"Ce n'est pas le mauvais temps qui a pesé sur la croissance américaine"

La croissance américaine a chuté de manière inattendue au premier trimestre 2014 aux Etats-Unis. Pour Alexandra Estiot, économiste chez BNP Paribas, c'est surtout l'effet d'une faiblesse de la consommation et des exportations qui freine les investissements des entreprises et grippe encore la machine économique du pays.
Selon Alexandra Estiot, économiste chez BNP Paribas, c'est la faiblesse de la demande qui freine les investissements des entreprises et pèse sur la croissance américaine. (Photo : DR)

De nombreux analystes estiment que ce sont les intempéries qui ont pesé de manière importante sur la croissance américaine au premier trimestre. Mais selon l'économiste de BNP Paribas, Alexandra Estiot, la météo n'a eu qu'un effet marginal sur l'économie du pays en début d'année. Pour elle, même si la situation s'améliore, le mal est plus profond. Entretien.

La météo est-elle responsable de cette chute de la croissance américaine à 0,1%, contre 1% attendu au premier trimestre ?

Nous prévoyions 0,7% au premier trimestre pour notre part. Il y a des choses que l'on attendait, comme un léger mieux du côté des dépenses publiques et la baisse des investissements résidentiels et des entreprises. Le mauvais temps a peut être eu un léger effet sur les dépenses des ménages. Mais à mon sens ce n'est pas cela qui a causé le ralentissement de l'économie. La vague de froid n'a duré que quelques jours.

Alors comment explique-t-on la chute des investissements par exemple ?

Dans le résidentiel, il faut y voir le fait que les taux d'intérêts ont bien augmenté. En calculant le taux réel sur les prêts hypothécaires, on a constaté une progression de quelque 120 points de base par rapport à la moyenne de 2012. On observe d'ailleurs un recul des prêts hypothécaires.

Quand on regarde dans le détail, on s'aperçoit même que l'immobilier ancien à bas coup flanche carrément. Alors que le secteur reste dynamique pour des biens au dessus d'un million de dollars. En clair, l'américain moyen n'a pas été acheteur de logement au premier trimestre.

Les entreprises sont-elles aussi victime de cette remontée des taux réels ?

Pour les entreprises, c'est différent. Leur situation est excellente, elle sont en situation de se financer elles-mêmes depuis quatre ans. Leur ratio de dette sur fonds propres s'est amélioré et elles ont notamment réussi à réduire la charge des intérêts de manière marquée. En plus les conditions de financement sont très accommodantes pour les entreprises.

Alors où cela pêche-t-il ?

Le premier élément pour investir ce sont les perspectives de la demande. Il n'y a pas besoin d'augmenter les capacités de production si aucune augmentation de la demande n'est prévue. Il y a donc régulièrement une faible progression des investissements dans les biens à durée de vie limitée, comme par exemple le parc informatique. Mais pas plus que ce qui est nécessaire pour conserver la productivité en l'état.

Peut-on imaginer un redémarrage prochain de la demande ?

La situation est moins mauvaise qu'elle ne l'a été, car l'économie porte moins le poids du désendettement massif du secteur privé que ces dernières années. On a le sentiment que cette vague est désormais derrière nous. Et la forte réduction des dépenses publiques qui a eu lieu ces derniers mois (la plus importante au monde après la Grèce), pèse désormais de manière moins négative. Mais ce n'est pas l'euphorie non plus.

La consommation a pourtant semblé solide ?

La consommation des ménages a en effet bien tenu. Mais il y a eu une chute de la consommation de biens durables et non durables, qui a été compensée par les dépenses de santé et de chauffage. En ce qui concerne les dépenses de chauffage, il y aura une correction par la suite. En revanche, en ce qui concerne les dépenses de santé, il n'est pas impossible, même s'il est encore trop tôt pour le dire, que l'on voit là les premiers effets positifs d'Obamacare.

En revanche, les exportations ont décroché au premier trimestre d'après les premières estimations...

On observe des signes positifs dans certains pays de la zone euro, mais pas de nature à faire progresser les importations, bien au contraire. Or les importations des uns sont les exportations des autres. A cela s'ajoute un ralentissement marqué des émergents. Tout cela réuni pèse sur le commerce mondial et donc sur la demande extérieure américaine.

Croyez-vous à un rebond de la croissance au deuxième trimestre, comme de nombreux analystes ?

Non, je pense qu'on le surestime. Il y a eu de fortes constitutions de stocks en fin d'année 2013, et cela n'a pas été corrigé au premier trimestre. On a même des ratio de stocks sur vente qui remontent de manière assez violente. Cette correction pourrait avoir lieu au deuxième trimestre. Même si c'est difficile à prévoir, car on peut envisager la chose de deux manières. Soit cela signifie que les entreprises anticipent une reprise de la demande. C'est la version optimiste. Soit cela signifie qu'elles ont du mal à écouler leurs stocks.

Et vous penchez plutôt pour la deuxième solution...

Oui. L'un des effets les plus visibles de l'arrivée des hautes technologies sur le commerce est qu'elles permettent des ajustements en temps réel des stocks. A mon avis, cette accumulation des stocks en fin d'année dernière n'a rien d'un effort d'optimisation de la part des entreprises. Je m'attends donc plutôt à un premier semestre assez mou dans l'ensemble.

 

Commentaires 5
à écrit le 02/05/2014 à 5:38
Signaler
"La vague de froid n'a duré que quelques jours." Je vis a NY depuis plusieurs annees, et je crois que cette annee elle a du rester Paris tout l'hiver bien au chaud notre economiste... Ou alors il faut remplacer Jour par semaines voire mois!

à écrit le 01/05/2014 à 17:06
Signaler
Ce n'est pas avec cela ....que F.Hollande va augmenter les exportations vers les USA ...donc, la courbe de la croissance risque de s'inversait dans le mauvais sens.......!

à écrit le 01/05/2014 à 14:57
Signaler
La crise n'est pas un problème pour les USA. C'est plutôt une excellente opportunité qu'ils ont provoquée pour acheter des entreprises étrangères en difficulté mais néanmoins très performantes qu'ils payent avec du papier, car le dollars ne vaut en f...

à écrit le 01/05/2014 à 14:33
Signaler
Ce que dirait la BNPPARIBAS, cette hyper-puissance citée, ce n'est qu'une banalité de fait depuis longtemps : c'est la surproduction par rapport à la demande solvable. Alors, l'on triche de quel côté ? de l'insolvabilité ou d'une croissance moins coû...

à écrit le 01/05/2014 à 14:13
Signaler
Il y est pourtant pour une bonne part, les US ne sont pas épargnées ni les tempêtes de neige, inondations, tornades, tremblements de terre même faibles, ça n'arrête pas ! il est forcément, aussi coupable" quelque part....

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.