Virage à 180° pour les incubateurs

Leur rôle: créer un nid douillet pour de jeunes pousses à fort potentiel de croissance. Leur mission: guider les premiers pas d'entrepreneurs aux idées foisonnantes mais à l'expérience encore incertaine. Les incubateurs, autant pères spirituels que mères protectrices pour start-up balbutiantes, auraient-ils disparu de la scène en même temps que leurs jeunes rejetons emportés par les excès des années 1999 et 2000 ? Pourtant Republic Alley, Startup Avenue et Tocamak répondent encore tous présents à l'appel. Mais la crise est passée par là. Et à part Kangaroo Village qui s'accroche encore au modèle, les autres se cherchent de nouvelles voies pour survivre. Car le modèle d'incubation est un peu passé aux oubliettes. "Trop risqué pour des charges trop importantes. Le modèle économique pose de gros problèmes de délai de paiement", explique Jean-Luc Rivoire, fondateur de Tocamak. Sur les 20 sociétés dans lesquelles a investi l'incubateur, 8 ont mis la clef sous la porte.Même constat du côté de chez Startup Avenue : sur sept sociétés en portefeuille, deux ont fermé et une troisième est mise en sommeil. Quant aux sorties, elles ne sont que trop rares. Kangaroo Village en a réussi deux : Guaranty City et Cariocas, dans lesquelles il avait investi environ 150.000 euros à chaque fois et qu'il a réussi à vendre en "triplant sa mise", explique le fondateur Philippe Hayat. Les autres s'arment de patience tant il est vrai que les cycles sont longs et que beaucoup des start-up incubées entament à peine la commercialisation de leur produits. "Les rotations dans le portefeuille ne sont pas assez rapides", témoigne Alain Lévy, qui dirige Startup Avenue. Pourtant, si ces incubateurs reposaient sur un modèle économique similaire, tous n'ont pas appliqué les mêmes recettes. Tocamak se contentait de fournir infrastructures et prestation d'investissements, partant du principe que s'il fallait apprendre à l'entrepreneur à diriger ou à se développer commercialement, le combat était perdu d'avance. Au contraire chez Republic Alley, la start-up incubée bénéficiait en plus de conseils en management, marketing, etc.. C'est Kangaroo Village qui est allé le plus loin dans le concept. Ne choisissant les jeunes pousses que sur la base d'une idée, l'incubateur exigeait en revanche un poste clef au sein de la société (PDG, directeur commercial ou financier), pendant toute la phase d'amorçage. En attendant de récupérer leur mise, les incubateurs se sont donc diversifiés vers le conseil. Tocamak s'est scindé en trois dès l'année 2000 en créant Tocamak Finance (conseil en finance d'entreprise) et Tocamak Search (conseil en ressources humaines), ce qui permet à la société d'être bénéficiaire depuis avril 2001. Enfin, Tocamak, qui avait loué à l'origine 5.000 mètres carrés de surface pour ses start-up a transformé cet espace en centre d'affaires, logée dans une entité juridiquement séparée.Startup Avenue, pour sa part, s'est tourné vers le conseil en médias et en marketing et compte réaliser entre 500 et 760.000 euros de chiffre d'affaires en 2002. L'incubateur essaie également de mettre sur pied une offre "Dotcorp", qui n'a pas encore trouvé preneur, "car ce n'est pas le bon moment", justifie son fondateur Alain Levy. Quant à Republic Alley , l'un de ses fondateurs Charles Madeline a créé Republic Alley Management en novembre 2001, filiale à 30% de Republic Alley. Composée d'anciens consultants, RAM tente d'aider les grandes entreprises à monter des projets en s'inspirant des modèles de management en vogue dans les start-up, c'est-à dire fondés sur l'autonomie, le risque et la réactivité. "La structure se rémunère uniquement en honoraires et devrait réaliser un chiffre d'affaires de 1,5 million d'euros en 2002", explique Charles Madeline. Maintenant diversifiés, quelle voies vont réellement choisir les ex-incubateurs ? Pas facile de le savoir. D'autant que les stratégies qui oscillent entre l'investissement et le conseil ne sont pas toujours claires. Tocamak, qui co-investit actuellement dans un fonds financé par Accenture, hésite encore à développer son centre d'affaires, Jean-Luc Rivoire avouant "qu'on ne peut pas tout faire", mais ne veut pour autant pas laisser tomber cette "opportunité". Startup Avenue, pour l'instant, vit de son pôle conseil et a abandonné l'investissement. La société, qui a levé en tout 5,6 millions d'euros, n'a plus d'argent en caisse pour réinvestir mais ne compte pas encore relancer la recherche de fonds. Pourtant, les start-up sont encore dans ses locaux et bénéficient toujours de soutien à leur développement.De son côté, Republic Alley veut continuer son métier d'investisseur. Mais pour cela, il doit d'abord retrouver 4 millions d'euros. S'il y parvient, il se concentrera sur des premiers tours de table, "moins risqués, et accessibles pour des sommes moins élevées qu'avant", explique Charles Madeline.Seul Kangaroo Village brandit encore le modèle de l'incubation et assure avoir trouvé la recette miracle. La société n'investit pas forcément d'argent, mais échange ses compétences contre une part du capital. Par ailleurs, elle refuse désormais de fournir des locaux et ne choisit qu'un nombre limité de sociétés - "on peut véritablement faire de l'incubation car nous n'avons que six sociétés en portefeuille", explique Philippe Hayat. Enfin, Kangaroo, après avoir levé en tout 3,5 millions d'euros, a assez d'argent pour tenir encore quatre ans, le temps de réaliser ses plus-values. Le fonds de caisse n'est cependant plus réservé aux start-up mais à des sociétés en difficulté.
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