Dublin étudie un échange de baisses d'impôts contre le gel des salaires

Le Premier ministre irlandais pourrait accorder une baisse de l'impôt sur le revenu moyennant un gel des salaires. Une proposition difficile à mettre en oeuvre.
En Irlande, l'impôt sur le revenu peut se révéler assez lourd pour les classes modestes. Pour un individu vivant seul, un taux de 20 % est appliqué sur les 32.800 premiers euros de son revenu. Le reste est taxé à 41 %.

Le gouvernement irlandais pourrait proposer en octobre un marché aux syndicats. Selon l'Irish Sunday Times de ce dimanche, le "taoiseach" (Premier ministre irlandais), Enda Kenny, pourrait accepter une baisse de la fiscalité sur le revenu moyennant un gel des salaires afin d'améliorer encore la compétitivité des entreprises et accélérer la décrue du chômage. Cette mesure serait néanmoins conditionnée à une accélération de la croissance au-delà des 2 % prévus pour cette année.

L'équation du gouvernement

Si, officiellement, l'Irlande est sortie du plan d'aide accordé en 2009 par l'Union européenne et le FMI et a opéré son retour sur les marchés, sa situation reste délicate. Le niveau de la dette (122,3 % du PIB fin 2013) est un des plus élevés d'Europe et pèse sur un déficit des finances publiques encore très élevé (7,2 % du PIB en 2013). Ceci contraint Dublin à maintenir une politique budgétaire très rigoureuse pour rassurer les marchés qui sont désormais sa seule source de financement extérieur, mais aussi à encourager toute les mesures permettant aux entreprises irlandaises de gagner des parts de marché. Car la croissance du PIB, dont le principal moteur reste l'export, est un moyen de réduire le poids de la dette et du déficit.

Théorie et pratique

D'où la condition posée par le taoiseach et par son ministre des Finances Michael Noonan à ce « marché » qui, au final, devrait demeurer neutre pour l'Etat puisque le manque à gagner fiscal d'un allègement de l'impôt sur le revenu sera compensé par la hausse des revenus dus aux embauches et aux gains de compétitivité. Enfin, en théorie. En réalité, les vases ne sont jamais communicants et, déjà, des controverses s'ouvrent pour savoir quels types de baisse d'impôts appliquer. Le Labour, allié au Fine Gael d'Enda Kenny, se déchire déjà pour savoir sur quels types de revenus appliqués la baisse.

Comment faire ?

En Irlande, l'impôt sur le revenu peut se révéler assez lourd pour les classes modestes. Pour un individu vivant seul, un taux de 20 % est appliqué sur les 32.800 premiers euros de son revenu. Le reste est taxé à 41 %.  Certains, comme l'éditorialiste du Sunday Times, réclament le relèvement progressif de ce niveau à 71.500. Au Labour, on préfère un crédit d'impôt pour les parents. Mais ceux qui bénéficieront de ces mesures ne seront pas forcément ceux qui devront accepter le gel de leurs salaires. Le Labour voudrait, d'ailleurs, que le gel des salaires soit lié aux résultats des entreprises, ce que refuse le Fine Gael. On le voit, le diable est dans les détails.

Maîtriser les salaires

Mais pour Enda Kenny, l'essentiel est ailleurs. Il s'agit avec cette proposition sous forme de slogan (« pay and tax ») de reprendre la main. D'abord, sur le plan des salaires. Le Fine Gael est inquiets concernant les négociations salariales. Compte tenu de la croissance, les syndicats vont être tentés de récupérer le temps perdu durant la crise pour les salariés. Jack O'Connor, le leader du Siptu, le syndicat unifié irlandais, a prévenu la semaine dernière qu'il préparait une campagne dans ce sens. Or, ce serait une catastrophe pour la stratégie économique de Dublin qui risquerait de voir la compétitivité du pays stagner alors que le choix d'une sortie sans filet de l'aide européenne a besoin d'une croissance soutenue des exportations. Il faut donc arracher une modération salariale à tout prix.

Le Sinn Fein au plus haut

L'autre défi est politique, et il est encore plus délicat. L'Irlande n'est pas sortie indemne de la crise sur le plan social. Si le chômage baisse (il est passé en un an de 13,8 % à 11,9 % de la population active), on est encore loin du plein emploi des années 2000 et les salaires proposés aux demandeurs d'emplois sont souvent plus faibles qu'auparavant. Sans compter le mécontentement lié au désengagement de l'Etat. Enda Kenny doit donc faire face à la montée du Sinn Fein, parti nationaliste de gauche, très anti-austérité, qui, lors du dernier sondage publiée par l'Irish Independent le 1er mars, était donné avec 22 % des intentions de vote, soit six points de plus en un mois. Le parti du taoiseach, le Fine Gael est encore devant à 27 %, mais perd trois points. Aux élections de 2011, il avait glané 36 % des voix. Son allié, le Labour n'est plus qu'à 8 % des intentions de vote (4 points de moins qu'en février, 11 points de moins qu'en 2011). Même le rival du Fine Gael, le Fianna Fail, autre parti conservateur au pouvoir jusqu'en 2011, fait grise mine à 21%, 5 points de moins qu'en février.

Rejet de la classe politique

Autrement dit, toute la classe politique irlandaise classique semble faire l'objet d'un rejet. Et les nombreux scandales politico-financiers qui frappent le gouvernement depuis quelques semaines ne risquent pas d'améliorer la situation. Enda Kenny, en évoquant des baisses d'impôts, espère pouvoir redresser la barre. Mais la difficulté de transcrire cette idée dans la réalité pourrait la rendre politiquement et socialement peu efficace.  

 

 

Commentaires 2
à écrit le 11/03/2014 à 23:40
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Si j'étais en Irlande je payerais 4 fois plis d’impôts sur les revenus! Ouf, je suis en France dans un enfer fiscal!

à écrit le 11/03/2014 à 20:42
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Le paradis de l'esclavage européen ! Les entreprises ne paient pas d'impôts ou si peu que c'est égal à zéro, et on réduit les salaires tout en augmentant l'imposition indirecte. C'est-y pas beau le progrès...et les jeunes ne réagissent pas :-)

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