Règlementation bancaire : le rapport Liikanen va-t-il être enterré ?

Présenté le 2 octobre dernier à la Commission européenne, le rapport Liikanen pourrait obliger les banques à revoir considérablement leur organisation s'il était adopté en l'état. Mais quelle influence aura-t-il vraiment sur la réglementation du secteur financier? La Commission européenne semble avoir d'autres priorités en ce moment. Une seule chose est sûre : les banques européennes défendront leur modèle bec et ongles et elles feront tout pour minimiser les coûts liés à la nouvelle réglementation !
Copyright Reuters

Quelles banques seraient concernées par le cantonnement des activités de marché ?

Pour mémoire, le rapport Liikanen propose de cantonner les activités de marché à haut risque (trading pour compte propre, tenue de marché, crédit aux hedge funds, véhicules d'investissement hors bilan, investissement dans le private equity) dans une entité juridique dédiée, lorsque ces activités dépassent
- un seuil relatif : elles représentent 15% à 25% de l'actif total de l'établissement
- ou un seuil absolu : elles représentent plus de 100 milliards d'euros d'actifs.

Source : Eurogroup Consulting

En France, la BFCM, La Banque Postale et le Crédit Mutuel Arkéa ne seraient a priori pas concernés par ce cantonnement. En revanche, quatre groupes bancaires français remplissent les deux critères susceptibles de les y rendre éligibles: BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et BPCE.

Que vont-elles faire pour tenter d'y échapper ?

Afin d'éviter d'avoir à mettre en ?uvre des mesures trop contraignantes, les banques se situant à la limite des seuils d'éligibilité devraient chercher à « réduire leur volume d'actifs consacrés aux activités de négoce pour compte propre », avance Yvette Roozenbeek, directrice au sein du secteur Banque et Services Financiers chez Eurogroup Consulting. En France, BPCE, voire Crédit Agricole, pourraient jouer cette carte. En revanche, cela ne paraît pas envisageable pour BNP Paribas ou pour Société Générale. Tout dépendra du seuil relatif retenu (entre 15 et 25%), car en valeur absolue, les actifs détenus à des fins de transaction dépassent largement les 100 milliards d'euros.

Valeur des actifs détenus à des fins de transaction (2011, en milliards d'euros)
BNP Paribas Société Générale Groupe Crédit Agricole BPCE CIC BFCM
762,8 389,3 444,0 159,2 15,6 16,4
Sources : Eurogroup Consulting, documents de référence 2011 des établissements

 

" Il serait logique que certaines banques tentent de réduire la voilure.Par ailleurs elle pourront sans doute structurer leurs produits de façon à pouvoir faire des transferts du trading book au banking book" confirment Elie Farah et Bruno de Saint Florent, associés chez Oliver Wyman Financial Services.

Du chemin à parcourir avant la mise en ?uvre d'une réforme bancaire européenne

« Le rapport Liikanen n'est qu'un point de départ », rappelle Yvette Roozenbeek. A la réception du rapport Liikanen, Michel Barnier, le commissaire européen chargé du marché intérieur et des services, est d'ailleurs resté assez vague. « Il s'agit d'un rapport important qui influencera notre politique en matière de réglementation du secteur financier », a-t-il déclaré, ajoutant sans donner de calendrier précis qu'il allait « envisager les prochaines étapes au cours desquelles la Commission étudiera l'impact de ces recommandations à la fois sur la croissance et sur la sécurité et l'intégrité des services financiers ».
Une période de consultation qui s'achèvera mi-novembre permettra aux banques de faire valoir leur point de vue. Leur lobbying est, on le sait, généralement très efficace. De quoi, potentiellement, remettre en question certaines des recommandations du rapport. Par la suite, aucune proposition réglementaire n'est attendue avant 2013 et aucune date n'est avancée pour leur entrée en vigueur. Aux Etats-Unis, la réglementation Volcker date de 2010 et les modalités de son application sont toujours discutées.
De plus, la réforme bancaire n'est probablement pas la priorité de la Commission en ce moment. La mise en place de l'union bancaire, et en premier lieu d'une supervision bancaire unique, devrait passer avant.

Le rapport Liikanen laisse de nombreux points en suspens

Plusieurs points restent à éclaircir. D'abord, il faudra calibrer les critères évoqués par le rapport Liikanen. « Entre un seuil à 15 et un seuil à 25%, ce n'est pas du tout la même chose », commentent Elie Farah et Bruno de Saint Florent  associés d'Oliver Wyman Financial Services. « Pour certaines activités, comme la tenue de marché d'obligations d'entreprises, il faudra débattre :  on peut  considérer qu'elles sont liées au financement des entreprises et en tant que telles pouvoir être rattachées à la banque plutôt qu' à l'entité de trading. Dans le cas inverse, se pose aussi la question du soutien en capital et en liquidité de la banque », exposent  les associés d'Oliver Wyman pour qui « le niveau d'isolation ou de lien entre les deux entités est un vaste domaine de discussion ». Enfin, au niveau opérationnel, les banques ignorent encore dans quelle mesure elles devront redéployer leurs moyens : « si les banques ont la possibilité de partager des services support, cela n'a pas les mêmes conséquences en terme de coefficient d'exploitation », expliquent les consultants.


La fin du too big to fail, vraiment ?

Les Etats ne viendraient pas en aide aux entités de trading ? Il est permis d'en douter. Tous les établissements que les Etats ont jugé bon de soutenir pendant la crise n'étaient pas forcément des banques de dépôt. Et les interconnexions entre les différents acteurs du secteur financier ont peu de chance de se réduire.


 

 

Voir aussi le rapport Liikanen
 

Commentaires 8
à écrit le 16/10/2012 à 12:44
Signaler
L avantage serait que si les politiques aidaient ces entites, il ne pourrait plus invoquer le slogan...on fait cela pour sauver l argent du contribuable moyen (comprendre on nationalise les pertes des banques avec votre argent...et nous politiques on...

à écrit le 16/10/2012 à 10:54
Signaler
Aux US, la toute première réglementation a été annulée par la justice, en GB, abandonnée d'office, à notre tour...

à écrit le 16/10/2012 à 10:21
Signaler
Dans le graphe -- Crédit Agricole (SA) C'est quel pays SA?? La royauté de la Société Anonyme ^_^

le 16/10/2012 à 13:57
Signaler
Le message en clair était "Relisez vos sources et modifiez-les avant de les mettre en ligne"... Le SA n'a rien à faire ici à la suite du nom crédit agricole... A moins que vous parliez de la subsidiary sud-africaine - qui peserait alors bien lourd à...

le 16/10/2012 à 15:03
Signaler
Le SA désigne le véhicule coté du CA, en clair la structure consolidée du Crédit Agricole il a donc toute sa place ici mais pas entre parenthèses : Crédit Agricole SA -CASA- (FR)

le 16/10/2012 à 15:19
Signaler
ouf! l le lecteur (intelligent) a rectifié de lui même l'erreur de frappe du consultant qui a fait le graphique ;)...Pas sûr que ça valait un commentaire Mat ....sinon, pour vous qui aimez donner des leçons : subsidiary ça se dit filiale en français.

le 16/10/2012 à 15:58
Signaler
Tout essai de régulation de la finance plonge aux oubliettes et vous discutez tranquille sur un détail. Pertinents...

le 18/10/2012 à 11:32
Signaler
@FATCAT : en effet cela désigne le véhicule coté (d'où mon ironie là dessus en fin de phrase)- et ce SA à toute sa place - MAIS pas ici. Il n'empêche que cette coquille reste marrante et montre bien l'attention apportée à cette version du site. @Le...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.