Le civil et le militaire au service de la politique spatiale européenne

Alors que l'avenir du projet Galileo suscite actuellement des inquiétudes jusqu'au sein du parlement européen, le vice-président de la Commission de Bruxelles, Gunther Verheugen, et le directeur général de l'Agence spatiale européenne (ESA), Jean-Jacques Dordain, ont appelé en commun les Vingt-Sept, ce jeudi à Bruxelles, à mettre rapidement en oeuvre une "politique de l'espace ambitieuse pour relever les défis mondiaux".

Depuis trente deux ans, si l'on compte à partir de la naissance de l'ESA, davantage si l'on se réfère à la création de l'ELDO et de l'ELRO (premiers programmes spatiaux européens) au début des années soixante, des activités spatiales ont, certes, été développées avec succès par les Européens. Ce palmarès va de la gamme des lanceurs Ariane à Rosetta, en route vers la comète Churyumovde, en passant par les satellites "Mars Express" et "Venus Express" et le prochain lancement du laboratoire Colombus destiné à être rattaché à la Station spatiale internationale.

Mais, souligne la Commission, "à une époque où apparaissent de nouvelles puissances affichant des ambitions et capacités élevées en matière spatiale, l'Europe ne peut pas se permettre de faire figure de perdante, ni de laisser échapper les avantages économiques et stratégiques potentiels de l'espace pour ses citoyens". Et la communication adoptée ce jeudi enfonce le clou : "le développement d'une véritable politique européenne dans ce domaine constitue un choix stratégique pour l'Europe si celle-ci ne veut pas devenir insignifiante" sur un marché mondial estimé à 90 milliards d'euros et qui croît en moyenne chaque année de 7%.

Dans cette perspective, sur le plan de la gouvernance d'une telle stratégie, Gunther Verheugen et Jean-Jacques Dordain n'ont pas annoncé, comme certains responsables en avaient exprimé le voeu voici quelques années, une certaine forme intégration de l'ESA, organisation intergouvernementale dont sont membres 29 pays européens (les Vingt-Sept plus la Suisse et la Norvège) au sein de l'Union européenne. La Commission n'en note pas moins que "les approches différentes, les procédures juridiques distinctes et les compositions différentes au niveau des membres de l'Union et de l'ESA peuvent conduire à des processus décisionnels peu pratiques, comme l'a montré le cas de Galileo", et prône un renforcement significatif de l'accord-cadre entre les deux parties.

Une coopération plus étroite d'autant plus nécessaire que la Commission et l'ESA conviennent sans nuance que, pour nourrir raisonnablement de grandes ambitions spatiales, l'Europe a besoin d'entreprises "solides et compétitives" au niveau mondial et que, pour ce faire, celles-ci ont besoin que "les acteurs des politiques publiques européennes définissent des objectifs politiques clairs et investissent les fonds publics nécessaires pour les atteindre".

Là encore, les difficultés actuelles de Galileo - qui ne seront sans doute surmontées que par une adaptation du mode de financement de ce projet de radionavigation par satellites - démontrent les limites des partenariats publics-privés dans de tels secteurs à risque et le caractère indispensable des investissements publics. Entre 2007 et 2013, l'Union ne consacrera que 400 millions d'euros par an aux applications et activités spatiales et les Etats membres grosso modo 6 milliards, 50% à travers l'ESA, 50% directement dans des programmes nationaux.

Aussi, à l'aune de ces investissements publics modestes au regard de ce qui se fait notamment aux Etats-Unis, la chasse au gaspillage et la prévention de la dispersion des efforts sont elles présentées comme des priorités par la Commission et l'ESA. "Il est essentiel et urgent", souligne ainsi la communication, "de procéder à une agrégation efficiente et rentable des besoins des politiques publiques en matière spatiale". Dans cette perspective est recommandé non seulement l'établissement d'un programme spatial européen, "en se concentrant sur les besoins des utilisateurs", mais aussi l'accroissement des synergies entre les technologies et programmes spatiaux militaires et civils.

Cette incursion dans les domaines spatiaux liés à la sécurité et à la défense bouscule un vrai tabou. La Commission ne fait d'ailleurs pas preuve de timidité politique excessive : "l'Europe (est) confrontée à des menaces en constante évolution, plus variées, moins visibles et moins prévisibles. (Pour les contrer,) il faut recourir à une combinaison de solutions civiles et militaires et les moyens spatiaux apportent une contribution significative à cet égard". Elle ne cache même pas, alors qu'elle avait plutôt évité la question jusqu'ici pour éviter des problèmes avec les Etats neutres membres de l'Union, que des programmes civils comme Galileo et GMES (Global Monitoring for Environnement and Security) "pourraient avoir des utilisateurs militaires".

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.