Un jour ou l'autre, la création paiera pour la gratuité de la musique

On connaît les rôles. Dans celui des méchants, les majors du disque, cupides et voraces; dans celui des gentils, les internautes qui s'échangent généreusement des titres de musique. Et si les gentils écornent les profits des méchants, ce n'est que réparation pour avoir dû trop longtemps payer trop cher des CD trop médiocres. Et la justice a bien tort de s'en prendre à eux en poursuivant, au hasard, de simples mélomanes impécunieux. Il manque un personnage dans cette distribution sans nuance: l'auteur, le créateur... Et pour cause: il peine à composer son rôle, tiraillé entre le souci de ne pas accabler un public qui recherche sa musique, se l'échange pour l'écouter et celui d'arriver à vivre de sa création. Mais justement, du côté du gagne-pain, le bât commence à blesser. Les comptes annuels publiés par la Société qui perçoit et répartit les droits des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique en France, la Sacem, montrent que la chute des ventes de CD en 2004 a eu pour conséquence une quasi-stagnation des droits répartis entre les sociétaires à 578,1 millions d'euros. Certes, les critiques n'ont jamais manqué, sur les frais de gestion élevés de la Sacem, son manque de transparence... Mais, à mode de fonctionnement constant, le fait est là: les ressources réparties entre les auteurs n'augmentent plus. Et ça risque de ne pas s'arranger. La croissance des droits collectés ne cesse de ralentir. Et la gratuité est entrée dans les moeurs. La Sacem a profité de la publication de son rapport annuel pour dévoiler une étude TNS Sofres réalisée fin mai auprès d'un échantillon d'individus de plus de 15 ans. 16% des Français y déclarent avoir déjà téléchargé de la musique sur Internet. Le pourcentage grimpe à 39% pour les 15-24 ans, dont 32% avouent qu'ils téléchargent gratuitement contre seulement 3% qui assurent ouvrir leur porte-monnaie pour acheter de la musique en ligne. Du coup, la Sacem annonce qu'elle attend un accord de la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL) pour lancer un système qui traque les utilisateurs des réseaux peer-to-peer qui téléchargent illégalement. De quoi relancer le débat: faut-il ou non poursuivre l'internaute lambda? Couvertures de magazines et pétitions à l'appui, beaucoup clameront encore que la répression aveugle est la pire des réponses. Mais force est tout de même de constater qu'au fil du temps, la question se déplace. C'est l'idée même que la création a une valeur marchande et que tout créateur a droit à une rémunération qui recule pour les jeunes générations. Le phénomène ne touche pas seulement la musique: journal gratuit qu'on tend à l'entrée du métro, DVD à 1 euro qu'on offre en bonus avec n'importe quel produit, lecteurs de DVD DivX vendus le plus légalement du monde et qui permettent de visionner des films piratés ou encore offres d'abonnement Internet qui incluent un package presque illimité de titres à écouter... autant de messages qui signifient que les oeuvres de l'esprit ne valent, au fond, pas grand-chose. Quelle que soit la façon dont on prend le problème, forcément, les auteurs finiront par en faire les frais.
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