Voltaire, l'icône des Lumières

Pierre Milza signe une remarquable biographie du philosophe de Ferney. L'historien explique avec brio comment le dramaturge à succès s'est mué en défenseur des droits de l'homme que l'on célèbre encore aujourd'hui.

"Voltaire est mort immortel", s'exclamait Hugo en 1878 lors des célébrations du centenaire de la mort du patriarche de Ferney. Près d'un siècle plus tard, De Gaulle lançait son "On n'emprisonne pas Voltaire" à l'adresse de ceux qui demandaient une inculpation de Sartre dans l'affaire du Manifeste des 121.

Pas de doute, le philosophe incarne le combat contre l'intolérance. Une légende qui est née du vivant même de Voltaire explique Pierre Milza dans la belle biographie qu'il lui consacre. Si l'homme a connu un immense succès en tant que dramaturge et poète, un étonnant transfert s'est opéré à la fin de sa vie. L'auteur décrit son "apothéose" de 1778: "Sur la route qui le conduit de Ferney à Paris, les vivats de la foule vont moins à l'écrivain célèbre qu'au défenseur des droits de l'homme. C'est le symbole des Lumières que l'on salue".

Milza raconte cette étonnante mue qui voit un homme de lettres de 70 ans, richissime et adulé dans toute l'Europe, se lancer dans la bataille pour la réhabilitation de Calas ou du chevalier de La Barre en utilisant à fond "son capital de notoriété, sa connaissance des pratiques de diffusion des idées et son immense réseau tissé au cours de sa longue carrière".

De Paris à Ferney en passant par Berlin et Cirey, de la Bastille à l'exil londonien, l'historien évoque avec passion les soubresauts de cette destinée unique. Un homme complexe et pétri de contradictions. Car Voltaire est à la fois un artiste dévoré d'ambition dont "l'orgueil et le tempérament rancunier peuvent le conduire aux pires excès et aux pires injustices" et en même temps un philosophe engagé au service de la raison, de la vérité et des droits de l'homme.

Pierre Milza détaille aussi la fulgurante carrière de Voltaire qui a bâti sa renommée comme dramaturge et poète. Passionné de théâtre, il a composé des tragédies en vers qui ont rencontré un immense succès, de "Oedipe" en 1718 jusqu'à "Irène" soixante ans plus tard. Mais qui songerait à monter ses pièces aujourd'hui, s'interroge Milza? Car, tout comme ses poèmes, l'oeuvre théâtrale de Voltaire est datée. De son immense production, seuls les contes ("Zadig", "Candide"...) séduisent encore des lecteurs par leur message universel, ainsi que ses écrits philosophiques ou bien sa vaste correspondance (40.000 lettres) qui témoigne du prodigieux réseau de relations qu'il a tissé partout en Europe.


"Voltaire", de Pierre Milza. Perrin, 914 pages, 26,50 euros.

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