Jean Arthuis lance onze propositions pour réformer la zone euro

Le Sénateur et ancien ministre veut renforcer l'intégration institutionnelle et budgétaire de la zone euro.
Jean Arthuis, Sénateur de la Mayenne. Copyright AFP

"L'intégration politique ou le chaos". Le titre est ronflant, mais le rapport de l'ancien ministre de l'Economie et des Finances, Jean Arthuis, actuel sénateur de la Mayenne, sur l'avenir de la zone euro. Ce texte de 66 pages fait d'abord un constat fort entendu sur les causes de la crise actuelle. Pour celui qui fut ministre des Finances entre 1995 et 1997 et qui a donc mené les efforts de la France pour entrer dans l'Union économique et monétaire, le problème ne réside pas dans le pacte de stabilité et de croissance, mais dans l'absence de respect de ce dernier. Niant tout lien entre le "gel" en 1999 des deséquilibres compétitifs au sein de la zone euro, il ne veut voir dans l'euro qu'un "sédatif" qui a ouvert la voie à des "années folles" où aucune limite n'était vraiment prescrite aux dépenses publiques. Le mal, selon le sénateur, réside donc dans le refus de se soumettre au pacte de stabilité et de croissance ainsi qu'à l'autonomie budgétaire des Etats.

Onze propositions

Logiquement donc, Jean Arthuis propose d'abandonner une grande partie de la souveraineté budgétaire, partant du principe que l'entrée dans la zone euro, est un "billet sans retour" et que la politique budgétaire d'un pays membre entraîne nécessairement la responsabilité et la solidarité des autres. Concrètement, pourtant, ses onze propositions ne sont guères révolutionnaires. Elles entendent approfondir le chemin accompli avec le récent traité signé la semaine dernière. Quelles sont-elles ? Certaines sont de bon sens comme l'homogénéisation des méthodes de présentation des budgets nationaux ou l'indépendance d'Eurostat. D'autres vont dans le sens d'un approfondissement du contrôle budgétaire mis en place par les nouveaux traités. C'est le cas de l'indépendance des prévisions macroéconomiques utilises pour établir les budgets, l'adoption d'un programme de consolidation budgétaire quinquennal et la mise en place de sanctions politiques et non plus financières, comme le retrait du droit de vote au conseil pour les pays qui dérapent trop. Enfin, Jean Arthuis propose de modifier dans un sens fédéral l'architecture institutionnelle avec la création d'un président européen qui fusionnerait les fonction du président du conseil européen et de la commission et un ministre de l'économie et des finances de la zone euro qui remplirait les fonctions du président de l'eurogroupe et du vice-président de la commission en charge de l'euro. Une direction du trésor de la zone euro serait également créée.

Incertitudes

Ces propositions ne vont pas cependant sans poser de problèmes. D'abord, on voit mal comment elles peuvent régler la crise actuelle. Pire même, on a du mal à percevoir en quoi ces nouvelles institutions auraient pu favoriser la gestion de la crise. Le débat interne à la zone euro aurait-il été évité par l'existence d'un président et d'un ministre des Finances ? Les Allemands auraient-ils accepté de payer de meilleure grâce par la simple présence de ces institutions ? Les Grecs auraient-ils mieux accepté les abandons de souveraineté ? On peut en douter. Quant à l'aspect préventif, il est également incertain puisque les institutions créées par Maastricht ont échoué justement dans l'euphorie des "années folles"? En aurait-il été autrement avec plus d'institutions ?

Croissance et démocratie oubliées

Du reste, le projet du Sénateur oublie singulièrement la question devenue cruciale de la croissance. Il le réduit à la reprise de l'agenda 2020 de la commission dont on sait le peu de succès. L'initiative des 12 chefs de gouvernements voici deux semaines pour les réformes stratégiques le laisse sceptique. Autrement dit : l'Europe doit se mêler du budget, pas de la croissance. Autre point : la participation démocratique. Parant les critiques, il fait une proposition : créer une commission d'une centaine de membres réunissant des députés nationaux et européens pour "surveiller et contrôler" les budgets de la zone euro. Mais cette nouvelle commission n'aura pas pouvoir de décision. Quoiqu'il s'en défende, Jean Arthuis a établi là un "alibi démocratique" peu convaincant.

Qu'adviendra-t-il de ce nouveau rapport ? Matignon, qui a commandé ce rapport a indiqué qu'il "stimulera les réflexions et débats". La France n'en fera donc pas la base de sa position future et il risque donc de rejoindre ses illustres prédécesseurs sur les étagères poussiéreuses des ministères. Il est vrai que Paris se contente depuis plusieurs mois d'atténuer les propositions allemandes de réformes de la zone euro et n'a guère la puissance économique nécessaire pour imposer ses choix.

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