L'offre de Sacyr sur Eiffage est soumise à de lourdes conditions

Pour réussir, l'offre publique d'échange de 6,5 milliards d'euros proposée par le groupe espagnol Sacyr sur Eiffage doit obtenir 60% des actions Eiffage. La réussite de l'offre semble d'autant plus compromise, qu'elle comporte un caractère dilutif sur le bénéfice par action, et qu'aucune synergie de coûts n'est attendue. En cas de réussite de l'offre, Sacyr souhaite en outre réintroduire 20 à 25% d'Eiffage en Bourse.

L'offre publique d'échange (OPE) de 6,5 milliards d'euros que Sacyr souhaite lancer sur Eiffage laisse un sentiment bien mitigée. Réuni ce matin pour dévoiler les termes de l'offre, à Paris, l'équipe dirigeant de Sacyr a pourtant tenté de clarifier ses intentions quant au lancement de cette offre, aussi suprenante que peu convaincante. Comme en témoigne d'ailleurs la chute de près de 6% d'Eiffage en Bourse, à sa reprise de cotation, à 13 heures.

C'est que Sacyr ne choisit pas la facilité pour obtenir l'adhésion des actionnaires, tant du côté d'Eiffage que dans son propre camp. Et pour cause. Sacyr, qui détient 33,2% du capital d'Eiffage a fixé un seuil de renonciation de l'offre à 60% des droits de vote par Sacyr. Un niveau de réussite qui semble particulièrement difficile à atteindre pour le groupe, même s'il bénéficiait de l'apport des titres détenus par les 89 actionnaires espagnols d'Eiffage.

Côté valorisation, l'offre laisse également les investisseurs sur leur faim. Le groupe espagnol fait une offre sur 66,7% du capital qu'il ne détient pas dans Eiffage, pour une parité de 12 actions Sacyr pour 5 actions Eiffage. S'il s'agit d'un montant supérieur à 34,4% aux moyennes des estimations de cours des analystes du titre Eiffage pendant un mois avant le 20 mars 2007, date du début des spéculations sur le titre du groupe de BTP français, soit un cours de 100 euros. Mais ce prix est en dessous du montant de 129 euros que le titre a atteint au plus fort de la spéculation et auquel le président d'Eiffage, Jean-François Roverato s'est dit prêt à accepter une offre d'achat, mais aussi du cours actuel du titre (aux alentours de 107 euros).

Aucune synergies de coûts attendues

De même, l'offre semble peu attrayante du côté de la création de valeur future pour les actionnaires, face à la faiblesse des synergies attendues d'une telle alliance. Sacyr indique d'ailleurs qu'il ne réalisera aucune synergie de coûts. En outre, l'offre au prix actuel représente une dilution du bénéfice par action (selon les comptes 2006). Le bénéfice net par action de Sacyr était en effet de 1,90 euro avant opération, et serait de 1,69 après opération.

Le groupe insiste en revanche sur le caractère complémentaire au niveau industriel des deux sociétés, notamment en France, Portugal et Espagne. "Nous voulons créer un acteur majeur de la construction en Europe", explique Luis del Rivero, le PDG du groupe Sacyr, qui annonce un chiffre d'affaires cumulé de 15,4 milliards d'euros (en 2006) pour le futur groupe qui serait en quatrième position juste derrière l'allemand Hochtief (15,5 milliards d'euros, en 2006).

Les synergies que la fusion pourrait apporter en terme de chiffre d'affaires seraient de 2,5 milliards d'euros, selon le PDG de Sacyr, qui avance ce chiffre sans grande conviction. Aucune autre synergie chiffrée ne sera avancée lors de la conférence de presse, malgré l'insistance des journalistes.

En termes d'intégration, Eiffage retournera en Bourse, en cas de réussite de l'opération. Sacyr souhaite conserver la marque, la structure, et le management d'Eiffage. Il veut aussi introduire entre 20 et 25% du capital d'Eiffage en Bourse (à Paris), si l'offre était concluante.

Sacyr peu inquiet de l'issue de son offre

Quoi qu'il en soit, Sacyr ne redoute pas l'échec de son offre. Selon le groupe, qui dit toutefois "croire en la réussite de l'offre", celle ci sera un succès quelque soit la décision des actionnaires d'Eiffage, et en particulier les salariés et la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). "Si les salariés acceptent l'offre, ils seront actionnaires du nouveau groupe,dans le cas contraire il resteront actionnaire d'Eiffage", décrit avec candeur le PDG de Sacyr, laissant entendre que le choix qui sera fait n'a finalement que peu d'importance.

Il en va de même pour la Caisse des Dépôts qui détient 8,5% du capital et 9,1% des droits de vote d'Eiffage. "Si la CDC accepte l'offre, elle fera partie de Sacyr et nous pourrons accéder à d'autres concessions et projets avec elle. Si elle choisit de rester dans Eiffage seulement, cela n'est pas un souci, car nous serons associés pour faire des investissements", ajoute le PDG du groupe hispanique.

Ce discours vient s'ajouter au sentiment mitigé laissé par une offre aussi rapide que surprenante, tandis que jusqu'à présent Sacyr avait toujours indiqué ne pas vouloir lancer d'offre sur la totalité d'Eiffage. Mais à la suite de l'assemblée générale d'Eiffage qui s'est tenue hier, d'où Sacyr est reparti sans les sièges au conseil d'administration qu'il réclamait, il a finalement choisi cette option. "Nous avons toujours voulu avoir un représentant pour veiller sur notre investissement", explique encore le PDG de Sacyr, "Jusqu'à hier, nous pensions que c'était possible. Mais au vu de ce qui s'est passé, nous avons décidé de lancer une offre sur la totalité du groupe", ajoute Luis del Rivero.

A ce titre, Sacyr assure qu'il n'y a aucune relation entre le lancement de l'OPE sur Eiffage et les accusations d'action de concert dont il fait l'objet, avec d'autres investisseurs espagnols. "Nous n'avons pas de rapport avec les autres actionnaires espagnols", lance d'ailleurs le PDG qui estime qu'on "ne peut pas dire qu'un tiers des sièges est une prise de contrôle rampante". Reste que si elle était avérée, l'action de concert obligerait Sacyr à lancer une offre sur la totalité du capital d'Eiffage... ce qu'il a finalement déjà décidé de faire.

Surtout, si l'AMF établit l'action de concert, Sacyr sera a priori obligé de lancer une OPA (en numéraire) à 129,50 euros, soit au dernier cours d'achat du "bloc" espagnol.

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