"La grogne actuelle n'est pas un remake de 1995"

latribune.fr - Les menaces de grève reconductible dans le secteur des transports laissent-elles augurer d'un scénario comparable à celui du mouvement de 1995 ?Hubert Landier - Nous n'assistons pas à un remake de 1995. A l'époque, le gouvernement n'avait pas pris de gants et avait agi de manière jugée brutale et méprisante non seulement par les organisations syndicales mais aussi par les Français. Or ces derniers sont capables d'accepter et de comprendre des changements si ceux-ci leur sont bien expliqués. Jean-Pierre Raffarin a tiré les enseignements de cet épisode et il a voulu se montrer pédagogique. Le Premier ministre a aussi essayé de mettre les formes avec les syndicats.Pourquoi la situation semble-t-elle déraper ?Cela tient d'une part à l'affaiblissement de la représentativité des organisations syndicales. Pour ne pas passer à la trappe lors des élections professionnelles, les syndicats sont conduits à faire de la surenchère verbale. Il faut bien voir qu'aujourd'hui les syndicats ne sont pas dans une situation leur permettant de cautionner une réforme quelle qu'elle soit. A cet égard, la CFDT en se ralliant au projet de loi Fillon a pris le risque de voir son influence reculer dans les entreprises publiques. D'autre part, sur cette question des retraites, vient se greffer le malaise des enseignants qui ajoute un blocage supplémentaire. Ces derniers ont l'impression que tout leur tombe dessus au même moment avec la décentralisation, la diminution du nombre de surveillants et d'emplois jeunes dans les établissements et l'augmentation de l'âge de la retraite. Pour les enseignants, il devient psychologiquement difficile d'accepter une réforme qui les conduirait à rester plus longtemps devant des classes de plus en plus difficiles à tenir.Dans ces conditions, le projet de réforme des retraites peut-il être abandonné ?Non. Le gouvernement, après avoir dit que "ce n'est pas la rue qui gouverne", ne peut se déjuger. Je crois que désormais les choses vont aller très vite avec un examen du texte par le Parlement. Il y aura certes des désordres intermittents, peut-être même une exacerbation de la colère dégénérant en un blocage temporaire du pays, mais la réforme passera. Sur le fond, certains dirigeants syndicaux comme Bernard Thibault savent bien qu'une réforme est inéluctable mais ils ne peuvent le dire ouvertement. S'ils le faisaient, ils prendraient le risque de voir naître un peu partout des "Sud" (ndlr, formations syndicales radicales nées dans les années 90). On voit bien d'ailleurs que les grands états-majors ne contrôlent plus vraiment ce qui se passe: les appels à la grève dans les transports ne sont pas issus des directions nationales mais proviennent de la base. Il y a bien évidemment au sein de celle-ci des militants qui rêvent du grand soir et de faire sauter Raffarin. Une fois les usagers et les salariés des entreprises publiques fatigués du pourrissement de la situation, les esprits se calmeront et le dialogue reprendra.
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