Le gouvernement donne six mois aux syndicats pour se refaire une légitimité

Le Premier ministre a demandé aux partenaires sociaux d'engager une négociation nationale sur la démocratie sociale, avec comme échéance "la fin de l'année". Or, la rénovation des règles de la représentativité syndicale, au coeur de ce chantier, divise les partenaires sociaux.

Le gouvernement met les partenaires sociaux au pied du mur. Non seulement les réformes sociales annoncées se précipitent, de la défiscalisation des heures supplémentaires à l'instauration d'un service minimum dans les transports publics en passant par la réforme du contrat de travail et celle de l'assurance chômage, mais l'exécutif presse le patronat et les syndicats de refonder rapidement leur légitimité, premier volet d'une réforme plus vaste de la démocratie sociale. "Je souhaite que les partenaires sociaux puissent engager rapidement des négociations nationales interprofesionnelles (...) sur la démocratie sociale" et "j'attends un résultat pour la fin de l'année", a écrit jeudi soir François Fillon dans sa feuille de route au patronat et aux syndicats.

La refonte des règles de la représentativité syndicale est bien entendu au coeur de cette demande. Les règles de validation des accords collectifs, l'autre grand volet de la démocratie sociale, ont fait l'objet d'une loi en 2004, dont l'auteur n'était autre que François Fillon, alors ministre du Travail. Or il est prévu que cette loi du 4 mai 2004, qui a modifié les règles de validation des accords collectifs en instaurant notamment le droit d'opposition, fasse l'objet d'une évaluation fin 2007. Il semble donc peu problable que les partenaires sociaux négocient sur ce sujet avant le bilan de la loi.

Les partenaires sociaux sont donc pressés par le gouvernement de réformer le paysage syndical, figé par un arrêté ministériel de 1966 qui confère à cinq centrales (CGT, CFDT, FO, CFTC et CGC) un présomption de représentativité "irréfragable". Cette base légale offre à ces organisations un certain nombre de privilèges, comme la possibilité de présenter des listes au premier tour des élections professionnelles dans les entreprises - alors que les autres syndicats (Sud, Unsa) doivent d'abord prouver leur légitimité -, la gestion des organismes paritaires ou le monopole de négociation des accords collectifs au niveau interprofessionnel.

Dans un avis rendu en novembre, le Conseil économique et social a jugé la situation actuelle "obsolète" et plaidé pour l'instauration d'une élection ouverte à tous les salariés pour établir la représentativité des organisations syndicales. Cette solution ne fait pas l'unanimité chez les partenaires sociaux. Côté syndical, seules la CGT et la CFDT plaident en faveur d'une représentativité fondée sur l'élection, alors que FO, la CFTC et la CGC n'y sont pas favorables. Les grandes centrales, contrairement aux petites, ont tout à gagner d'une légitimité fondée sur l'élection. Côté patronal, seul l'UPA (artisans) est favorable à l'évolution des règles. Le Medef et la CGPME craignent notamment que la refonte de la représentativité s'applique également aux organisations patronales.

Dès lors, que faut-il attendre d'une négociation paritaire sur la démocratie sociale? Le Premier ministre va envoyer aux partenaires sociaux ses orientations en la matière dans les prochains jours, comme la loi de janvier sur la modernisation du dialogue social l'y oblige. Mais la position du gouvernement sur ce dossier n'est pas dénuée d'arrière-pensée. Avant l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, François Fillon avait appelé à la constitution d'un pôle syndical réformiste dont la CFDT serait la cheville ouvrière. La CGT, qui redoute la marginalisation dans les négociations avec l'Etat depuis la victoire de Nicolas Sarkozy, dispose cependant d'un atout: elle est arrivée largement en tête des dernières élections aux comités d'entreprise en 2005.

De son côté, Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée, a mis en garde les syndicats contre toute tentative de blocage des réformes sociales, estimant qu'ils "ne représentent que 8% des Français" alors que 85% des électeurs avaient participé à l'élection du président de la République le 6 mai. Selon une enquête récente menée par deux chercheurs, Dominique Labbé et Dominique Andolfatto, "le taux de syndicalisation des salariés français ne dépasse certainement pas 7%". Mais les syndicats estiment que leur légitimité ne peut en aucun cas se résumer au seul nombre de leurs adhérents, étant donné la forte participation des salariés aux élections professionnelles et celle non négligeable aux élections prud'hommales.

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