Faut-il craindre un krach immobilier planétaire ?

The Economist, l'hebdomadaire britannique, mesure les prix de l'immobilier dans une quinzaine de pays développés depuis près de trente ans. Les derniers chiffres qu'il publie dans son numéro daté du 5 juin ont de quoi donner le tournis : de 1997 à 2004, les prix de l'immobilier ont augmenté de 121% en Espagne, de 116% en Grande-Bretagne, de 113% en Australie, de 53% aux Etats-Unis et de 59% en France. Ils n'ont chuté que dans deux pays sur seize mesurés : en Allemagne, de 3%, et au Japon, où ils se sont effondrés de 22%.La tentation est grande d'en conclure qu'une correction est inévitable. Elle est d'autant plus probable que va s'amorcer un nouveau cycle de hausse des taux d'intérêt en réponse à la résurgence d'une menace inflationniste des deux côtés de l'Atlantique. La hausse des taux s'annonce particulièrement douloureuse car les ménages sacrifient une proportion croissante de leurs revenus, qui n'augmentent que de 3 à 4% par an en moyenne, pour devenir propriétaires.Dans certains cas, la dégringolade aurait même déjà commencé : dans 39 des 220 métropoles américaines où The Economist effectue ses relevés de prix, ceux-ci ont décliné au cours du premier trimestre de cette année.A ce stade, deux questions essentielles demeurent sans réponse : à quand la correction généralisée ? Et dans quelles proportions ? Pour la plupart des experts, un décrochage des prix généralisé est une affaire de mois.L'ampleur de la baisse représente une interrogation plus importante. Les plus pessimistes annoncent un effondrement de 40%. The Economist ne voit pas les prix chuter de plus de 30%, et encore dans les seuls pays où les prix ont plus que doublé depuis 1997.Les dégâts n'en seraient pas moins énormes. Une baisse de 10% des prix de l'immobilier en quatre ans se traduit selon les calculs de l'OCDE par une chute des dépenses de consommation de 1 à plus de 2%. Un effondrement de trois à quatre fois plus important sur une durée plus ramassée serait dévastateur. La consommation représente la moitié du PIB en France, les deux-tiers aux Etats-Unis. C'est le moteur essentiel de la croissance.Certains contestent toutefois l'existence même d'une bulle. Dans son bulletin trimestriel de mars dernier, la Banque des Réglements Internationaux souligne que des mécanismes fondamentaux de marché sont à l'oeuvre : l'offre est restreinte, notamment en milieu urbain, la demande est forte, notamment là où l'immigration est dynamique. S'y ajoute un effet d'aubaine : les taux d'intérêt sont exceptionnellement favorables. La Société Générale, pour sa part, vient de publier une étude où elle estime qu' "un ajustement brutal des marchés immobiliers en 2005 est peu probable" même si "la hausse vertigineuse des prix s'est poursuivie un peu partout". Guillaume Baron et Tanguy Simon y fondent leur diagnostic sur un scénario central de "poursuite de la reprise", où "croissance économique et baisse du chômage soutiennent confiance et solvabilité des ménages". Ils écartent "pour le moment" le risque de voir la flambée des prix du pétrole pousser les banques centrales à accélérer le mouvement de hausse des taux. Le "scénario noir" qui verrait "un krach immobilier mondial lors du prochain ralentissement économique important" est évoqué, tout en étant jugé peu crédible.Cela dit, contester l'existence d'une bulle ne revient pas à nier que les prix ont atteint des niveaux excessifs, parfois préoccupants. C'est au contraire parier qu'une correction beaucoup plus progressive est possible. Une telle issue est bien sûr la plus souhaitable, mais l'histoire compte bien peu de ces corrections en douceur.
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