L'histoire est on ne peut plus basique : un jeune pacifiste tout juste marié est incorporé contre son gré dans une armée qu'il rejette et qui, petit à petit le dévore au point qu'il s'éprend de son colonel et qu'une fois libéré, il rempile avec emportement.
Le tout se passe dans un pays d'Amérique latine surréaliste : la guerre doit venir, et comme dans le "Désert des Tartares", elle ne vient jamais, l'ennemi tant craint puis tant attendu n'étant jamais au rendez-vous. Entre temps, le banal héros subit un entraînement acharné puis devient un gratte-papier inutile. Il passe ainsi de la garde d'un simple rocher désigné comme stratégique au ramassage du crottin puis à la rédaction de prospectus sur les pneus d'engins de montagne.
Et comme rien ne se passe comme cela devrait se passer, l'institution crée l'événement qui maintient
la troupe en éveil : on organise des festivités, on célèbre la remise du linge propre, on donne un prix au plus beau potager, et c'est ainsi que les jours , les semaines, les mois, s'écoulent.
Des années plus tard, une fois libéré de cette geôle faite d'absurdités, notre recrue égarée dans un monde qu'il ne reconnaît plus n'a plus qu'une hâte, retrouver sa caserne perdue.
Ecrit d'une plume dépouillée et incisive, ce roman jubilatoire est une formidable métaphore d'un système politique reposant sur le vide, la terreur, le conditionnement. L'auteur, Carlos Liscano, sait de quoi il s'agit : il a subi treize années de prison dans son Uruguay natal. Ce grand écrivain trouve là sa place, entre Kafka, Jarry, Buzzati et Courteline.
Renseignements pratiques :
"Souvenirs de la guerre récente" de Carlos Liscano, traduit par J.M.
Saint Lu, Belfond, 158 pages, 17,50 euros
De l'absurde comme raison de vivre
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