"La croissance américaine restera modérée"

latribune.fr - Sur quels éléments repose actuellement la reprise américaine ?Evariste Lefeuvre - Parler d'une reprise de l'investissement est délicat. Les investissements en équipements et logiciels sont en effet déjà repartis depuis l'an dernier et sont actuellement à un niveau de nouveau élevé. La nouveauté, ce sont les signes encourageants de reprise des investissements structurels (bâtiments industriels et commerciaux) qui ont été très fortement réduits en 2001 et 2002 et qui sont à un niveau très bas. C'est là un relais possible à l'affaiblissement de la demande des ménages. L'écart de croissance avec la zone euro devrait donc encore s'accentuer ? Cela sera particulièrement vrai lors du trimestre en cours. On sait que la croissance américaine va rester très forte au troisième trimestre. Plusieurs éléments vont en effet jouer positivement. Les chiffres des commandes de biens durables en juillet et en août ont montré que l'investissement va continuer de progresser, ce qui favorisera un effet de restockage. De plus, la consommation va rester dynamique. Les ménages, malgré la hausse des taux, vont en effet bénéficier des baisses d'impôts. La croissance devrait donc encore s'accélérer.Mais cette reprise sera-t-elle durable ? C'est là toute la question. L'écart des prévisions entre économistes est relativement important en ce qui concerne le quatrième trimestre 2003 et le premier trimestre 2004. La réponse dépend d'une équation complexe où se combinent plusieurs facteurs : emploi, profitabilité des entreprises et consommation. Justement, la situation de l'emploi peut-elle s'améliorer dans les prochains mois ?Je ne le pense pas et je vois plutôt une nouvelle dégradation. On constate en effet que la profitabilité des entreprises ne s'améliore plus au cours des derniers trimestres. Or ces dernières ont besoin d'augmenter leurs profits. Elles devront donc continuer à accumuler encore plus de gains de productivité. Les ajustements de main d'oeuvre devraient donc se poursuivre, ce qui devrait affaiblir la consommation. La demande venant des entreprises est-elle alors capable de compenser ce ralentissement de la consommation ?Oui et non. Il faut d'abord rappeler qu'on ne s'attend pas à un effondrement de la consommation des ménages et que, compte tenu de la faiblesse de la demande mondiale et de la légère remontée du dollar, l'investissement ne sera pas aussi dynamique que dans les années 1990. Mais si les entreprises investissent plus de façon durable, elles auront besoin d'épargne, ce qui supposera un ajustement à la baisse de la consommation ou une réduction du déficit public. L'équation de la croissance américaine s'annonce donc difficile à résoudre.Quel est votre scénario pour 2003 et 2004 ? Je considère que la croissance américaine restera en-dessous de son potentiel, essentiellement parce que la consommation restera modeste. Mon scénario est donc celui d'une reprise modérée qui devrait permettre à la Fed de maintenir encore longtemps des taux bas. Mais, une fois l'élection présidentielle de 2004 passée, l'économie américaine pourrait pâtir d'un certain ajustement structurel visant à réduire les déficits publics. Creuser les déficits était sans doute nécessaire pour éviter une crise majeure, mais cela supposera à un moment ou à un autre une correction qui pourrait être coûteuse en termes de croissance.
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