La Fed poussée à baisser le loyer de l'argent

Pour les marchés financiers, les jeux sont faits ou presque. Ce soir, la Réserve fédérale américaine abaissera pour la première fois de l'année le loyer de l'argent. C'est en tout cas le pronostic de Wall Street et de la majorité des 133 économistes interrogés par Bloomberg. Ils sont en effet 88 à parier sur un geste de la Fed, alors qu'ils ne sont plus que 45 à envisager le scénario du statu quo. Il est vrai que depuis septembre, date de la dernière réunion du comité de politique monétaire (FOMC) de la Fed, les indicateurs statistiques ont pointé une nette dégradation de l'activité aux Etats-Unis. Au point que de nombreux spécialistes s'accordent à penser qu'après une croissance de 3,1% au troisième trimestre, l'économie américaine devrait connaître un sérieux coup de frein avec une hausse du PIB limitée à 1 ou 2% en rythme annuel au quatrième trimestre. Le moral des consommateurs, érodé par la montée du chômage et par la perspective d'un conflit en Irak, est au plus bas depuis neuf ans. Or ce sont bien les ménages qui aujourd'hui constituent, par leurs achats, le dernier pilier de la première économie mondiale. Si à leur tour, ils lâchent prise, alors le spectre d'une nouvelle récession ressurgira. Pour les partisans d'une baisse des taux, la nécessité de restaurer la confiance des consommateurs justifie à elle seule un assouplissement de la politique monétaire pourtant déjà très accomodante. A 1,75%, les taux d'intérêt aux Etats-Unis sont à leur plus bas niveau depuis plus de 40 ans. Parmi les tenants d'une baisse des taux, la majorité en tient pour une réduction de 25 points de base mais une minorité plaide en faveur d'un assouplissement plus important, soit 50 points de base. Compte tenu du fait que l'inflation est d'environ 1,5%, une telle décision conduirait les Etats-Unis à pratiquer des taux d'intérêt réels négatifs. Or, la situation économique américaine, telle qu'elle appararaît dans les statistiques, n'est pas dégradée au point de justifier une mesure aussi extrême. Si bien qu'une telle décision risquerait de donner un signal d'affolement quant à la conjoncture américaine.Alors que le débat semble se cantonner à une querelle de chiffres - 25 ou 50 points de base - des voix s'élèvent parmi les économistes pour s'interroger sur l'efficacité d'une baisse du loyer de l'argent. Ce que traduisent très bien les experts de la Société générale quand ils indiquent "que la probabilité est grande que la baisse (ndlr, de 25 points de base) n'apporte pas grand-chose à l'économie, pas plus qu'elle ne sera l'étincelle qui fera redémarrer la confiance". Selon de nombreux spécialistes, les onze baisses réalisées en 2001 n'ont pu qu'accompagner le ralentissement économique américain, sans pouvoir inverser la tendance. L'économiste indépendant Joel Naroff résume bien les enjeux de cette question. Cité par l'AFP, il demande: "y-a-t-il quelqu'un qui croie qu'une baisse des taux poussera les gens à consommer davantage? Des taux plus bas ne convaincront pas les industriels à embaucher si la demande n'est pas là, et n'inciteront pas les entreprises à investir si elles restent incertaines sur l'avenir de l'économie". Dans ce contexte, certains estiment que la Fed, plutôt que de céder aux revendications des investisseurs - alors même qu'il ne rentre pas dans ses attributions de soutenir les marchés d'actions - serait plus avisée de maintenir inchangés ses taux, se gardant ainsi une poire pour la soif en cas de nouvel à coup conjoncturel dans les mois à venir.
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