dans l'année a tout acheteur de voiture étrangère...

le 09/05/2013 à 14:27
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D'ailleurs, elle était dirigée par un socialiste français...

à écrit le 09/05/2013 à 0:30
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L'OMC à le même avenir que le conseil économique et sociale, très demandé !. La cour des compte dans sa grande mansuétude donnera peut-être un avis , mais au train où vont les choses, il n'y a pas à s'inquiéter outre mesure.

le 09/05/2013 à 10:55
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La cour des comptes devrait également être réformé...

à écrit le 08/05/2013 à 19:26
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L'OMC est vérolée. Libre-échange, abolition des barrières douanières, libre circulation des capitaux entre des pays qui ne sont pas au même niveau économique, qui n'ont pas la même culture, qui ont des ressources différentes, c'est la porte ouverte à...

à écrit le 08/05/2013 à 19:26
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L'OMC est vérolée. Libre-échange, abolition des barrières douanières, libre circulation des capitaux entre des pays qui ne sont pas au même niveau économique, qui n'ont pas la même culture, qui ont des ressources différentes, c'est la porte ouverte à...

à écrit le 08/05/2013 à 19:26
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L'OMC est vérolée. Libre-échange, abolition des barrières douanières, libre circulation des capitaux entre des pays qui ne sont pas au même niveau économique, qui n'ont pas la même culture, qui ont des ressources différentes, c'est la porte ouverte à...

à écrit le 08/05/2013 à 18:14
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Drôle de question! Comme un Français ne dirige plus l'OMC alors il n'aurait plus d'avenir? IL est bien connu que les Français sont les meilleurs mais ils n'arrivent pas à sortir leur pays de l'ornière. Du pays de l'identité nationale.

le 09/05/2013 à 14:29
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Le social, ça coûte... Et en France, ça ne rapporte pas (à part un gouvernement minable) !

à écrit le 05/04/2013 à 20:46
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Qu'est-ce l'OMC, un Organisation Mondiale de la Criminalité économique ?

à écrit le 05/04/2013 à 20:01
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Je ne vois pas que si l'accord entre transatlantique pouraient dominer le commerce mondiale déjà les deux sont mal au niveau économiquement.

le 06/04/2013 à 12:12
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Il faut savoir relativiser

le 10/05/2013 à 11:36
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les usa sont endettés certe beaucoup plus que l'europe mais qui sont les décideurs? qui fait fonctionner la planche à dollards et ça marche le dollard ne perd rien face aux autres monnaies c"est logique ou miraculeux ?ou simplement pot de terre et po...

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