Dominique de Villepin chez les juges

L'ancien Premier ministre est entendu pour son rôle présumé dans l'affaire Clearstream. Patrick Devedjian critique son système de défense qui met en cause l'indépendance de la justice.

"Je suis très heureux de pouvoir ce matin expliquer aux magistrats ce qu'est ma conviction, que l'affaire Clearstream n'est pas une affaire politique", a affirmé l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin aux journalistes, en arrivant ce jeudi matin au pôle financier du tribunal de Paris pour y être interrogé comme suspect dans l'affaire Clearstream, dans laquelle il a été mis en examen en juillet dernier. Dominique de Villepin a affirmé avoir envoyé aux juges d'instruction un dossier de 80 pages comportant des documents relatifs à l'affaire. "Je fais confiance à la justice pour dire le droit, pour dire la vérité et la justice avec sérénité", a-t-il assuré.

L'audition chez les magistrats Henri Pons et Jean-Marie d'Huy devait durer toute la journée. C'est la première fois que l'ancien chef de gouvernement s'explique sur les charges retenues contre lui. Il a été mis en examen le 27 juillet pour "complicité de dénonciation calomnieuse, recel de vol, recel d'abus de confiance et complicité d'usage de faux".

Il est soupçonné d'avoir suscité la remise en 2004 à un juge anti-corruption, Renaud Van Ruymbeke, de fausses listes de comptes bancaires de la société financière luxembourgeoise Clearstream, qui semblaient compromettre, parmi plusieurs centaines de personnalités, Nicolas Sarkozy. Ces listes ont été remises au magistrat par Jean-Louis Gergorin, alors vice-président d'EADS, qui dit avoir agi à la demande de Dominique de Villepin, son ami de longue date.

Dans le dossier envoyé aux magistrats cette semaine, l'ancien Premier ministre explique que les juges font fausse route en accréditant ce scénario de la machination. Il s'en prend à Nicolas Sarkozy qui à ses yeux est le maitre d'oeuvre de l'enquête à son encontre. "Ce dossier peut être considéré comme privatisé au profit d'une seule partie civile", écrit-il.

"La sérénité et l'indépendance de la justice sont-elles possibles quand on sait que le président de la République est LA partie civile, qu'il a autorité sur la chancellerie et a la capacité à tout moment de donner des instructions dans un dossier qui le concerne personnellement? N'est-il pas de ce fait juge et partie et cela étonne-t-il quiconque dans cet Etat de droit?", ajoute-t-il. Il suggère que le nom de Nicolas Sarkozy a été placé pour lui nuire sur les faux listings de Clearstream par d'autres que lui, dans le cadre des rivalités industrielles internes à EADS.

Sur RTL ce jeudi, Patrick Devedjian, secrétaire général délégué de l'UMP et proche du chef de l'Etat, a estimé que "ce système de défense (n'était) pas le meilleur". Il a remarqué que les charges pesant sur Dominique de Villepin reposaient sur des notes confidentielles du général Philippe Rondot, qui accréditent la thèse de Jean-Louis Gergorin et complètent les déclarations de ce dernier. "C'est curieux pour quelqu'un qui a exercé d'aussi fortes responsabilités de penser que la justice n'était pas indépendante. A-t-il des raisons de penser cela?", s'est interrogé Patrick Devedjian.

Du côté de l'Elysée, son porte-parole affirme que le président tient plus que jamais à connaître la vérité dans ce dossier. "Nicolas Sarkozy avait porté plainte pour connaître la vérité. Il est élu président, il n'a pas moins envie de connaître la vérité. Le dommage qu'il a subi n'a pas disparu avec son élection à la présidence de la République", a développé David Martinon. "La plainte a été déposée avant que M. Sarkozy ne soit élu. Donc de toute façon, il retirerait sa plainte que ça ne changerait pas la procédure (...) A ma connaissance, sa qualité de président du CSM ne change rien à l'attitude qu'il peut avoir dans cette affaire comme dans toute affaire de justice".

Dominique de Villepin a été contraint par les juges de payer une caution de 200.000 euros et a interdiction de rencontrer tous les protagonistes de l'affaire, y compris l'ancien président Jacques Chirac. L'appel qu'il a déposé contre ce contrôle judiciaire sera examiné vendredi par la chambre de l'instruction de Paris. Le parquet général a en outre annoncé jeudi qu'il demanderait le maintien des interdictions de rencontrer les acteurs de l'affaire, mais plaiderait pour l'annulation de la caution.

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