Allemagne : la lente agonie de la "ville de la sidérurgie"

Eisenhüttenstadt, ville modèle du socialisme est-allemand, a été fondée en 1950 autour de l'industrie sidérurgique. La chute du Mur lui a porté un coup fatal. Depuis, elle sombre chaque jour un peu plus et se vide de ses habitants.
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«À vous, jeunes bâtisseurs du communisme! Que l?on ouvre ce message pour le 100e anniversaire de la ville et de l?usine en 2050 ! », peut-on lire sur une plaque commémorative installée en 1980 au pied d?un monument soviétique d?Eisenhüttenstadt. Mais à cette date? « y aura-t-il encore quelqu?un ici ? » Ben Kaden préfère en plaisanter. Cet universitaire de 36 ans a grandi dans le complexe d?habitations Numéro 5 de cette ville de l?est de l?Allemagne, située à la frontière polonaise. « Une ville conçue pour l?avenir, mais qui ne l?a jamais trouvé », résume-t-il joliment.

La ville vitrine de l?ancienne RDA, érigée en 1950 à partir de rien, au milieu des champs du Brandenbourg, fut d?abord baptisée « Staline-ville ». Avant d?être renommée Eisenhüttenstadt, ou « ville de la sidérurgie », en 1961, au plus fort de la déstalinisation. L?aciérie, aujourd?hui propriété d?ArcelorMittal, fut construite en premier, et occupe plus de la moitié de la surface de la ville.

Une équipe de foot au nom évocateur : FC Acier

Avec ses grandes artères et ses blocs d?immeubles, Eisenhüttenstadt, dont l?équipe de foot porte le doux nom de « FC Acier », incarnait la modernité en béton de l?après-guerre. Une génération de jeunes, âgés de 20 à 25!ans, y a alors débarqué sans rien, dans les années 1950, attirée par la promesse d?un logement et d?un emploi dans l?aciérie.

Aujourd?hui, la ville se vide lentement de ses habitants. Ils sont à peine 30000 contre plus de 50000 juste avant la chute du Mur. Selon les dernières prévisions, ils seront 25"800 en 2020.
Et encore? Car comme Ben Kaden, la plupart des jeunes quittent la ville, souvent pour Berlin,
située à une centaine de kilomètres. Environ un tiers des crèches de la ville ont fermé leurs portes depuis la réunification. L?école « Youri Gagarine » de Ben Kaden est aujourd?hui reconvertie en centre de services d?une caisse d?assurance-maladie. Une partie des logements, vides, a été détruite.

L?aciérie, elle, fonctionne toujours, avec 2300 salariés, contre plus de 10000 au temps de la RDA. Que se passera-t-il si l?usine ferme ses portes, comme à Florange ? « L?usine ne fermera pas », martèle la maire de la cité, Dagmar Püschel. L?élue met en avant les récents investissements réalisés sur le site par le sidérurgiste.

L?usine de papier ne fait pas le poids

Car Eisenhüttenstadt n?a pas de plan B. L?installation récente d?une usine de papier, parmi l?une des plus grandes d?Europe, très automatisée, n?a permis de créer que 160 emplois.

Dagmar Püschel espère séduire les 6000 personnes qui font tous les jours la navette entre Eisenhüttenstadt, où ils travaillent, et leur lieu de résidence. Elle évoque ses programmes de rénovation de logements, qu?elle aimerait proposer aux jeunes actifs ou aux familles. « Mais sur quoi bâtir l?image de la ville ?"», s?interroge Ben Kaden. L?image industrielle et soviétique colle aux hauts-fourneaux d?Eisenhüttenstadt comme le sparadrap aux doigts du capitaine Haddock.

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Article tiré de La Tribune Hebdo N°47

Commentaires 7
à écrit le 21/05/2013 à 8:03
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chacun son mittal.La sidérurgie n'a plus de place en Europe.

le 21/05/2013 à 10:53
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T'as raison, que l'on se concentre sur la fonction-publique-tamponne-papier, la banque, l'assurance et que l'on laisse l'industrie aux autres. C'est sale l'industrie.

à écrit le 20/05/2013 à 20:44
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"L?élue met en avant les récents investissements réalisés sur le site par le sidérurgiste." Je connais quelqu'un a vu son ancienne usine en grande partie renouvelée (constructions neuves) pour au final se retrouver a la porte alors que tous les outil...

à écrit le 20/05/2013 à 18:45
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aujourd'hui mittal demain????? 30000 habitants, il suffit pas d'aller a berlin pour travailler

à écrit le 20/05/2013 à 16:43
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Sait on jamais...Et si Mittal décidait de se délocaliser là-bas ...?

à écrit le 20/05/2013 à 14:19
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Le nom 'Stalin' significant 'homme d'acier' pour les russes, la ville, si elle devait abandonner ses activites siderurgiques, serait de facto destalinisee une deuxieme fois

le 20/05/2013 à 17:49
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En Russie, les grandes villes industrielles de l'Oural, spécialement aménagées pour la production industrielle de masse (genre Magnitogorsk et consorts) connaissent un grand essor depuis plus de 10 ans, après avoir désaffectées. Les industriels capit...

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