Inflation eurosceptique

A Chypre, l'adhésion à l'Union européenne a toujours paru aller de soi. Pour la plupart des citoyens de la partie sud de l'île (majoritairement grecque et la seule reconnue internationalement), il s'agissait à la fois de se défendre contre la Turquie et de se rapprocher du grand frère grec. Du coup, Chypre est le seul pays parmi les dix nouveaux adhérents à ne pas avoir organisé de referendum sur l'accession à l'UE. Mais voilà que, trois mois avant la date d'entrée de l'île d'Aphrodite dans l'Union, l'euroscepticisme a fait son apparition. Le sondage "eurobaromètre" réalisé par la Commission européenne le montrait déjà en octobre dernier: seuls 47% des Chypriotes considéraient que l'entrée du pays dans l'Union leur apporterait un "avantage personnel", soit 7 points de moins qu'en mai dernier. Le doute gagne donc Chypre. Pour preuve, le 21 janvier, le Cyprus Mail, un quotidien anglophone de Nicosie, s'interrogeait : "Sommes-nous vraiment prêts à rejoindre l'Europe?"A l'origine de cet euroscepticisme naissant, les hausses de la TVA sur le tabac, mais surtout sur les produits pétroliers. Afin de se mettre en conformité avec les règles communautaires, Nicosie a en effet relevé sa taxe sur l'essence. Un choc dans un pays où celle-ci a toujours été bon marché. Le coup est particulièrement rude pour les habitants des froides montagnes du centre, qui estiment devoir payer plus de 2.000 livres chypriotes par an (environ 3.400 euros) de fuel de chauffage. Pour calmer les esprits, le gouvernement a promis d'étudier une baisse des taxes sur le fuel destiné au chauffage. Mais l'harmonisation de la TVA devrait toucher dans les mois à venir d'autres secteurs : le textile, l'imprimerie et l'eau... Ce qui pourrait provoquer de nouvelles déceptions. Outre cette harmonisation fiscale, la mise aux normes européennes dans plusieurs secteurs, notamment l'agriculture et les transports, a provoqué une hausse des prix notables. En 2003, le taux d'inflation a ainsi grimpé d'un point à 3,8%. Une dégradation du pouvoir d'achat qui menace l'attachement des habitants de l'île à l'Union. Du coup, dans les milieux europhiles de Nicosie, on s'agite pour demander plus d'informations "sur les avantages à moyen et long terme" de l'adhésion. Mais il faudra attendre, car l'expérience de la Grèce ou de l'ex-RDA montre que le rattrapage lors de l'entrée dans l'UE est parfois douloureux en termes de prix à la consommation. Nul doute, donc, que Chypre n'évitera pas, finalement, un vrai débat sur l'Europe... Romaric Godin[Cette chronique paraîtra chaque semaine d'ici à l'entrée des dix nouveaux membres de l'Union européenne, en mai prochain]
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