Grandeur et malheurs du créateur d'entreprise...

Au programme ce mois-ci, "Le sommeil de Léo", portrait d'un créateur d'entreprise exemplaire dont le parcours fulgurant va se trouver quelque peu perturbé... Et aussi un excellent roman graphique américain, "Derniers rappels", le dernier Valérian "L'ordre des pierres", ainsi que "Rosangella", "Crâne noir" et "Gus".

Melvin Méricourt est un gagnant. Un créateur d'entreprise plein d'idées - conception et fabrication de meubles en carton -, dynamique, séduisant et très, très sûr de lui. D'ailleurs, comme il se le répète souvent, "je suis le meilleur". Mais comme tout battant, il y a quelque chose de fragile dans sa progression éclair. Et les choses se dégradent sérieusement quand Léo fait irruption dans sa vie.

Léo, c'est un vieux copain de lycée, et tout le contraire de Melvin. Chômeur, plaqué par sa fiancée, c'est un doux rêveur sentimental et inoffensif. Sauf que, lors d'un spectacle d'hypnotisme, Léo tombe dans un état de "veille paradoxale". Il ne peut plus rien faire par lui-même et il reste sur les bras de Melvin qui doit le prendre en charge.

A partir de là, tout se dérègle dans la vie du fonceur. Il ne contrôle plus rien - c'est ce qu'il déteste le plus ! -, le gros contrat sur lequel il comptait pour assurer la pérennité de sa jeune entreprise capote, la banque lui coupe les crédits et même la fille qu'il convoitait lui échappe. Mais Melvin a du ressort : après avoir accusé le coup, il rebondira...

Pleine de finesse, cette merveilleuse fable de Jean-C. Denis, auteur par ailleurs des excellents albums de Luc Leroi et de l'émouvant "Quelques mois à l'Amélie", marque par l'originalité des personnages et des situations. La confrontation entre Melvin et Léo, entre l'incarnation même de l'idéal d'esprit d'entreprise et d'initiative et le rêveur parfaitement inutile, est mise en scène sans caricature excessive. Les personnages secondaires sont également très bien brossés, notamment la secrétaire de Melvin, éperdument amoureuse de son patron, mais qui finira par ouvrir les yeux...

Ajoutons enfin que l'album est un régal pour les yeux : dessin poétique, décors raffinés, extrême subtilité des couleurs, tout y est!

"Le sommeil de Léo"
Scénario et dessin Jean-C. Denis. Futuropolis, 16 euros Destins entremêlés
Ce gros roman graphique américain en noir et blanc (350 pages) suit une demi-douzaine de personnages : une rock star en panne d'inspiration, un informaticien dépressif, une serveuse de restaurant, une fille à la recherche de son père, etc. Autant d'individualités en quête de choses bien différentes et dont les destins vont petit à petit se rapprocher, jusqu'au dénouement qui les rassemblera toutes. Très efficace, la montée dramatique est soulignée par une numérotation des chapitres "à l'envers". Convaincants, les différents portraits sont aussi souvent émouvants.

"Derniers rappels"
Scénario et dessin Alex Robinson. Rackham, 25 euros Science-fiction déjantée
Voici près de 40 ans que les aventures de Valérian et Laureline constituent une des plus remarquables séries de la BD française. Et ce 20è album montre que les auteurs n'ont rien perdu de leur créativité. Leurs histoires de science-fiction parfaitement déjantées, peuplées d'une faune extraterrestre ahurissante, truffées de clins d'oeil à notre actualité, jonglant avec les paradoxes temporels et nourries d'un humour sarcastique des plus réjouissants fonctionnent toujours aussi bien.

Dans "L'ordre des pierres", qui constitue le deuxième volet d'une trilogie, les deux héros tentent de pénétrer dans le Grand Rien (où il y a quand même quelque chose) pour y retrouver la planète Terre, malencontreusement disparue dans les replis de l'espace-temps. On attend la suite!

"L'ordre des pierres"
Scénario Pierre Christin, dessin Jean-Claude Mézières. Dargaud, 9,80 euros


Portrait de femme
Rosangella est une femme qui a la vie dure. Abandonnée voici des années avec ses trois enfants, elle a réussi à force d'opiniâtreté à construire pour eux et pour elle une vie supportable. Mais tout bascule quand le père de ses enfants réapparaît un beau jour et prétend renouer avec sa famille. Un récit dur et sensible, un très beau portrait.

"Rosangella"
Scénario Corbeyran, dessin Olivier Berlion. Dargaud, 15 euros


Humour grinçant
La "nouvelle BD" française a décidément un style bien à elle. Qu'il s'agisse de Sfar et de son "Chat du rabbin", de David B., de Larcenet et autres, on retrouve, au-delà de la - forte - personnalité des différents artistes des points communs comme l'utilisation de petits dessins au style un peu "griffonné" et un humour souvent grinçant et décalé.

Deux nouveaux albums illustrent cette tendance. Avec "Crâne noir", Spiessert et Bourhis, auteurs par ailleurs de l'excellente série du "Stéréo Club", narre les aventures ahurissantes d'un viking peureux et timide chargé d'emmener au couvent une demoiselle qui, quitte à devenir religieuse, aimerait bien ne plus être vierge avant de franchir le pas. Et avec "Gus", Christophe Blain, connu pour son excellente série des aventures d' "Isaac le pirate" se lance dans le western parodique avec les mésaventures de trois brigands impitoyables dont le malheur est qu'ils n'arrivent à rien avec les femmes...

"Ingmar", tome 2 "Crâne noir"
Scénario Hervé Bourhis, dessin Rudy Spiessert. Dupuis, 9,80 euros
"Gus"
Scénario et dessin Christophe Blain. Dargaud, 13,50 euros

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