La Cour des comptes épingle à nouveau la gestion du CE d'EDF-GDF

Dans un rapport publié ce mercredi, la Cour considère que de "profonds changements" doivent être apportés à "l'organisation et au fonctionnement" du plus riche comité d'entreprise de France géré par la CGT. Un CE qui bénéficie, pour des raisons historiques, d'un statut exorbitant du droit commun.

La Cour des comptes a publié ce mercredi un rapport très critique sur la gestion du comité d'entreprise d'EDF-GDF, la Caisse centrale des activités sociales (CCAS), dirigée par la CGT. Selon le premier président de la Cour, Philippe Séguin, "de profonds changements doivent être apportés à l'organisation et au fonctionnement des institutions sociales" du personnel des industries électriques et gazières.

Le rapport décrit un système à bout de souffle. Il a relevé "d'importantes lacunes de gestion", selon Philippe Séguin, ajoutant qu'"il y a une totale absence de transparence comptable". La Cour a "également soulevé plusieurs cas de non respect du droit de la concurrence, du droit fiscal et même du droit du travail".

Face à ces accusations, la CGT a allumé les contre-feux. "Que la Cour des comptes se prononce, examine, expertise la manière dont est gérée cette caisse, soit. Par contre, si cette Cour devait se prononcer sur le bien-fondé de maintenir telle ou telle activité, je considère que c'est plutôt l'avis des personnels qui compte pour définir si des activités sociales répondent à leurs attentes, correspondent à leurs besoins", a estimé le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault.

C'est oublier un peu vite que le financement de ce CE est assuré, de manière exorbitante, par un prélèvement de 1% sur le chiffre d'affaires des industries électriques et gazières, c'est-à-dire sur les factures EDF et GDF de chaque consommateur, alors que, dans le droit commun, les CE sont financés par un prélèvement sur la masse salariale des entreprises. Il ne semble donc pas anormal que la Cour des comptes vérifie l'usage qui est fait de cet argent largement public.

Quant à la direction du CE d'EDF-GDF, elle estime bien sûr que "la Cour des comptes sort de son rôle (...) L'ensemble est construit de façon à justifier la remise en cause des activités sociales".

Le rapport de la Cour des comptes mentionne par exemple que la CCAS, par le biais de son institut de formation Iforep, a financé indûment plus 400.000 euros de prestations à la Fête de l'Humanité. Le substantiel budget de la CCAS, soit environ 480 millions d'euros, est englouti à plus de 32% par les frais de fonctionnement. Et les charges liées aux salaires pèsent pour près de 50% de l'ensemble de ces coûts. La restauration collective, qui correspond à une activité prépondérante de la CCAS avec plus de 6 millions de repas servis chaque année, ne répond pas aux modèles économiques du marché. Les repas, dont le prix de revient à l'unité est estimé à quelque 12 euros, sont deux fois plus chers à produire que ceux des autres entreprises.

Le rapport remet également en cause les fondements même de ce CE qui n'aurait pas su s'adapter aux évolutions de la société avec une offre de loisirs et de services vieillissants. La Cour n'épargne pas non plus l'organisme de tutelle, le ministère des Finances. L'administration des Finances est en effet censée contrôler l'emploi des ressources de la CCAS, or la surveillance a manifestement été défaillante.

La CCAS, dont le principe a été fixé après la guerre par le ministre communiste du gouvernement provisoire, Marcel Paul, et le général de Gaulle, qui souhaitait ainsi la paix sociale, est un des symboles des conquêtes ouvrières. La CCAS emploie 5.700 salariés. Entreprise dans l'entreprise, il gère les prestations médicales, les séjours de vacances, les assurances et la restauration d'entreprise de 661.438 bénéficiaires, actifs ou retraités, et leurs familles.

Parallèlement, la caisse est au coeur d'une information judiciaire qui a conduit début mars à la mise en examen de son ancien président, Jean Lavielle. Ouverte en février 2004 pour "abus de confiance, escroquerie, faux et usage de faux", cette enquête fait suite à des accusations portées par d'ex-cadres ou employés de la CCAS mettant en cause des dirigeants de la CGT et du PCF.

La justice soupçonne des pratiques d'emplois fictifs ou de prestations surfacturées au sein de la CCAS et se penche sur ses liens avec la CGT. Confiée au juge parisien Jean-Marie d'Huy, l'enquête a entraîné une perquisition en juillet 2004 dans les locaux du quotidien l'Humanité et l'audition en juillet 2006 du secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault.


La CGC met en cause "le renoncement de l'Etat"
La CGC (cadres) des Industries électriques et gazières (IEG) a estimé ce mercredi que "le renoncement de l'Etat" dans le contrôle de la CCAS d'EDF-GDF, était "une des causes" de la mauvaise gestion dénoncée par la Cour des comptes. Dans son rapport, "la Cour rappelle que d'après la loi, l'Etat a un pouvoir très important en matière de contrôle mais que ce pouvoir est inappliqué", souligne la CGC, pour qui "le renoncement de l'Etat à cette mission est une des causes de la situation actuelle". La CGC "renvoie dos à dos la CCAS et l'Etat sur le constat de la Cour des comptes", ajoute-t-elle, en demandant "l'application de la loi et la mise en place de véritables contrôles". Concernant l'organisme de formation Iforep, mis en cause pour le "caractère irrégulier" de ses comptes, la CGC se dit "en total désaccord avec les prestations que cette entité a réalisées à l'occasion de la fête de l'Humanité pour près de 500.000 euros ces dernières années". "La CGC, qui a déjà quitté le conseil d'administration d'Iforep pour ce type de raison, demande aujourd'hui "la suppression" de l'organisme et "la création d'un service formation à la CCAS en remplacement". Enfin, l'organisation syndicale "demande une réduction des charges de la CCAS et la plus totale transparence dans la gestion de l'organisme". La CGC "défend toujours une gestion de la CCAS par les fédérations syndicales (...) tout en acceptant d'être contrôlé par l'externe sur la bonne utilisation du 1%".


Retrouvez l'intégralité du rapport de la Cour des comptes sur latribune.fr

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.