Libre-échange : pourquoi l'accord UE-Canada risque de ne pas être ratifié

L'Allemagne souhaite renégocier l'accord, refusant d'accepter en l'état le chapitre sur la protection des investissements. La crispation autour de la question de l'arbitrage international refait surface comme au moment des accords Tafta, au printemps dernier.
Mounia Van de Casteele
"Si nous rouvrons les négociations sur CETA, alors c'est la mort de l'accord", a déclaré Karel de Gucht au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung. Pour lui, renégocier mettrait en péril l'aboutissement de son grand-frère, le fameux partenariat transatlantique, qui suscite lui aussi beaucoup de méfiance dans les pays européens - notamment en Allemagne - et dont le prochain cycle de négociations aura lieu à Washington du 29 septembre au 3 octobre

Le petit frère du TTIP (ou Tafta) aurait-il du plomb dans l'aile? La question semble légitime à en croire l'euro-député vert Yannick Jadot, alors que la fin des négociations sur l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, le Ceta*, est censée être entérinée ce vendredi 26 septembre à Ottawa.

Selon le député, le texte est en effet loin d'être définitivement adopté, tant les réticences à l'égard de ce projet d'accord sont nombreuses. Des investissements, aux brevets dans le domaine pharmaceutique en passant par la question agricole et les quotas de bœuf ou encore celle de l'ouverture des marchés publics, les pierres d'achoppement ne manquent pas.

L'Allemagne dit nein !

Non seulement les réserves se multiplient - alors que l'on pensait l'accord en passe d'être bouclé il y a un an déjà - mais surtout, elles n'émanent pas des acteurs les moins influents. Berlin se montre ainsi plus que réservé, notamment au sujet du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats. Le ministre allemand de l'Economie, le social-démocrate Sigmar Gabriel, a ainsi encore plaidé jeudi 25 septembre devant les députés du Bundestag:

"Nous devons essayer de renégocier. (...) Le chapitre sur la protection des investissements n'est pas acceptable en l'état aux yeux de l'Allemagne"

Car selon ses détracteurs, le mécanisme, qui prévoit notamment le recours à l'arbitrage international, pourrait permettre aux multinationales de contester en justice des politiques publiques. Des entreprises canadiennes de biberons pourraient par exemple poursuivre la France en justice pour avoir interdit le bisphenol A.

C'est d'ailleurs ce qui risque de se passer en France avec les cigarettiers. Mécontents du plan anti-tabac présenté jeudi par la ministre de la Santé Marisol Touraine, imposant notamment un paquet neutre (sans logo), les fabricants menacent de se retourner contre l'Etat français.

Karel de Gucht ne veut pas renégocier

Or le Commissaire européen au Commerce Karel de Gucht ne veut pas entendre parler d'une éventuelle remise à plat. "Si nous rouvrons les négociations sur CETA, alors c'est la mort de l'accord", a-t-il déclaré au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung.

En effet, pour lui, renégocier mettrait en péril l'aboutissement de son grand-frère, le fameux partenariat transatlantique, qui suscite lui aussi beaucoup de méfiance dans les pays européens - notamment en Allemagne - et dont le prochain cycle de négociations aura lieu à Washington du 29 septembre au 3 octobre.

Aussi le commissaire belge veut-il aller (très) vite pour conclure cet "accord [qui] est un modèle pour les négociations commerciales avec les Etats-Unis", avant de passer le flambeau à la Suédoise Cecilia Malmström.

Un long processus de ratification

Reste que la ratification du CETA va prendre encore de longs mois, voire plusieurs années: l'étape de vendredi est avant tout purement symbolique. Elle permettra seulement de lancer le processus de validation de ce texte de 1.500 pages. Celui-ci sera d'abord rendu public - ce qui prendra un certain temps, traduction oblige -, avant d'être soumis à l'approbation du Parlement Européen, puis éventuellement à celle des 28 Parlements nationaux de l'Union européenne. Sur ce dernier point, non précisé dans le traité de Lisbonne en effet, un flou juridique demeure.

Mais comme le rappelle l'économiste Jean-Marc Siroën, rien qu'au stade du Parlement européen, "la majorité est loin d'être acquise". Bref, le Ceta n'est pas pour demain. "En attendant, l'opinion publique peut soit l'oublier, soit se mobiliser", conclut-il.

(*) CETA pour Canada-EU Trade Agreement, en anglais; ou AECG pour Accord Économique et Commercial Global, en français

Mounia Van de Casteele
Commentaires 23
à écrit le 26/09/2014 à 14:01
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Ces traités sont une aberration et un déni démocratique inacceptable. La notion même de tribunal arbitral est une insulte à la notion de souveraineté populaire et démontre bien l’idéologie derrière ces traités : l’économie et l’argent prévaut sur l’h...

à écrit le 26/09/2014 à 9:37
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Encore un sujet qui agit comme un repoussoir à l'Europe. Les US ne conçoivent les affaires que dans un rapport de force qu'ils font arbitrer par leurs avocats, bien aidés par une législation taillée sur mesure. Le tapis vert est la nouvelle formule d...

à écrit le 26/09/2014 à 8:38
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Nos dirigeants socialistes sont prêts signer... Pour combien se sont-ils vendus?

le 26/09/2014 à 9:07
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+100% - j'ajoute qu'ils sont à un niveau d'incompétence et de destruction volontaire ou non de la France qu'ils n'ont probablement même rien touché pour beaucoup d'entre eux ! Heureusement qu'il y a les méchants d'Irak (après sadam !!) pour ne pa...

à écrit le 26/09/2014 à 8:23
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Je peux me tromper, mais il me semble que ces accords décidés à la va vite dans le grand secret posent également un petit problème constitutionnel. 1 – le droit européen est supérieur aux législations nationales, y compris les constitutions nation...

à écrit le 26/09/2014 à 8:21
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Personne en Europe ne veut de se traiter mais on risque de le signer par la seule faute du Belge Karel de Gucht ? Et bien j'espère que nos élus auront un peu plus de courage pour l'avenir des peuples qu'ils sont censés représenter, ils doivent dire N...

à écrit le 26/09/2014 à 1:53
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Cet accord fait partie d'un ensemble plus vaste qui a pour but l'annexion par les états-unis de tous ses alliés pour contrer l'influence de la Chine, les canadiens se désolent des traités signés avec les états-unis et maintenant le canada propage ces...

à écrit le 25/09/2014 à 19:57
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il ne faut pas ratifier ce torchon, c'est la fin de la France, notamment avec le recours à l'arbitrage, une honte,....Si l'UE nous oblige à ratifier ce Traité, seul le Front National sera notre salut! Une honte cette Commission Européenne ultra-libér...

le 25/09/2014 à 21:05
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Non, pas besoin de voter facho. Tu peux aussi voter pour des gens à gauche du nouveau parti de droite nommé "PS".

le 26/09/2014 à 7:37
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Tu veux dire la gauche qui fait plus de guerre que tous les dirigeants de droite de la 5ieme république ?

à écrit le 25/09/2014 à 19:25
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Les traités se font dans le dos de nos élus et à fortiori dans le dos des peuples, le TAFTA à venir est une menace contre laquelle il est essentiel de s'insurger car demain il sera trop tard, rejoignez l'UPR sur ce dossier et son opposition construc...

à écrit le 25/09/2014 à 18:37
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A propos du système d’arbitrage le Comité Pauvreté et Politique a rédigé une note de 12 pages qui a été envoyée aux autorités françaises, européennes et au Parlementaires notamment européens. Plus globalement, il être bien conscient de ce qui suit :...

le 25/09/2014 à 21:03
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C'est aussi le rêve des multinationales européennes ! Gataz et consorts : "I have a dream".

à écrit le 25/09/2014 à 18:11
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Bienvenue en UERSS !

à écrit le 25/09/2014 à 18:09
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"avant d'être soumis à l'approbation du Parlement Européen, puis éventuellement à celle des 28 Parlements nationaux de l'Union européenne." Mais bien sûr, les parlements nationaux vont être consultés !!!

à écrit le 25/09/2014 à 17:23
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La preuve que la commission négocie dans le dos des états!! Ensuite, elle les met devant le fait accompli et prêche qu'il n'est plus possible de négocier! Les commissaires européens sont tous des vendus aux USA! Ils étaient salariés des grands grou...

à écrit le 25/09/2014 à 17:17
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La preuve que la commission négocie dans le dos des états!! Ensuite, elle les met devant le fait accompli et prêche qu'il n'est plus possible de négocier! Les commissaires européens sont tous des vendus aux USA! Ils étaient salariés des grands grou...

à écrit le 25/09/2014 à 17:04
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La libéralisation à l'échelle supérieure consistera à tout signer (notre Président semblait trouver que l'accord avec les USA était une bonne chose, également dans les détails ? ou sur le principe seulement ? Si ça fait de l'emploi, tout est bon (à s...

à écrit le 25/09/2014 à 17:03
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C'est une honte c'est accord !!! Il ouvre la porte à tous les futurs horribles que l'on décrit dans les romans ou séries de science fiction : des états sans pouvoirs et des multinationales qui font la loi ! Nos ministres sont des vendus qui vont br...

à écrit le 25/09/2014 à 16:19
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"traduction oblige " ??? le décret n° 2008-469 du 20 mai 2008 de Sarko prévoit que, pour réduire les coûts, les traductions ne sont plus nécessaires ... et la réforme Fioraso/Hollande prévoit les cours en anglais dans les universités. Le mieux serait...

le 25/09/2014 à 18:10
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@Patrickb : "on gagnerait même du temps et de l'argent puisque les décisions seraient prises à Washnigton" C'est déjà le cas et depuis longtemps. Les Traités en cours de négociation, ne sont plus qu'une formalité !

le 25/09/2014 à 18:21
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Les Suisses et les Hollandais parlent souvent 3 ou 4 langues sans se croire les serfs des pays dont ils parlent la langue... bien au contraire. Il ne faut pas mélanger la maîtrise d'une langue et la politique...

le 25/09/2014 à 18:41
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@incrédule50: bon, si la langue n'est plus un pilier de la cohésion sociale d'un pays, on abandonne tout ! et pour info, la Suisse est un mauvais exemple puisqu'il existe de fait 3 langues que chacun des intéressés tient à conserver avec sa culture p...

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