Bull n’est pas le « premier choix » de Dick Brown, Pdg d'EDS

La Tribune - Quel bilan tirez-vous de vos deux premières années à la tête d'EDS ?Dick Brown - C'est un nouvel EDS que je dirige aujourd'hui, alors que j'ai entamé le 8 janvier dernier ma troisième année à la tête de cette entreprise. Nous avons fait venir beaucoup de nouveaux cadres au plus haut niveau. J'ai également restructuré les différentes activités et simplifié les structures. Désormais, plus de 80 % des salariés d'EDS sont en prise avec le marché. Il y a trois ans, près de 50 % du personnel se consacrait aux problèmes internes. Cela n'existe plus. J'ai lancé un grand programme d'alliances et de partenariats avec les plus grands noms de l'informatique, du logiciel comme Cisco, Microsoft, Hewlett-Packard ou plus récemment avec Sun Microsystems. Avec ces changements d'organisation, nous avons également économisé 2 milliards de dollars sur l'année. Le turn over est maintenant au plus bas depuis deux ans, il ne dépasse pas 13 % aujourd'hui. Quelles sont vos méthodes pour lutter contre ce que vous qualifiez, vous-même à votre arrivée, la " bureaucratie " ?Ma méthode est simple. Toutes les deux semaines, j'envoie un e-mail à nos 125 000 salariés. Je leur dis les bonnes comme les mauvaises nouvelles. Je leur demande souvent leur aide. Et je reçois en réponse près de 1 000 e-mails. C'est une sorte de boîte à idées électronique ! Evidemment, je ne peux pas répondre à tout le monde, mais j'essaie d'en lire le plus possible. Pour lutter contre la bureaucratie dans une société aussi grande que la nôtre, il faut que les décisions se prennent vite. Je veux qu'on se débarrasse de ce qui reste de pesant chez EDS. Je ne crois pas que les gens soient effrayés par le changement, mais par l'inconnu. Il faut leur dire ce que l'on veut changer et pourquoi. Ma seule arme c'est la communication. Et puis j'aime bien débarquer dans les bureaux juste pour me présenter. Quel est l'impact de la " crise Internet " sur EDS ?C'est une excellente chose, si j'ose dire. Il y a encore peu, notre branche conseil AT Kearney et la division e.Solutions voyaient leur personnel qualifié partir. 1500 personnes, parties dans des dotcoms, sont revenues chez nous. Mais 300 autres ex-salariés n'ont pas été repris car nos standards de recrutement se sont élevés. Et si le marché tout entier s'adressait aux Razorfish, Scient et autres boutiques spécialisées pour leurs projets Internet, maintenant, les clients se tournent à nouveau vers nous. En revanche, ce qui m'inquiète c'est que des entreprises traditionnelles interprètent mal le revirement du marché. Il y a eu une sur-réaction des investisseurs sur les Dotcoms. Mais je ne voudrais pas que certains pensent pouvoir balayer Internet du revers de la main ! Internet est là pour longtemps. Pour ne prendre qu'EDS, grâce à la mise sur l'intranet de la formation permanente nous avons réduit nos coûts de 46 % et désormais sur 7 000 modules de formation, 80 % sont sur le Web. Près de 70 000 de nos salariés contre 30 000 il y a deux ans, ont suivi un de ces modules. C'est ce que les entreprises doivent retenir d'Internet.2001 sera-t-elle une bonne année pour EDS ?Les gens se demandent comment je peux être aussi optimiste pour 2001. Mais si l'industrie informatique est touchée, les services informatiques restent épargnés. Quand les indicateurs sont au vert, nos clients nous font confiance pour les aider à aller encore plus vite. Et quand l'économie ralentit, ils se tournent vers nous pour gagner des points de productivité ou réduire leurs coûts. Donc, je peux rester vraiment optimiste pour 2001.Donc vous confirmez le ralentissement américain à votre tour ?Je ne ferai pas de profit warning si c'est ce que vous voulez dire ! Il est clair que l'économie ralentit. Mais la période la plus dure pour nous a été le premier trimestre. Pour une seule raison : l'indécision. Maintenant que les entreprises savent que le rythme de croissance sera moindre, elles vont savoir comment faire appel à nous. D'ailleurs, cet attentisme s'est traduit par une baisse de trois points de croissance de nos revenus trimestriels. Seule la branche conseil, AT Kearney, a connu une forte croissance. Mais au second semestre 2001, les rythmes de croissance devraient reprendre.L'Europe fait-elle partie de vos préoccupations ?C'est clairement une de mes principales préoccupations ! L'Europe représente près de 6 milliards de dollars de notre chiffre d'affaires. Sur le dernier trimestre, nous avons enregistré 140 % de contrats supplémentaires et sur l'année, nous avons doublé nos contrats sur le continent européen. Sans compter que nous employons 35 000 personnes. L'Europe est très importante pour notre croissance, c'est même une de nos cibles privilégiées pour 2001.Procéderez-vous à des acquisitions dans les prochains mois ? Jusqu'à présent, notre croissance en Europe a été faite à 100 % de façon organique. Et au niveau mondial, nous avons généré 2,3 milliards de dollars de cash cette année. Nous avons donc les capacités d'acheter ce que nous souhaitons. Nous pensons en effet à certaines acquisitions dans les six prochains mois. Pour acquérir une entreprise en Europe, je vois trois raisons qui peuvent nous guider. La première : prendre la première place sur les marchés britanniques, allemands, français ou espagnols, etc. La seconde : devenir leader sur un métier comme l'industrie, les finances, la distribution, etc. Et enfin, la troisième : acquérir des compétences technologiques et un capital humain. Ces raisons peuvent se combiner pour justifier d'une acquisition.On vous dit intéressé par Integris, la branche services du groupe Bull. Confirmez-vous ?Comme membre du conseil de Vivendi Universal, je viens de plus en plus souvent en France. C'est notre troisième marché européen. Alors évidemment, je suis sensible aux opportunités et Bull constitue une opportunité intéressante. Mais nous avons une douzaine d'opportunités à suivre. Bull n'est pas mon premier choix. Nous avons aujourd'hui le potentiel pour des acquisitions en Asie, en Amérique du Sud où nous souhaitons nous développer, aux Etats-Unis ou en Europe. Et je peux vous dire que je n'ai pas eu de rendez-vous ni avec les dirigeants de Bull ni avec les pouvoirs publics français à ce sujet.Avez-vous regardé sérieusement le dossier Sema Group quand il s'est présenté ? Evidemment, je garde un œil sur toutes les occasions de nous développer plus rapidement sur un marché. Mais sur Sema, je peux vous dire que nous n'avons pas vraiment étudié le dossier.Quelles sont vos ambitions en matière d'Internet ? Etendrez-vous l'expérience française au monde entier ?Nous avons une position assez unique en France grâce à l'équipe venue de chez Deloitte. Nous avons expérimenté un rapprochement entre AT Kearney et notre division e.Solutions. Il ne s'agissait pas de fusionner mais de partager un grand nombre de services communs. Nous avons regardé quelles étaient les économies réalisées et les synergies. La conclusion est que les deux entités doivent rester distinctes mais travailler ensemble. Quant au rachat d'agences Web, je n'en vois pas l'intérêt. Pourquoi aller payer une prime pour racheter une entreprise quand vous pouvez engager son personnel ?Comment vous positionnez-vous face à vos concurrents ?D'abord les concurrents d'EDS sont extrêmement nombreux. Tantôt nous affrontons le Boston Consulting Group, d'autres fois, c'est IBM Global Services ou Cap Gemini, Scient, etc.. Pour moi, l'important est d'occuper la véritable première place. Nous avons identifié plus de 10 milliards de dollars d'opportunités. Et nous avons aujourd'hui un revenu garanti sur les 48 prochains mois de 80 milliards de dollars. IBM ne peut afficher que 2,5 fois son chiffre d'affaires garanti, nous sommes au-delà de 4 fois. Et avec des contrats comme celui gagné auprès de la US Navy, nous sommes bien en avance sur le reste du marché. Nous pouvons tous partir en vacances pendant quatre ans sans que cela nous affecte !Quelle est votre appréciation sur Vivendi Universal ?J'ai été très honoré que l'on me demande de siéger au conseil d'administration. Le moment choisi pour la fusion n'a pas eu d'impact sur le cours de Vivendi Universal. D'autres compagnies ont vu leur cours s'effondrer. Vivendi Universal est sur un marché où la taille compte pour beaucoup. Et je suis très impressionné par son portefeuille d'actifs. Cela demande énormément de courage de se réinventer de cette façon.
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