"L'absence de majorité claire pourrait être dangereuse pour l'économie française"

La Tribune - Vous avez été l'un des rares économistes à réagir aux résultats du premier tour de l'élection présidentielle. Pourquoi ?Marc Touati - Il était de mon devoir d'économiste de tirer la sonnette d'alarme et d'expliquer que, sans démocratie, il ne pouvait exister de croissance. J'estime que le silence des économistes sur le sujet a été déplorable. Leur peur d'intervenir après le 21 avril est symptomatique du fossé qui se creuse entre les chercheurs et la réalité économique. C'est ce fossé qu'il faut combler si l'on veut réconcilier le pays avec l'économie et restaurer la confiance.Le résultat du premier tour est-il en partie dû à ce fossé ?En effet, nous n'avons pas été capables de véhiculer l'image du succès économique de la France. Notre pays ne s'est jamais aussi bien porté depuis les Trente Glorieuses. Depuis sept ans, notre croissance est supérieure à celle de l'Allemagne, ce qui ne s'était jamais produit depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Le chômage remonte légèrement, mais reste sous contrôle. La France va donc mieux et, pourtant, la campagne n'a montré qu'une image dévalorisée du pays. Pire, certains électeurs ont cru que le programme du Front national était jouable. C'est la preuve du divorce entre la France et l'économie. La tâche du prochain gouvernement et le devoir des économistes sera d'engager la réconciliation entre les Français et l'économie.L'actuelle période de transition est-elle, selon vous, risquée pour la croissance française ?Non, car après le sursaut démocratique auquel nous avons assisté les 1er et 5 mai, je pense que nous allons constater un sursaut de la confiance. Après deux semaines difficiles, l'impression d'avoir échappé au pire pourrait redonner confiance aux Français. Les premières mesures du gouvernement Raffarin pourraient, de surcroît, accompagner cette reprise de la confiance. L'enquête Insee de confiance des ménages d'avril a en effet montré que les inquiétudes des Français portaient surtout sur le niveau de vie en France, et non sur la crainte du chômage. C'est donc le climat d'insécurité qui minait la confiance des ménages. Les mesures rapides du nouveau gouvernement sur ce sujet, mais aussi certaines mesures fiscales, pourraient apaiser les craintes des citoyens.La marge de manoeuvre du gouvernement sera cependant limitée jusqu'aux élections législatives.En effet, le gouvernement ne pourra gouverner que par décrets. C'est pourquoi le rebond de la confiance ne devrait pas être très fort. D'autant qu'il demeure encore une véritable incertitude sur le résultat des élections législatives de juin.Quel pourrait être alors le danger ?Il existe trois issues à ces élections : soit le président obtient une majorité et poursuit la politique engagée après la présidentielle, soit il y a encore cohabitation, une situation que nous avons déjà connue et qui n'est pas forcément dramatique, soit enfin il n'y a pas de majorité possible du fait d'une poussée de l'extrême-droite. Dans ce dernier cas, nous entrerions dans une période d'instabilité politique qui pourrait coûter cher à l'économie nationale. Et, là encore, il est du devoir des économistes de tirer la sonnette d'alarme et de dire qu'une telle situation serait porteuse de dangers.Au-delà des résultats du 5 mai, ceux du 21 avril peuvent-ils porter préjudice à l'image de la France et aux investissements étrangers dans le pays ?Certes, l'image de la France a été affectée et nous avons craint le pire pendant deux semaines, mais le sursaut démocratique et le barrage opposé à l'extrême-droite ont éloigné le risque sur les investissements étrangers. Mais en cas de nouvelle poussée de l'extrême-droite lors des élections de juin, ce risque pourrait revenir à l'ordre du jour.
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