Le blocage de l'OMC : une opportunité pour rebondir

Par Jean Claude Mailly Secrétaire Général de la cgt FO

Que Pascal Lamy réussisse ou non à passer outre à un énième blocage des négociations au sein de l'OMC ne fera pas sortir l'organisation du commerce international de l'impasse révélée en particulier par l'entrée de la Chine en son sein. L'objectif "Développement" du Cycle de Doha n'y a pas non plus résisté.

Les conséquences les plus frappantes, dans le secteur du textile depuis le 1er janvier 2005, n'ont pas seulement touché les travailleurs européens ou nord-américains (le mal avait déjà été fait), elles ont percuté tous les pays en développement qui s'étaient insérés dans le commerce mondial en se fondant, parfois exclusivement, sur le textile à l'exportation et sur une main d'oeuvre bon marché.

Ces pays, même en misant sur des Zones Franches d'Exportations, subissent aujourd'hui la concurrence exercée par la Chine. Celle-ci met, en effet, à profit une masse inégalable de travailleurs, tout en maintenant une répression systématique du syndicalisme libre - elle n'a toujours pas ratifié les conventions 87 (Liberté syndicale), 98 (Droit de négociation collective) et 29 (Interdiction du travail forcé) de l'OIT - pour se placer, en terme de "marché", dans la position la plus concurrentielle !

Dans ces conditions, que peuvent attendre les pays pauvres d'une libéralisation accrue du commerce international ?

En limitant les termes de la négociation à l'équation "moins de droits de douanes sur les produits industriels (NAMA) et plus de libéralisation en matière de services (AGCS) contre moins de droits de douanes et de subventions sur l'agriculture", ce qui demeure le mandat donné à Pascal Lamy, on réduit le multilatéralisme, principe tant invoqué pour justifier un accord coûte que coûte, à l'absence de règles en matière commerciale.

Or, la liberté sans règle, c'est la loi du plus fort qui aboutit à donner tout pouvoir d'organisation des échanges commerciaux aux sociétés multinationales.

Nombre de pays en voie de développement, dont les ressources douanières demeurent la principale, voire unique, recette fiscale, en l'absence de développement interne de l'économie, perdent toute capacité de politique publique, et restent sous la dépendance de ces sociétés multinationales et des impératifs du marché mondial.

La concurrence s'exerçant sur le seul coût du travail, le plus grand accès aux marchés pour les entreprises des pays industrialisés ne s'accompagne pas d'un développement significatif de l'emploi dans ces pays, mais sert de prétexte à imposer d'importantes réductions des droits des salariés (droit de négociation collective, protection sociale). Les délocalisations étant essentiellement tournées vers l'exportation ne favorisent pas non plus significativement le développement. Aujourd'hui, plus d'un milliard d'hommes et de femmes sont au chômage ou sous-employés, alors que presque 1,4 milliard de personnes - pratiquement la moitié de la population active mondiale totale - luttent pour survivre en dessous du seuil de pauvreté de 2 dollars (1,6 euros) par jour.

Enfin, alors qu'en 2005, 852 millions de personnes souffraient de la faim selon l'ONU, est il bien fondé que l'agriculture soit régie par les seules règles de l'OMC, la "règle du marché" étant "l'absence de règle" ?

Il est temps, si l'on veut effectivement changer de logique, que la primauté soit résolument donnée au respect des normes internationales du travail et au développement.

On pourrait commencer par décider que, pour participer aux négociations de l'OMC, les Etats doivent ratifier les Normes Fondamentales de l'OIT. A charge pour l'OIT, et la seule OIT, d'exercer le contrôle de l'application des normes, au risque sinon de mettre en balance les droits des travailleurs avec les droits commerciaux. En amenant la Chine à ratifier les normes fondamentales et à se soumettre, ainsi, au contrôle de leur application, un grand pas serait fait dans le sens de l'amélioration des conditions de travail en Chine. Au-delà, l'économie mondiale, appuyée sur le respect des droits de l'Homme et des travailleurs, ne s'en porterait que mieux.

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