Boeing était presque dans la situation d'Airbus au tournant du siècle

Les grosses difficultés d'Airbus, filiale d'EADS, ne sont pas sans rappeler celles qu'a connues Boeing il y a quelques années. A certains détails près qui ne sont pas sans importance.

On aurait tort de penser que les énormes problèmes que rencontre aujourd'hui Airbus, filiale d'EADS, autour des retards de son nouveau modèle, l'A380 de 550 passagers (plus gros que le Boeing 747-400), plus gros avion de ligne jamais construit, sont sans précédent.

Au tournant du siècle, le grand rival américain Boeing a lui aussi connu un spectaculaire trou d'air. A l'époque, il doit faire face presque simultanément à une foule de difficultés : réorganisation industrielle majeure et problématique, remise à plat de ses systèmes informatiques, érosion des commandes et relative perte de confiance des clients, tensions sociales et même problèmes dans le management avec des affaires de contrats truqués et de pots de vins qui ternissent ses relations - jusque là privilégiées - avec Washington à qui il vend armement, avions militaires, hélicoptères, satellites et fusées à tire larigot.

Cette fragilisation du groupe, alors basé à Seattle avant qu'il ne déménage son siège à Chicago, s'accompagne de la montée en puissance d'Airbus. Ses nouveaux modèles, famille des petits A320, leurs dérivés allongés (A321) et raccourcis (A319, A318), grands jumeaux bi et quadriréacteurs A330 et A340, sans oublier le futur A380 qui commence déjà à faire saliver les compagnies aériennes, engrangent les commandes.

Pour occuper le terrain, Boeing affiche même un projet pourtant peu convaincant de sous-Concorde, le Sonic Cruiser, censé voler presque à la vitesse du son dite Mach 1 (1100 km/heure)... soit une centaine de kilomètre heure de plus qu'un avion classique pour un prix beaucoup plus élevé. Le marché reste un peu dubitatif. Et le Sonic Cruiser retournera dans ses cartons. Bref, rien n'allait alors chez Boeing.

Mais de même que le marché aéronautique est cyclique, la santé des constructeurs va et vient. Et le groupe américain va redécoller, prouvant au passage que les technologies étudiées pour le Sonic Cruiser, à coup de centaines de millions de dollars versés par la Nasa et le Pentagone (donc le contribuable américain) ne sont pas restés lettre morte. Car Boeing va sortir du trou d'air grâce à un nouveau projet, le B787 "dreamliner" (littéralement avion de ligne de rêve) super économique grâce à l'emploi massif de nouveaux matériaux et de nouvelles technologies. Idéal à l'heure où les prix du pétrole s'envole, grevant les profits des compagnies aériennes.

Airbus, en pleine domination et se reposant peut-être un peu sur ses lauriers, a mal apprécié la menace. D'autant qu'il est totalement occupé par le projet A380 et celui du futur avion de transport militaire A400 M. Il bricole dans l'urgence un projet concurrent, l'A350 dérivé de l'A330 qui ne convainc pas grand monde. Le voilà à son tour fragilisé. Les problèmes sur l'A380 vont venir se greffer sur cette mauvaise herbe.

Airbus et sa maison-mère EADS peuvent donc se dire aujourd'hui que Boeing a lui aussi connu un sévère passage à vide et qu'il s'en est bien relevé. L'espoir demeure donc. Avec toutefois un gros bémol. Quand le groupe américan connait ses problèmes, le marché des ventes d'avions connait un de ses creux de cycle. Etre alors en retard est problématique mais pas catastrophique. Ce n'est pas le cas aujourd'hui où les compagnies aériennes achètent des avions à tour de bras pour remplacer leurs vieux appareils qui consomment trop de kérosène et leur coûtent trop cher. De plus, quand Boeing a traversé ces problèmes, il n'était pas en train de sortir un tout nouvel avion.

Alors qu'Airbus est en pleine phase de lancement de l'A380. Ce n'est pas le moment de décourager ses clients potentiels. Même si, là encore, l'histoire passée de Boeing, peut (un peu) rassurer Airbus : dans les années 70, les débuts du Boeing 747 ont été si calamiteux qu'ils ont failli entrainer le constructeur américain vers la faillite. Quinze ans plus tard, un quart de tous ses bénéfices étaient générés par la success story du "jumbo jet". C'est tout le mal que peut se souhaiter Airbus aujourd'hui.

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