Fiscalité, Entreprises, Environnement et énergie, retraites, santé : François Bayrou détaille tout son programme

La Tribune lance, en partenariat avec Radio Classique, "La Tribune de la Présidentielle". Nous débutons avec François Bayrou, le candidat de l'UDF, qui a rencontré hier huit responsables d'entreprises de terrain de la région Rhône-Alpes, réunis à Lyon, pendant deux heures, grâce à notre correspondant Claude Ferrero, et qui a répondu aux questions des internautes de latribune.fr

Voici l'intégralité du débat intervenu hier à Lyon et que vous pouvez retrouver (dans une version un peu plus courte) dans l'édition de ce jour de la Tribune et écouter les principaux extraits sur Radio Classique (en direct ce matin ou en podcast). Découvrez également aujourd'hui sur notre site latribune.fr l'interview de François Bayrou par le directeur de la rédaction de la Tribune, François-Xavier Piétri qui lui pose notamment vos questions - vous avez été plus de deux cents à nous adresser vos demandes par Internet, merci et bravo ! - sur le sujet des retraites et sur celui de l'énergie et de l'environnement.

Jean-Charles Potelle (société Boldoduc) - Que pensez-vous des pôles de compétitivité ?

François Bayrou - C'est une bonne et juste idée, mais je m'interroge sur leur mise en oeuvre. Non pas tant à cause du reproche de saupoudrage. La créativité peut jaillir de petits ensembles. Mais parce que les pôles de compétitivité ne bénéficient pas suffisamment aux PME : 90% de l'effort est capté par de grandes entreprises, alors que leur vocation est de permettre à des PME d'accéder à des réseaux de recherche, de bénéficier de transferts de technologie. Mon intention est de conserver ces pôles, en discutant avec l'ensemble des partenaires, pour évaluer et améliorer leur efficacité. Nous avons besoin de mettre la France du côté de la création et de l'innovation. C'est le seul moyen pour un pays comme le nôtre de répondre à la mondialisation. Je veux mettre ensemble les chercheurs et les entrepreneurs. C'est ma philosophie de la société que nous avons à construire. La condition, c'est le haut niveau de formation que nous avons à atteindre. Il faut faire une révolution de l'éducation. C'est la raison pour laquelle je ne sépare pas le social de l'économie. J'en ai même fait un seul mot, la social-économie.

Philippe Gilbert (société Alinto) - Vous parlez d'un Small Business Act (SBA) à la française. Que comptez-vous faire pour qu'il soit vraiment appliqué, notamment par l'administration ?

F.B. - C'est pour moi un sujet clef. J'ai décidé de faire dans cette campagne électorale le contraire de mes concurrents. Au lieu de proposer cent mesures ou cent milliards d'euros de dépenses nouvelles répondant à chaque demande de tel ou tel segment de l'opinion, je propose 7 à 8 orientations fortes et simples, lisibles par tous les citoyens. Pourquoi un SBA à la française, ou plutôt une loi de protection et de soutien de la petite entreprise ? Parce qu'il y a 150 milliards d'euros d'écart entre l'excédent extérieur allemand et les 30 milliards de déficit enregistrés par notre pays l'an dernier. Une partie de la force de l'Allemagne vient du nombre de ses PME moyennes fortes à l'international. Le drame de la France vient de ce que 95% de nos 2,650 millions d'entreprises comptent moins de 10 salariés. Si on veut de grands arbres, il faut protéger les jeunes pousses. D'où l'idée d'adapter en France le Small Business Act mis en place depuis 1953 aux Etats-Unis. Cela recouvre quatre idées. Un, simplifier les obligations imposées aux entreprises : aujourd'hui, les contraintes avantagent les gros par rapport aux petits. Je veux renverser ce mouvement. Pourquoi la simplification a-t-elle toujours échoué ? Parce qu'on demande à l'administration de l'assumer alors que ce n'est pas sa compétence. Je demande qu'on fasse faire les simplifications par les usagers, en mettant autour de la table artisans et entreprises concernés. Deux, le soutien à l'emploi. J'attends beaucoup de la possibilité de créer deux emplois nouveaux en CDI sans charges (sauf 10% pour la retraite), quelle que soit la taille de l'entreprise et le type d'emploi. Pour éviter les effets d'aubaine, il faudra plafonner sans doute à 5.000 euros de salaire net. Trois, comme aux Etats-Unis, tout marché public de moins de 50.000 euros sera réservé aux PME et au-delà, il faudra leur en garantir 20%. Il faudra pour cela vaincre les résistances à l'OMC, mais je ne vois pas pourquoi, avec le soutien de l'Europe, la France ne pourrait pas réclamer ce que les Etats-Unis et le Canada ont obtenu. Enfin, cette loi PME obligera l'Etat à respecter lui-même les obligations qu'il impose aux autres, notamment en matière de délais de paiement.

Georges Fontaines (société Techné) - Ne faut-il pas ajouter un cinquième point, concernant l'octroi des aides aux entreprises, notamment au niveau des régions ?
F.B. - Vous avez raison et c'est la raison pour laquelle je veux simplifier le paysage politique et administratif des collectivités locales. Le département et la région doivent avoir une administration unifiée, pour faire de la région l'échelon stratégique. Il y a dans cette capacité à simplifier notre organisation de grosses réserves de croissance et d'emploi.

Georges Fontaines - A la foire de Shanghai, il y avait 7 entreprises françaises, 50 italiennes et plus de 100 allemandes. Ne peut-on changer cela en créant un guichet unique à l'étranger pour simplifier les démarches d'implantation ?
F.B. - Tout à fait. Ce qui nous empêche de le faire, c'est qu'il y a quinze intervenants là où il en faudrait un seul. Ce que vous dites est l'image même de ces réserves de croissance de ces réserves de croissance en jachère. Nous avons un Etat archaïque qui gaspille les énergies, à hue et à dia.

Vanessa Rousset (société Evolem) - Quels sont vos projets pour réformer l'ISF ?
F.B. - J'ai évolué en la matière. A la suite de nombreuses remarques insistantes et argumentées, j'ai décidé de ne pas intégrer l'outil de travail et les oeuvres d'art dans le calcul de cet impôt que je préfère appeler impôt sur le patrimoine et non sur la fortune, un terme subjectif. En revanche, je maintiens ma proposition de fixer pour cet impôt un taux unique de un pour mille, qui sera en terme de solidarité plus facilement compréhensible par tous. Au seuil de déclenchement de cet impôt, à savoir 750.000 euros de patrimoine, on paiera donc 750 euros. Je suis, au nom de la lisibilité, pour la suppression des tranches progressives de cet impôt. Il faut en tout cas éviter de faire comme la récente réforme du bouclier fiscal qui a seulement exonéré les très riches de l'ISF et pas les moyennement riches. Pour inciter les contribuables à ne pas sous-évaluer leur patrimoine et à le déclarer, ils pourraient voir l'impôt sur leurs plus-values ou leurs droits de succession être allégés en contrepartie.

Georges Fontaine - Que voulez-vous faire en matière de taxe professionnelle ?
F.B. - L'idée de Jacques Chirac d'intégrer la valeur ajoutée dans l'assiette de cet impôt pouvait paraitre séduisante. Mais les experts ont montré que cela risque de nuire aux entreprises les plus innovantes qui seraient du coup incitées à quitter le territoire. Ce serait catastrophique. En général, il faut se garder de gros changement en matière de fiscalité. Il faut au contraire privilégier la stabilité afin d'offrir de la visibilité aux acteurs économiques. Les investisseurs étrangers que je rencontre me disent craindre les évolutions fiscales permanentes que connait la France. Mais la stabilité ne veut pas dire l'immobilisme. Je propose d'ailleurs une réforme du Conseil économique et social afin qu'il puisse être saisi de tels sujets. Vous le voyez, je suis pour une société de la réforme active, mais pas pour celle de la réforme brutale. De même, je récuse la théorie qu'une fois élu, il faut agir dans les cent premiers jours. La société française a au contraire besoin de comprendre, elle a besoin de temps. Le travail du Président de la République doit être d'instaurer un climat de confiance et de conscience auprès des citoyens. Si vous êtes dans la brutalité, vous poussez les gens à se méfier et à se cantonner dans la défense des corporatismes.

François-Xavier Pietri - Vous demandez pourtant la disparition des niches fiscales ?
F.B. - Vous le savez, j'ai fait de la question de la dette l'obsession de ma campagne électorale. Aujourd'hui, ce sujet est au centre des conversations. Les Français savent que si nous ne faisons rien, nous léguerons à nos enfants une montagne de dette. Il nous faut donc trouver des économies. Sans aller jusqu'à supprimer les centaines de niches fiscales qui existent en France, je retiens l'idée d'un plafonnement global des niches, avec un plancher pour les contribuables faiblement imposés.

Gérard Bonos - Question des internautes du site de Radio Classique : qui va payer votre proposition d'exonérer de charges les deux nouveaux emplois créés par les entreprises : une hausse de la TVA ?
F.B. - Augmenter la TVA sur ce sujet ne fait pas partie de ma stratégie. Ma mesure ne coûtera rien à la société, au contraire. Et ce pour une raison simple : les deux tiers voire les trois quart de ces emplois nouveaux créés profiteront à des gens qui étaient jusqu'alors sans emploi, ne cotisant pas pour les retraites. Ces créations d'emplois non chargées devraient générer un point de PIB supplémentaire, de quoi amener des centaines de millions d'euros de rentrées fiscales.

Véronique Garnodier (société Charlott') - Que pensez-vous de la vente directe ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour sa reconnaissance et pour faciliter le recrutement ?
F.B. - La vente directe est intéressante ; il faut l'aider. Pas un candidat à l'élection présidentielle n'a pensé à la vente directe. Or, elle offre peut-être des centaines de milliers d'emplois disponibles, qui permettraient à des gens de se sortir de l'impasse. Mon ami Charles de Courson a fait adopter dans la loi de finances rectificative pour 2006 une mesure d'exonération totale de taxe professionnelle pour les démarcheurs ayant une rémunération annuelle perçue à ce titre inférieure à 5 126€.

Georges Fontaines - Nous rencontrons énormément de difficultés à recruter des ouvriers professionnels, bien formés, des techniciens, des ingénieurs... Que pourriez-vous faire pour améliorer cette situation ?
F.B. - J'ai été ministre de l'Education nationale et, pour répondre à cette question, j'avais décidé que, partout sur le territoire national, lorsqu'une entreprise ou un groupe d'entreprises contacterait l'Education, ou la région, ou les deux en exprimant le besoin de recruter 30 professionnels, l'Education nationale ait l'obligation de créer cette formation à la rentrée suivante. Il s'agissait d'une obligation de résultat et non d'une obligation de moyens, de sorte qu'il y avait un droit de saisine des entreprises sur la formation professionnelle. Cette idée a été abandonnée par mes successeurs.
L'idée que la formation est décidée par tous sauf par l'entreprise ou que tout le monde a son mot à dire, sauf l'entreprise, est très loin de la réalité.
Cela demande simplement une volonté de bâtir un programme, -on a six mois devant soi- il faut trouver des formateurs et il faut que l'ANPE, tous les services de l'emploi, aient les moyens d'inciter et de pousser fortement les jeunes, les gens au chômage vers ces activités professionnelles là. Par exemple, on manque de carreleurs, qu'on fait venir des pays de l'Est. Je ne peux pas me résigner à cela parce que c'est un geste technique professionnel qui n'est pas hors de portée d'une formation de plusieurs mois ; après, on s'améliore sur le tas. On peut même demander à l'entreprise d'assurer une partie de cette formation. C'est l'idée que l'emploi est la formation ; donc on peut être solidaire avec l'entreprise pour l'associer ; c'est typiquement de la social-économie. , au lieu de segmenter et de séparer ce qui est de l'ordre du social et de l'ordre de l'économie, on les rassemble pour les faire travailler ensemble et faire de la fertilisation croisée.

Alain Tur (société AST) - Que comptez vous faire pour favoriser l'accession à la propriété et le développement du logement social ?
F.B. - Pour moi, ce qui compte le plus, c'est la mixité sociale. Il va falloir qu'on sorte de la ségrégation...

Alain Tur - C'est un voeu pieu.

F.B. - Non, ce peut être une condition du permis de construire. Je le dis en tant que citoyen et responsable public, on ne peut pas continuer à vivre dans un pays qui fabrique des ghettos pour pauvres et des ghettos pour riches. Ca suffit ! Je ne laisserai pas le pays continuer à s'enfermer dans cette espèce de ségrégation perpétuelle... Ce qui s'impose à nous est la volonté de faire désormais se rencontrer des populations différentes. Les pauvres n'ont pas vocation à vivre uniquement entre pauvres. Je suis pour que tout le monde se rencontre ; c'est une vision politique, de projet de société.

Alain Tur - Ne faut-il pas favoriser l'accession sociale à la propriété de manière à libérer des logements sociaux pour que de nouvelles familles en bénéficient ?
F.B. - Je ne suis pas opposé à cette idée. En tout cas, si je suis élu, je ne ménagerai aucun effort pour que les populations se rencontrent, se croisent sur le trottoir, qu'elles se respectent et s'estiment. Qu'on réapprenne à vivre ensemble !

Gilbert Alberici (société OPI) - Les Français sont habitués à un vrai système de santé de très haute qualité et acceptent d'en payer le prix. Continuez-vous sur cette démarche ?
FB. - Je n'ai pas envie de changer le modèle pour prendre les modèles britannique ou américain. Les performances du système de santé français sont impressionnantes et pour un coût pour la collectivité qui est un tiers plus bas que le coût américain. En France, notre investissement dans le système de santé se situe aux alentours de 10% du PIB, les Américains sont à 16% et tous leurs scénarios parlent de 20%. Nous pourrions d'ailleurs valoriser cette capacité française de médecine auprès d'autres pays pour profiter de notre potentiel.
Je n'ai pas de baguette magique, mais j'ai une certitude : il faut associer les acteurs à la réflexion sur ce sujet, notamment les acteurs de l'hôpital. Notre idée est d'inventer une gestion de proximité qui ne soit pas seulement comptable, mais qui associe les acteurs de la santé et les usagers avec la régionalisation de la décision de santé. C'est la piste que nous avons l'intention de suivre.
En tout cas, je défends l'idée qu'il faut garder notre modèle ; ce n'est pas en l'abandonnant que nous allons trouver les réponses parce que la société française a son identité et sa logique. Il faut améliorer notre modèle.

Gérard Bonos - Avec la réforme hospitalière éventuellement y compris de la carte hospitalière ?
F.B. - On en parlera avec les professionnels. Pour moi, la carte doit être décidée régionalement avec des établissements dont la vocation ne sera pas la même, avec d'un côté des établissements de proximité et de l'autre des plateaux techniques importants. Il faudra également une réflexion particulière sur les urgences qui sont devenues le premier recours de toute demande de soins. Ce n'est pas possible. L'idée serait de bâtir des systèmes de dispensaires ouverts associant privé et public. Beaucoup de patients n'ont pas de médecin référent, contrairement à ce que la loi précédente a voulu faire croire. Il faut d'autres structures de recours intermédiaires qui puissent ensuite saisir les urgences en cas de vraies urgences...

Gilles Chaufferin (société Laboratoires Boiron) - Quelle sera votre politique sur le remboursement du médicament en général et sur le médicament homéopathique plus particulièrement ?
F.B. - Il faut une politique du médicament qui prenne en compte la satisfaction du patient et les économies pour la Sécurité sociale. Je trouve stupide qu'un certain nombre de décisions excluent des médicaments du remboursement, ce qui incite nos concitoyens à avoir recours à des molécules qui vont coûter beaucoup plus cher pour le même usage.

Philippe Gomez (Internaute La Tribune). - Quelles mesures comptez-vous prendre pour faire face à la dégradation de l'environnement et à la raréfaction des ressources énergétique fossiles ?
F.B. - La question n'est pas seulement celle de la raréfaction, mais le fait que l'utilisation sans freins et sans mesure des ressources fossiles (charbon, gaz, pétrole) a plongé la Terre dans une crise climatique de première importance. Il faut à tout prix une stratégie de régulation et de remplacement des ressources fossiles. Cette stratégie doit être internationale. Voilà pourquoi je considère comme une mission de premier plan du nouveau président de la République de défendre devant les instances internationales l'importance d'une réflexion stratégique sur le climat.
Cette réflexion est très compliquée parce que nous, en Occident, sommes les pollueurs. Quelques chiffres pour avoir un ordre de grandeur : quand un pays africain pauvre rejette 1 en gaz à effet de serre, l'Inde et la Chine en rejettent 3 ou 4, la France 9 ou 10 -parce que nous avons le nucléaire, l'Europe 14 à 15 et les Etats-Unis, 25. Ce sont ceux qui polluent 15 à 25 qui vont se tourner vers ceux qui polluent 1 en leur disant : il faut faire des économies.
Je suis en tout cas pour le nucléaire français. Nous avons la chance d'avoir un tel réseau de production d'électricité, non polluant du point de vue des gaz à effet de serre. Reste à traiter la question des déchets. On a la possibilité de les stocker, de les mettre en situation de sécurité en attendant de les retraiter. Pour nombre de physiciens que j'ai rencontrés, le retraitement efficace des déchets n'est qu'à quelques décennies, d'ici 20 à 30 ans. C'est tout à fait gérable.
Mais je suis favorable à la sauvegarde de notre outil de production d'électricité sous sa forme majoritairement nucléaire actuelle, le reste étant hydro-électrique, à condition qu'on ait la transparence sur les questions de sécurité. Il faut l'améliorer, notamment à propos de l'avenir des centrales nucléaires et des formes qu'elles peuvent prendre.
En matière d'environnement et d'énergie, je suis pour qu'on ait une stratégie volontaire exemplaire et c'est pourquoi j'ai signé la Charte écologique de Nicolas Hulot. Je l'ai fait le premier, en toute conscience, après avoir réfléchi pendant des années avec des scientifiques, en essayant de comprendre les enjeux. Ses préconisations me paraissaient justes et elles doivent fournir le cadre d'une approche politique nouvelle. Derrière cela, il y a un projet de société plus responsable et plus solidaire.

Gilles Alberici - Un Européen convaincu comme vous devrait porter ce sujet au niveau européen...
F.B. - Tout à fait. Car il n'y a de stratégie qu'européenne dans ces sujets là. Vous pourrez lire dans mon livre "Projet d'espoir" qui sort aujourd'hui la réponse précise à la question du pacte : obligation politique et morale en matière de climat et de gaz à effet de serre et biodiversité.

Christian Bouscharain (Internaute La Tribune). - Quand et comment allez-vous continuer la réforme des retraites en France, sachant que nous sommes dans un nouveau paradigme démographique et que la question de l'équité et des régimes spéciaux est posée ?
F. B.- Pour moi, c'est tout à fait essentiel. La réforme des retraites est obligatoire quel que soit le gouvernement. J'ai voté la réforme Fillon, dont on annonçait qu'elle était formidable, en n'étant pas satisfait de la manière dont elle était organisée. J'avais affirmé qu'elle ne faisait qu'un quart du chemin, ce que confirme un récent rapport du Conseil d'orientation des retraites. Je suis pour une réforme de fond et je la soumettrai au référendum des Français précisément pour éviter qu'ils aient le sentiment d'être trompés.(...) Je le dis à l'avance : tout le monde aura la possibilité de s'exprimer sur ce grand sujet. C'est un sujet qui nous place en situation de non assistance à l'égard de nos enfants en danger et déjà à l'égard de notre génération.
Voici les principes de la réforme. Premièrement, une retraite qui adapte à la retraite actuelle les principes d'une retraite complémentaire à points. Ainsi, chacun des Français, à partir de l'âge légal qui ouvre le droit au départ à la retraite, pourra connaître exactement le montant de ses pensions et leur évolution et choisir si la pension est suffisante ou s'il doit prolonger son activité. Je demanderai qu'on prenne en compte la réalité de la vie, c'est-à-dire la pénibilité du travail.
Cela amène à une réflexion assez profonde sur la forme de notre société à l'égard des personnes plus âgées et la place des personnes plus âgées dans l'entreprise. A quoi cela sert-il d'exprimer cela, si tout le monde part avant cinquante ans. Je vous rappelle cette statistique impensable : plus d'un Français sur deux qui part à la retraite a perdu son emploi. Et on continue à nourrir toutes les formes de préretraite. Il y a quelque chose qui ne va pas et ce n'est pas une petite affaire. Cela va demander des mois de réflexion civique avec les citoyens. Selon moi, c'est la seule manière de conduire une réflexion de cet ordre dans un grand pays.

Philippe Mabille - Quelle est votre analyse sur la crise que traversent Airbus et EADS ?
F.B. - On paie des années d'impérities, de mélange des genres, avec des luttes de pouvoirs entre industriels d'une part, entre politiques de l'autre, sans se préoccuper de l'avenir de l'entreprise, une guerre des clans alors qu'Airbus compte 2200 avions en commandes soit cinq années de charges de travail devant elles et qu'elle réalise deux avions par jour. Quelle irresponsabilité ! Boeing aussi a traversé une crise par le passé mais le gouvernement américain a fait son devoir. Les pays impliqués dans Airbus, la France et l'Allemagne au premier chef, doivent faire de même. Mais attention : au sein d'EADS, la maison-mère d'Airbus, les actionnaires privés ont bénéficié d'une délégation exclusive de gestion... alors que leur stratégie était de sortir de l'entreprise ! Ils ont déjà vendu la moitié de leurs actions avant que le cours d'EADS plonge, ce qui soulève des questions. En France, Lagardère a cédé une partie de ses titres à la Caisse des dépôts et consignations qui a du enregistré une moins value de 600 millions d'euros, soit le montant d'investissement dont Airbus a justement besoin aujourd'hui pour se redresser.

Vanessa Rousset - Pour finir, peut-on savoir quels chefs d'entreprises vous conseillent et si vous allez en nommer comme ministres en cas de victoire ?
F.B. - Je vais vous faire une confidence : ma pensée économique, je me la suis formée tout seul. Mais aujourd'hui, de nombreux chefs d'entreprises petites ou grandes - avec un homme comme Jean Peyrelevade qui a redressé le Crédit Lyonnais et qui est plutôt de sensibilité de gauche à l'origine-, des économistes de renom -comme Christian Saint-Etienne ou Jean-Claude Casanova-, d'anciens ministres comme Jean Arthuis, sont à mes côtés. Et pour nourrir mon projet, j'ai sillonné la France pendant cinq ans, quand ma candidature potentielle ne faisait pas encore parler, pour aller au contact des entreprises et connaître leur situation. Je connais bien aujourd'hui leurs problèmes mais aussi leurs atouts, souvent formidables, y compris à l'international.

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