Faut-il avoir peur de l'inflation ?

L'inflation est au coude à coude avec le chômage parmi les préoccupations des Européens. La flambée des cours du pétrole et des denrées alimentaires pousse les indices de prix à la consommation. Même les prix des produits importés de Chine sont à la hausse. L'inflation hors énergie et produits alimentaires reste inférieure à 2%.

Faut-il avoir peur de l'inflation ? La hausse des prix à la consommation détrône presque le chômage comme principal sujet de préoccupation des Européens, selon un sondage de la Commission européenne. Pour la première fois depuis des années, le chômage et l'inflation sont au coude-à-coude: 27% des personnes interrogées citent le chômage tandis que 26% citent l'inflation, contre 16% de la population il y a seulement un an.

L'inflation est de retour. Elle a atteint 3,1% en novembre 2007 au sein de la zone euro et 4,3% aux Etats-Unis. Des niveaux très supérieurs aux objectifs respectifs de la Banque centrale européenne (BCE) et de la Réserve Fédérale. En pleine crise des "subprimes", ces mauvais chiffres ont plombé les indices boursiers mondiaux qui escomptaient un nouvel assouplissement de la politique monétaire américaine. Accélération de l'inflation, ralentissement de l'activité, la menace de la stagflation complique terriblement l'action des banques centrales des deux côtés de l'Atlantique.

Les causes de cette irruption de l'inflation sont désormais bien identifiées. Le développement rapide des pays émergents se traduit par une forte hausse de la demande de pétrole et de denrées alimentaires. Les automobilistes européens ont vu le prix de leur plein de carburant augmenter de 5% en novembre et de 15,1% sur un an, selon Eurostat. Les prix du pain et des céréales ont augmenté de 1,1% en novembre et de 6,4% sur un an. Au total, la hausse des prix des carburants expliquent un demi point d'inflation au sein de la zone euro, les produits alimentaires un quart de point.

L'inflation sous jacente est nettement plus raisonnable. Hors carburants, l'inflation de la zone euro tombe à 2,3%. Hors carburants, alimentation, boissons alcoolisées et tabac - deux types de produits sujets à des hausses de taxes - l'inflation n'est plus que de 1,9%, autrement dit inférieure à l'objectif de 2% de la BCE. Il n'y aurait donc pas d'accélération de l'inflation mais simplement une hausse sensible de certains prix (carburants, alimentaires).

C'est évidemment problématique pour le pouvoir d'achat des ménages. Mais ce ne devrait pas être un problème pour la BCE dont la mission est de lutter contre l'inflation, une accélération auto entretenue des prix, pas d'influer sur l'évolution des prix relatifs sur lesquels elle n'a aucune prise. Les économistes soulignent d'ailleurs que la hausse de l'inflation n'est que temporaire. L'OCDE estime ainsi dans ses dernières perspectives économiques que l'inflation moyenne retomberait à 2,2% l'an prochain au sein de la zone euro, les fortes hausses des prix des carburants et des denrées alimentaires des deux derniers trimestres sortant progressivement de l'indice général des prix.

La principale crainte de la BCE est que la perte de pouvoir d'achat ne débouche sur des revendications salariales. L'indexation des salaires sur l'indice des prix entraînerait alors une hausse des coûts pour les entreprises. Le risque est alors qu'elles répercutent ce renchérissement des coûts salariaux sur les prix enclenchant un processus d'inflation autoentretenu. Plus que la poussée actuelle des prix de l'énergie et des denrées alimentaires sur lesquelles la BCE n'a aucune prise, c'est la crainte d'effets de second tour qui maintient les autorités monétaires européennes en alerte.

Mais la hausse des prix de l'énergie et des denrées alimentaires pourrait bien être l'arbre qui cache la forêt. Les prix des produits en provenance de Chine ont augmenté de 3% au cours des trois premiers trimestres 2007, selon l'OCDE. Cette hausse est d'autant plus surprenante qu'elle s'inscrit dans le cadre d'une appréciation notable de l'euro.

Or, la Chine a joué un rôle majeur dans le recul de l'inflation au cours des dix dernières années en exportant des produits manufacturés à bas prix dans le monde entier. L'OCDE a calculé que les exportations à bas prix des pays émergents ont réduit l'inflation au sein de la zone euro de 0,3 point par an entre 1995 et 2005. Un effet positif partiellement annulé - à hauteur de 0,1 point par an - par la hausse du prix de certains biens intermédiaires, comme les métaux, nourrie par l'explosion de la demande de ces produits en Chine. Au total, les pays émergents ont permis d'abaisser l'inflation européenne de 0,2 point par an au cours des dix dernières années.

"La Chine devrait toutefois continuer de jouer son rôle désinflationniste", souligne Boris Cournède, économiste au département de politique monétaire de l'OCDE. En effet, ce n'est pas tant la baisse des prix des produits chinois que l'éviction de produits européens (chers) par des produits chinois (moins chers) qui a alimenté la désinflation européenne.

"Même avec une accélération de l'inflation chinoise, l'effet de remplacement - de produits européens chers par des produits chinois moins chers - continuera d'alimenter la désinflation", conclut Boris Cournède. Raison pour laquelle l'OCDE continue de pencher pour un scénario de ralentissement de l'inflation une fois les récentes hausses digérées.

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