Impôts à la source : les modalités défrichées

La mission, diligentée par Thierry Breton et Jean-François Copé, pour expertiser les modalités de mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur les revenus a rendu ses conclusions. Les ministres ont décidé de saisir "sans délai" le Conseil d'Etat pour recueillir son expertise juridique sur les options proposées par la mission.

Pas de temps à perdre. Si le prochain gouvernement veut pouvoir tenir le calendrier annoncé par Thierry Breton pour une entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu au 1er janvier 2009, il lui faudra décider de lancer le chantier dès la fin du mois de mai. En effet, l'une des conclusions du rapport demandé à messieurs Auvigne, Bébéar et Viricelle sur les modalités de mise en oeuvre de ce "chantier de grande ampleur" est qu'un délai d'environ deux ans est nécessaire. "Confortablement c'est 2010 mais si la décision est prise rapidement et si on met les bouchées doubles alors le 1er janvier 2009 évoqué par Thierry Breton n'est pas impossible" explique Claude Bébéar, président du Conseil de surveillance d'Axa. Beaucoup de si donc... Auxquels il faut ajouter le constat qu'à l'heure actuelle, aucun des candidats susceptibles de l'emporter lors de l'élection présidentielle n'a intégré dans son programme l'instauration de la retenue à la source. Jean-François Copé, ministre du budget, reconnaît d'ailleurs que Nicolas Sarkozy "n'est pas aujourd'hui un fan" de cette réforme et c'est vrai que "cela ne figure pas au rang de ses priorités".

Les auteurs du rapport quant à eux considèrent que même si la nature de l'impôt sur le revenu en France (calculé par foyer et non par individu, existence de nombreuses niches... ) rend complexe la mise en oeuvre de la réforme, il ne s'agit pas pour autant d'un obstacle insurmontable. De plus concernant les avantages d'une telle réforme, ils notent que la retenue à la source permettra de supprimer le décalage d'un an entre la perception du revenu et sa taxation. "Chaque année, cela facilitera la vie de 5 millions de contribuables dont la situation change" souligne Raymond Viricelle, avocat général honoraire à la Cour de Cassation.

Concrètement, les pistes retenues par les auteurs du rapport sont les suivantes. Concernant le champ des revenus concernés, ils estiment nécessaires dans un premier temps de les circonscrire aux salaires et revenus de remplacement (en particulier les pensions et les retraites). Pour ce qui est de la protection de la vie privée et de la nécessité de préserver une certaine confidentialité dans les relations entre le salarié et son employeur, les auteurs préconisent le recours à un taux moyen d'imposition qui serait communiqué par le contribuable à son entreprise. En cas de changement en cours d'année (naissance, mariage...) ce taux pourra être révisé avec le concours des services fiscaux. Pour ce qui est du coût supporté par les entreprises, qui deviendraient agent collecteurs d'impôt avec cette réforme, la mission reconnaît la nécessité de minimiser la charge administrative relative à une telle réforme. Ils souhaitent donc que les modalités de versement et de recouvrement soient calqués sur des circuits existants (recouvrement par l'administration fiscale ou Urssaf). Ils laissent aussi ouverte la possibilité de faire bénéficier les entreprises de marges de trésorerie.

Le sujet le plus épineux reste la gestion de l'année de transition. La mission estime "pertinente" l'idée d'exonérer une année d'imposition pour les revenus qui seront concernés par le passage à la retenue à la source. Cela veut dire que si la retenue à la source est mise en place en 2009, vos revenus de 2008 ne seront pas imposés. Pour autant cela ne veut pas dire que vous ne paierez pas d'impôts ces années là. En 2008, seront acquittés les impôts au titre de 2007 et en 2009 seront prélevés sur le salaires au titre de 2009. Parallèlement, la mission recommande la mise en place de garde-fous pour prévenir les comportements d'optimisation fiscale que la perspective d'une année exonérée d'impôt ne manquera pas d'attiser.
L'instauration de la retenue à la source générera l'année de sa mise en oeuvre des recettes fiscales supplémentaires évaluées à 2,5 milliards d'euros par la mission. Une somme qui pourrait être rendue d'une manière ou d'une autre aux contribuables afin de les sensibiliser à l'utilité de cette réforme qui n'est pas seulement technique mais témoigne aussi de la capacité de l'Etat à se réformer.

Faisant fi des incertitudes politiques ou techniques et soucieux de laisser "un dispositif clés en mains" à leurs successeurs, Thierry Breton et Jean-François Copé entendent en tout cas donner des suites à ce rapport. D'une part il sera publié sur le site Internet www.laretenuealasource.fr. Ensuite, les ministres ont décidé de saisir "sans délai" le Conseil d'Etat pour recueillir son expertise juridique sur les options proposées par la mission. Ils vont créer au sein de Bercy une "équipe projet" qui devra élaborer le cadrage opérationnel du basculement et notamment arrêter les dispositifs juridiques anti-abus pour l'année de transition. Sera également installé un comité de pilotage associant toutes les directions du Minefi concernées par ce chantier. Ce comité devra remettre début mai un dossier complet sur cette question au nouvel hôte de Bercy.

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