Vu de Rome, l'avenir de l'Italie s'annonce plus que jamais incertain

La campagne électorale en Italie, après la probable démission de Mario Monti qui a perdu la majorité après le retrait du soutien du parti de Silvio Berlusconi, s'annonce difficile sur fond d'incertitudes économiques croissantes. En particulier, même si le "Cavaliere" semble avoir peu de chances de l'emporter, il compte bien néanmoins influer sur le jeu politique.
« En un an, le Professore a fait davantage que tous les gouvernements italiens depuis 2000 », rappelle le professeur d'histoire économique Gianni Toniolo, même si le bilan global apparaît en demi-teinte. Copyright Reuters

« Quelle importance si le spread augmente ? ». Après avoir annoncé son retour en politique en fin de semaine dernière, Silvio Berlusconi est entré en campagne électorale (sa sixième depuis 1994) en fixant, mardi matin, les grandes orientations de sa bataille pour les élections législatives qui devraient avoir lieu en février prochain.

Tirant à boulets rouges sur la politique de Mario Monti et son objectif de réduire au maximum l'écart des taux d'intérêts italiens et allemands (qui en treize mois est tombé de 520 points à environ 300 points), le "Cavaliere" a également dénoncé dans une intervention sur l'une de ses chaînes de télévision l'alignement de l'Italie sur les positions la Chancelière allemande Angela Merkel : « Le gouvernement Monti a suivi les politiques germano-centrées que l'Europe a tenté d'imposer aux autres États et cela a créé une situation de crise qui est bien pire que celle que nous avions laissée lorsque nous étions au gouvernement ».

« Les Italiens ne sont pas des ingénus ni des idiots »

Le patron de la droite entend ainsi remobiliser les abstentionnistes et séduire les mécontents excédés par la hausse des impôts (la pression fiscale atteint désormais 43,8% du Pib), l'austérité et la hausse du chômage (plus de 11% de la population active). « Les Italiens ne sont pas des ingénus ni des idiots », a répliqué Mario Monti qui n'a pas encore révélé s'il comptait se présenter aux élections mais qui semble malgré tout tenté par l'épreuve, fort d'une popularité de 45%.

« La réaction négative des marchés lundi (-2,2%, ndlr) est davantage due à la démission de Mario Monti qu'au retour de Silvio Berlusconi » analyse Gian Maria Gros-Pietro, responsable du département économique de l'université Luiss de Rome, « personne ne pense sérieusement que Silvio Berlusconi puisse gagner les élections », assure-t-il. Son parti est actuellement crédité de 16% dans les sondages soit quinze points de moins que le parti démocrate de Pierluigi Bersani. « Mais la chute du cabinet Monti signifie que certaines réformes comme celle sur la réduction du nombre de provinces (l'équivalent des départements français) ne seront pas adoptées par le Parlement avant sa dissolution », poursuit Gian Mario Gros-Pietro qui ajoute « au delà, le départ du Professore fait craindre une campagne électorale avec des poussées populistes, du mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo mais aussi de la Ligue du Nord et dans une certaine mesure de Silvio Berlusconi. Dans ce cas les autres forces seront obligées d'en tenir compte et de s'adapter ».

"Suspendus dans les limbes"

Concrètement, les opérateurs financiers n'excluent pas des tensions dans les prochaines semaines, durant la campagne électorale. « Nous serons pendant deux mois suspendus dans les limbes. La Banque centrale européenne aura beaucoup de mal à maîtriser la spéculation » selon l'expert de la banque Albertini Syz Angelo Drusiani.

Cependant, la démission de Mario Monti n'a, de ce point de vue, pas changé grand chose. « Cela n'a pas été un saut dans le vide. Les investisseurs l'ont perçu comme une solution nécessaire vu la majorité hétéroclite (allant de la droite berlusconienne jusqu'au parti démocrate en passant par les centristes, ndlr) qui pendant un an a soutenu l'Exécutif.

Au bout du compte, la chute de Mario Monti n'a anticipé les élections, prévues au plus tard au printemps 2013, que d'environ un mois », explique l'analyste du Sole 24 Ore Walter Riolfi. Reste que pour nombre d'observateurs, la petite remontée des taux d'intérêts sur les titres italiens et le recul même modeste de la Bourse pourraient être un « antipasto », c'est-à-dire un hors d'oeuvre, du sort réservé à l'Italie en cas de blocage politique à l'issue des élections législatives.

Silvio Berlusconi compte notamment réussir un bon score dans le nord du pays - traditionnels bastions de la droite - de manière, grâce à une loi électorale complexe, à peser fortement au Sénat et à influer sur le jeu politique. Ainsi, les marchés redoutent-ils que le prochain gouvernement ne respecte pas « l'agenda Monti » et ses réformes.

"Monti n'a pas réussi à changer le mode de vie des Italiens"

« En un an, le Professore a fait davantage que tous les gouvernements italiens depuis 2000 », rappelle le professeur d'histoire économique Gianni Toniolo même si le bilan global apparaît en demi-teinte. Le gouvernement de techniciens a notamment réussi a faire passer une réforme du système des retraites (repoussant l'âge légal de départ à 66 ans) et une réforme du marché du
travail introduisant davantage de flexibilité.

Mais Mario Monti n'est pas parvenu, en treize mois, « à changer le mode de vie des Italiens ». Le «décret développement» qui devait relancer la croissance interne et celui concernant la simplification administrative se sont perdus en route lors de leur examen au Parlement. De manière générale, le gouvernement Monti a eu beaucoup de difficultés à convertir en lois ou décrets d'application des réformes adoptées en conseil des ministres et annoncées à l'opinion.

L'économie au noir, plaie de la péninsule

Quant à la lutte contre l'évasion fiscale, des progrès ont été enregistrés mais l'économie au noir demeure une plaie de la péninsule. « Il y a eu peu de réformes décisives. Mario Monti a considéré que le problème numéro un était le déficit et que le seul moyen de le réduire était d'augmenter les impôts. Il aurait dû oser davantage en s'attaquant franchement aux coûts de la politique et à la gabegie », estime le sociologue et éditorialiste à La Stampa Luca Ricolfi qui ajoute toutefois « sans lui, la situation serait bien pire ».

Un sentiment partagé par l'économiste Gian Maria Gros-Pietro : « Mario Monti a été trop respectueux des forces politiques. Il aurait dû
hausser le ton tout de suite pour couper dans les dépenses publiques, prendre des mesures pour la croissance (la récession devrait dépasser 2% en 2012, ndlr) et augmenter la productivité. Je ne pense pas que les engagements budgétaires pris auprès de l'Europe seront remis en cause par le prochain gouvernement quel qu'il soit. Mais les mesures prises par Mario Monti ne suffisent pas et on peut craindre que les autres réformes prévues ne soit jamais adoptées. »

Commentaires 8
à écrit le 12/12/2012 à 16:14
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"Changer le mode de vie des Italiens"... Pauvre Monti, a qui on demande plus qu'il ne pouvait. Mussolini, en 20 ans, n'y est pas parvenu. Le Grand Turc, en un siècle, y serait peut-être arrivé... Si il faut "changer le mode de vie des Italiens", ou d...

à écrit le 12/12/2012 à 15:40
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Vu de Paris l'avenir de la France c'est la hausse des impôts exclusivement .Et pour le momment ça tient le coup.

le 12/12/2012 à 17:25
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parce que les francais sont mondialement réputés tres dociles a l impot

à écrit le 12/12/2012 à 11:48
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Et par extension l'avenir de l'Europe et de l'Euro aussi !!

le 12/12/2012 à 14:51
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Tu peux espérer gagner au loto aussi.

à écrit le 12/12/2012 à 10:17
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La Tribune devrait s'informer auprès de François Hollande qui a annoncé que la crise de l'euro était derrière nous

le 12/12/2012 à 11:40
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Bien vu ! Mais égoistement pendant que la spéculation s'acharne sur la dette italienne et des autres pays du sud en crise nous sommes tranquille et la dette francaise se négocie toujours a des taux historiquement bas... pour l'instant...

le 12/12/2012 à 14:50
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ou auprès de Nicolas Sarkozy qui disait la même chose avec l'éradication des paradis fiscaux grâce à lui. Facile de faire dans le parti pris et le populisme. Comme d'habitude, à droite toute.

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