Le rythme en observation

Avec sa nouvelle création "9", le chorégraphe Loïc Touzé poursuit son travail d'exploration du processus du mouvement.

Loïc Touzé s'est échappé de l'Opéra de Paris en 1986. Douze années de bons et loyaux services dans le corps de ballet puis au sein du groupe de recherche chorégraphique, et l'envie d'aller voir ailleurs. Rien d'étonnant, vu le travail qu'il poursuit depuis avec la compagnie 391. Sa nouvelle pièce "9" est une nouvelle démonstration de sa volonté de recherche en marge, précise et intransigeante.

Créée pour le Théâtre National de Bretagne (TNB), "9" peut être envisagée comme un volet complémentaire de deux projets précédents, "Morceau" (2001) et "Love" (2003). Dans la première pièce, le plateau prenait l'allure d'un studio éclaté, transformé en grande aire de jeu où, le temps d'une seule minute, les danseurs se lançaient dans une proposition chorégraphique parfois chantée, parfois agrémentée d'accessoires et de costumes farfelus. Chaque minute, un nouvel univers se créait. "Love" offrait quant à lui, au sein d'un studio rapporté à deux plans, une suite de tableaux autour d'un thème - la mort, les animaux, la guerre... - et s'interrogeait sur l'imaginaire à la source du mouvement corporel.

Dans "9", il est encore question de la représentation d'un studio de travail. Un studio dépouillé à la blancheur éclatante, dont une fenêtre rectangulaire aurait été découpée dans l'un des murs pour permettre aux spectateurs de voir, en panoramique, ce qui s'y déroule. Et qu'y découvre-t-on? Neuf corps féminins, apparaissant sur scène liés les uns aux autres, comme une guirlande de bonshommes en papier. Une chaîne qui éclatera d'un coup pour libérer les individualités et les laisser s'exprimer en rythme.

Les figures se succèdent, imprévisibles, données, comme l'écrit Loïc Touzé, "sans commentaires, portées par une écriture qui tente de ne rien relier, d'être poétiquement désassemblée.". Car le chorégraphe ne s'intéresse pas au rythme immédiatement identifiable, mais au rythme en tant que suite d'un mouvement seulement connu du danseur. S'il prend ainsi le risque d'isoler son public, il propose, à qui y sera sensible, d'observer le geste en création. Le basculement entre la volonté du danseur et l'acte qui en résulte, entre la sensation et sa déclinaison physique. On le perçoit parfois, et ce sont alors de beaux moments.

D'autres fois, l'hermétisme prend le dessus comme lorsqu'une des danseuses se dirige soudainement vers le public pour lui adresser des mots inaudibles. La musique minimaliste d'Henri-Bertrand Lesguiller - des riffs de guitare saturée, des claquements métalliques - n'aide d'ailleurs pas à rendre moins arides certains passages. C'est le risque d'utiliser un plateau comme laboratoire. Pour espérer que des réactions se produisent, il faut compter sur quelques coups dans l'eau.


"9" de Loïc Touzé créée au TNB à Rennes.
Du 25 au 27 janvier à Paris au Centre Pompidou : www.centrepompidou.fr
Du 27 février au 1er mars à Grenoble, MC2 : www.mc2grenoble.fr
Les 22 et 23 juin à Lisbonne à la Fondation Calouste Gulbenkian.

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