La difficile conquête du grand nord de l'Union européenne

Alors que l'Islande semble vouloir renoncer à son adhésion à l'UE, le Groenland pourrait se rapprocher de Bruxelles. La politique nordique de l'Europe reste difficile.
L'Islande devrait dire adieu à l'UE.
L'Islande devrait dire adieu à l'UE. (Crédits : © )

Dimanche, lors du congrès de son parti, le Parti de l'indépendance, le ministre islandais des Finances, Bjarni Benediktsson, qui est aussi le président de cette formation politique qui gouverne le pays avec le Parti progressiste, s'est voulu très clair : l'Islande en a fini avec le processus d'adhésion lancé en 2012. L'île nordique n'adhèrera pas à l'UE.

Une adhésion déposée en 2009

Cette déclaration clarifie une situation ambigüe qui durait depuis près de deux ans. Au plus fort de sa grave crise financière, en 2008, le gouvernement social-démocrate alors au pouvoir avait lancé une demande d'adhésion à l'UE, estimant que l'île aurait été protégée des tourmentes financières par son adhésion. D'abord mené promptement, le processus s'était ensuite enlisé. La question des zones de pêches, essentielles pour l'économie islandaise, avait officiellement bloqué les négociations. En réalité, le gouvernement de centre-gauche jouait la montre. La population avait progressivement abandonné l'idée que l'UE puisse protéger l'Islande. La reprise de l'économie islandaise, grâce à une dévaluation massive de la couronne, à un contrôle de la banque centrale et à des mesures unilatérale d'annulation de la dette étrangère au moment où la zone euro entrait dans une crise profonde, avait fait changer l'opinion.

aucun référendum sur la poursuite des négociations

Lors des élections qui se sont tenues en mai 2013, les deux partis de droite eurosceptiques, les Progressistes et le Parti de l'indépendance l'emportaient largement et annonçaient le gel officiel des négociations d'adhésion. La question était de savoir si ces deux partis allaient - comme ils l'avaient promis durant la campagne - organiser un référendum sur la poursuite des négociations. Une large majorité d'Islandais (82 % selon le dernier sondage datant de février dernier) sont favorables à ce référendum, quoique ils demeurent opposés également à l'adhésion. En février, le gouvernement avait exclu un tel vote. Et Bjarni Benediktsson a, dimanche, clos le débat.

Pour lui, un tel référendum porterait en réalité sur l'adhésion de l'Islande à l'UE. En cas de vote en faveur de la poursuite des négociations, il faudrait que le gouvernement soit prêt à mener ces discussions et à les achever. Or, affirme le ministre des Finances, ni le parlement, ni le gouvernement, ni les deux partis de la coalition au pouvoir ne souhaitent poursuivre ces négociations. « On risquerait alors de connaître le même cirque de lors du précédent gouvernement », a martelé Bjarni Benediktsson. Autrement dit, les négociations seraient officiellement ouvertes, mais n'avanceraient pas, faute de volonté du gouvernement. Il y aurait, estime le ministre, des « discussions virtuelles. » Et, conclut-il : « Nous ne laisserons pas ce jeu se répéter. »

Vers un retrait de la candidature ?

L'affaire semble donc entendue. Les Islandais ne voteront pas sur la poursuite des discussions d'adhésion. Et Reykjavik pourrait rapidement annoncer le retrait officiel de son adhésion. En septembre, le ministre des Affaires étrangères de l'île, Gunnar Bragi Sveinsson, avait annoncé qu'il envisageait de déposer un projet de loi dans ce sens. Tout en précisant qu'il pouvait ne pas le déposer. Les déclarations de son collègue aux Finances ce week-end semblent cependant confirmer que ce projet devrait bien être déposé. Du coup, si une autre majorité décide de relancer la question de l'adhésion après les élections de 2017, elle devra reprendre l'ensemble de la procédure.

Les raisons du refus de l'UE

Bjarni Benediktsson a avancé dimanche ses arguments pour refuser l'adhésion de son pays à l'UE. « Nous sommes parvenus à la conclusion que les intérêts de l'Islande sont mieux défendus en dehors de l'UE et cette conclusion, à mon avis, est de plus en plus forte au regard de ce que nous avons vu se passer à l'intérieur de l'UE ces dernières années. » Bjarni Benediktsson estime notamment que « l'euro est devenu une source de conflits entre les États nations concernant la façon de combattre la stagnation, les dettes élevées et les déficits persistants. » Et de conclure que les Islandais devaient éviter d'entrer dans de tels conflits et se concentrer sur leurs « propres problèmes. »

Le gouvernement islandais ne veut pas prendre de risque politique

Ce point de vue est sans doute majoritaire, mais il faut souligner que la question de l'adhésion à l'UE divise profondément les Islandais. Un sondage paru début septembre montre que le refus de l'adhésion est de 54,7 %. Surtout, la division est très forte entre les électeurs des deux partis au pouvoir qui rejettent à 83 % pour le PI et 92 % pour le PP l'adhésion et les électeurs de centre-gauche du parti social-démocrate (favorables à 89 % à l'adhésion) et celui du « Futur Radieux » (libéraux favorables à 81 % à l'adhésion). Les électeurs du parti écologiste de gauche sont plus partagés (55 % en faveur de l'adhésion). Le gouvernement actuel est donc pressé de refermer un dossier qui est à risque pour lui : en cas de vote en faveur de la poursuite de l'adhésion, il ne pourrait cacher une défaite politique de son propre camp qui se traduirait par des élections anticipées.

Le Groenland, déjà divorcé de l'UE

L'Islande s'éloigne donc de l'UE. Mais le Groenland pourrait-il s'en rapprocher ? L'immense île, qui est une dépendance officielle mais très éloignée de la couronne danoise, a été le premier territoire à quitter ce qui était alors la Communauté économique européenne (CEE). En 1985, les Groenlandais ont décidé de ne plus faire partie de la CEE lors de l'octroi d'une nouvelle autonomie vis-à-vis du Danemark. L'île avait rejoint la CEE avec sa métropole en 1973.

Depuis, Nuuk, la capitale du Groenland, a obtenu de plus en plus d'autonomie et n'est plus guère lié à l'UE que par un accord de pêche. Jusqu'à récemment, les Groenlandais comptaient sur leurs richesses naturelles et leurs faibles coûts de main d'œuvre pour devenir une sorte de Qatar du nord. Des investisseurs britanniques et chinois avaient fait miroiter l'avenir le plus radieux aux politiques locaux qui leur faisaient des lois sur mesure. Seulement, les investissements concrets tardent à venir. London Mining, une société minière, a gelé ses projets suite à la fermeture d'un site important en Sierra Leone à cause d'Ebola.

Rapprochement de l'UE après les élections ?

Parallèlement, le Groenland traverse une crise politique. Le gouvernement est tombé et de nouvelles élections sont prévues en novembre. Le parti de gauche Inuit Ataqatigiit est susceptible de revenir au pouvoir, mené par Sara Olsvig qui pourrait devenir la Première ministre du pays. Ce parti, jadis favorable à l'indépendance vis-à-vis du Danemark, pourrait surtout chercher un modèle de développement plus équilibré pour son pays, plus centré sur des investissements à long terme, dans l'éducation par exemple. Et ceci, comme le souligne une étude de la London School of Economics, pourrait passer par un rapprochement avec l'UE. Du reste, le parti du Premier ministre sortant, Siumut, a renchéri en évoquant une réadhésion à l'UE du Groenland. Une perspective qui semble cependant encore relever de la rhétorique de campagne d'un parti aux abois et qui a été le fer de lance de l'abandon de la CEE.

Territoire de conquête

Pour l'UE, il s'agira de ne pas manquer l'occasion de resserrer ses liens avec ce territoire qui, stratégiquement et sur le plan des ressources, est très important. Ce serait aussi une façon de se rapprocher de l'Islande, qui a beaucoup accru ses liens avec le Groenland ces dernières années. Le grand nord demeure donc un territoire de conquête, souvent difficile, pour l'UE. Outre la question islandaise, la récente crise avec les Iles Féroé sur la question des quotas de pêche l'a montré.

Commentaires 4
à écrit le 09/11/2014 à 15:49
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A quand la fin de cette escroquerie pyramidale?

à écrit le 05/11/2014 à 17:01
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C'est pas s'agrandir qu'il faut,c'est plutôt écrémer et revenir a un noyau dur et stable.La zone Euro (moins quelques brebis galeuses) serait parfait.

le 06/11/2014 à 7:00
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pourquoi pas limiter la zone euro à ceci : Berlin, Paris, Londres. C'est parfait comme ça, on n'inclue pas les régions paysannes, les provinces, les ploucs, les pauvres et les chomeurs ? Et puis si on pouvait uniquement limiter ça aux hommes, ça ser...

à écrit le 05/11/2014 à 13:12
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Vous oubliez l'Angleterre qui va bientot quitter l'union europeenne une mane financiere qui va manquer pour les escrocs de Bruxelles suivra ensuite l'espagne grace a podemos qui va prendre le pouvoir et oui c'est bientot finit l'escroquerie europeenn...

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