Marathon de New York : "Je l'ai couru deux fois"

Dimanche, 37.000 coureurs, partant de Staten Island, doivent traverser cinq quartiers de New-York pour le traditionnel marathon de la "grosse pomme". Le correspondant de la Tribune à Berlin, Jean-Philippe Lacour, grand coureur devant l'éternel, a disputé deux fois cette épreuve. En finissant à des places dignes d'éloges.

Ma première participation au marathon de New-York remonte à 1994. Je venais alors de fêter mes trente ans et avait déjà parcouru une dizaine de fois la distance dans des villes européennes. Le moment était venu de croquer la Grande Pomme.

L'occasion m'a été donnée par un voyage du comité d'entreprise de la Tribune. C'était un peu une folie, car j'avais déjà bataillé deux semaines auparavant dans la Marne, en courant le marathon de Reims, terminé en deux heures trente-sept minutes. Pas vraiment un rythme d'entraînement... Je participais alors au championnat interne de mon association de course à pied. A choisir entre le fromage et le dessert, j'ai pris le risque d'engoufrer les deux. Avec un même appétit d'en découdre aussi vite que possible.

Après une visite incontournable dans Manhattan la veille de la course, parcourant déjà des kilomètres à pied, rien ne s'annonçait de bon avant le départ du marathon. Pour nous aider, un temps légèrement pluvieux et doux s'est installé dans la matinée. Avec mon maillot La Tribune, dossard 229, j'ai de fait laissé les quelques 35.000 coureurs dans mon dos, en ayant accès à un sas de départ situé juste derrière l' "élite". Le privilège offert à ceux qui peuvent donner un bon temps de référence.

Le coup de canon libérateur sera donné aux alentours de midi. Cela commence par une montée du pont de Verazano, facilement négociée dans l'hystérie du début de course. Les bateaux-pompiers projettent dans la baie des gerbes d'eau en notre honneur. La foule des spectateurs s'est massée dès la sortie du pont. Elle ne nous quittera presque plus jusqu'à l'arrivée à Central Park.

Un moment saisissant est la traversée du quartier juif du Queens, faite dans un silence religieux. Les juifs orthodoxes nous regardent passer sans émettre le moindre signe d'encouragement. Autre point fort du parcours, la montée du Queensboro Bridge qui débouche dans Manhattan. Elle fait mal, en étant placée au 25ème kilomètre. On contemple à gauche la sky-line, avec les deux tours du World Trade Center qui étaient encore debout. Puis c'est un interminable faux-plat qui nous attend sur la Première avenue.

Les encouragements de la foule résonnent sur les façades des gratte-ciels alentour. Debout sur une estrade, un animateur qui me voit passer le visage frais et l'allure facile me crie au porte-voix "Two-hundred-twenty-nine, good looking !". Ca vous donne une décharge positive d'adrélanine. Le "mur" ne frappant toujours pas au passage du 30ème kilomètre, c'est avec lucidité que j'effleure ensuite le Bronx, puis Harlem, avant d'enquiller la cinquième avenue longeant Central Park. Un regard bref du côté du Musée Gugenheim, qui sera visité le lendemain.

Les derniers kilomètres dans le poumon vert de Manhattan sont un moment inoubliable. Du vrai yo-yo côté parcours. Il faut s'arracher. A l'arrivée sur Tavern on the Green, le chrono affiche 2 heures 39 minutes et une poignée de secondes. J'apprendrai le lendemain dans le New-York Times que j'ai obtenu la 121ème place au classement.

En trois minutes de plus et quelques places plus loin au classement, je renouvellerai l'expérience cinq années plus tard. Cette fois sous un vent glacial, alors que la veille l'été indien nous réservait encore ses douceurs. C'est comme cela à New-York, il peut faire le jour de la course moins de 0 degré ou plus de 20 avec une forte humidité. Y aller pour faire la "perf" n'est pas raisonnable, il y a pour cela d'autres villes ou cela roule comme sur un billard, à Londres, Berlin ou Rotterdam. A New-York, c'est d'abord l'émotion qui prime.

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