"Cymbeline", joyau caché de Shakespeare

Peu jouée en France, la pièce resplendit sous la mise en scène inspirée du britannique Declan Donnellan.

"Cymbeline" est une pièce à part dans l'oeuvre de Shakespeare. Son ambition de traiter avec humour de sujets sérieux lui donne des airs hybrides déconcertants. Si bien que les avis sont partagés entre ceux qui y voient une oeuvre mineure mal maîtrisée et ceux qui la considèrent comme un bijou de complexité. Declan Donnellan fait partie de ces derniers.

Le metteur en scène britannique qui connaît bien Shakespeare pour en avoir adapté plus d'une dizaine de pièces, a su intelligemment tirer partie de l'ambiguïté de "Cymbeline" en ne l'envisageant pas sous l'angle psychologique - secondaire ici, comme en atteste son invraisemblable dénouement -, mais symbolique et spirituel pour mieux évoquer les thèmes de l'amour, de la rédemption et de la guerre.

Dans cette perspective, il a opté pour une mise en scène extrêmement pure. Pas d'effets spéciaux, mais une mise en lumière habile de Judith Greenwood. Pas de décor grandiose, mais un plateau sobre, vaste, entièrement dédié aux acteurs hors pairs de la troupe "Cheek by jowl".

Dans la première image, ils apparaissent, immobiles, l'air grave, comme posant pour un portrait : le roi Cymbeline, sa fille Imogène et sa seconde épouse, marâtre tout droit tirée d'un conte de fée à la "Blanche-Neige". Une demi-douzaine d'autres figures les entoure. Le rideau tombe, se relève, et la faune se met en mouvement. Imogène annonce son mariage en cachette avec Posthumus, simple gentilhomme sans fortune, provoquant ainsi la colère de la Reine qui lui destinait son fils, Cloten. Posthumus est condamné à l'exil. Premiers tourments d'une longue série pour les deux amants.

La suite voit s'accumuler intrigues et rebondissements à foison. Mais par sa mise en scène limpide et parfaitement maîtrisée, Declan Donnellan prévient toute confusion. Il s'autorise même quelques extravagances. Par exemple en faisant jouer les rôles des deux rivaux, Posthumus et Cloten, par le même acteur - permettant ainsi à Tom Hiddleston des tours de passe-passe réjouissants. Ou encore lorsque ce dernier, armé d'un micro, se lance dans un jeu de séduction aux airs de music hall. Des astuces savamment dosées qui distillent un brin de folie bienvenu et achèvent d'imposer la pièce comme un grand moment de théâtre.

Renseignements pratiques :
"Cymbeline" jusqu'au 25 mars au Théâtres des Gémeaux. à Sceaux.
Tél. : 01.46.61.36.67. www.lesgemeaux.com

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