C'est la seconde fois que Jean-Louis Martinelli met en scène le travail du Suédois Lars Norén. En 2000, il adaptait "Catégorie 3:1", long récit fragmenté qui nous plongeait dans les bas-fonds de Stockholm, peuplés de laissés pour compte dérivant en marge de la société. "Kliniken", écrite trois ans plus tôt, en 1994, navigue dans les mêmes eaux et nous ouvre les portes d'un hôpital psychiatrique où treize individus cohabitent. Schizophrènes, anorexiques, dépressifs... l'un d'entre eux apparaît d'abord comme un infirmier, et puis petit à petit on n'en est plus tout à fait sûr.

Les contours de la folie sont flous, leur détermination aléatoire. Lars Norén en sait quelque chose puisqu'à 18 ans, inquiet d'entendre la voix de sa mère récemment décédée, il s'est lui-même fait interner. Les médecins l'ont gardé. Le traitement médicamenteux qu'il subit alors ne fit qu'empirer les choses et il ne dût son sauvetage qu'à un ami qui l'aida à sortir, alerté par la dégradation de son état. Ce sont les souvenirs de cette période qu'il restitue ici.

Du côté des acteurs, rien à redire. Que ce soit Judith Henry, Sylvie Milhaud ou Abbès Zahmani, ils jouent tous à merveille l'ambiguïté de leur état en équilibre instable. Si la justesse de leur jeu évite l'étalage spectaculaire, il n'en reste pas moins que la pièce ne leur offre que trop rarement la possibilité de nous émouvoir. Jean-Louis Martinelli a opté pour une mise en scène douce, trop peut-être. La pièce dure près de trois heures. Elle aurait pu durer une heure de plus comme une de moins. Mais c'est aussi là le propos. Dans cet espace clos, le temps est aboli. On parle pas mal, on fume beaucoup, on passe le temps.


"Kliniken" de Lars Norén, mise en scène de Jean-Louis Martinelli. Jusqu'au 8 avril au Théâtre Nanterre-Amandiers. 7, avenue Pablo-Picasso, 92022 Nanterre. Tél: 01 46 14 70 00. www.nanterre-amandiers.com
Texte français disponible aux Editions de l'Arche sous le titre "Crise".