L'immobilier résidentiel américain reste fragilisé

Après la sévère correction de février sur les marchés, inquiets notamment de la crise aigue de l'immobilier américain, tout semble aujourd'hui oublié. Ce n'est peut-être qu'un trompe-l'oeil. Sébastien Barbe, directeur de la gestion taux, convertibles et structurés chez Rothschild & Cie Gestion, fait le point sur les prêts "subprime", accordés aux ménages qui n'ont pas d'historique de crédit : des risques importants notamment un "effet retard" de certains prêts à long terme demeurent.

Les prêts "subprime" aux Etats-Unis sont accordés aux ménages qui ne sont pas en mesure de fournir un historique de crédit "acceptable" pour différentes raisons. Globalement, ces prêts "subprime" ne pèsent que 12% du stock total d'emprunts. Mais en 2006, un prêt sur quatre a ainsi été accordé sans condition, sans dossier, soit 600 milliards de dollars de prêts environ.

Aujourd'hui, ils constituent une menace non négligeable sur l'économie américaine. Cette menace était d'ailleurs bien présente en toile de fond de la correction des marchés en février dernier. Mais fin avril, après les résultats des banques américaines, dans la plupart des cas rassurants, elle semble reléguée au second rang. Quelques risques de disfonctionnement demeurent pourtant bien présents.

Certains prêts "subprime" sont à taux fixes classiques. Mais les plus fréquents sont les "2-28", prêts à 1% pendant deux ans puis à taux très élevés pour... les 28 années suivantes. Il y a donc un effet retard particulièrement dangereux. D'autant que cette forme particulière de prêts a été accordée massivement quand les taux courts américains étaient très bas. Or, ils ne le sont plus et les taux obtenus sont maintenant passés à 9% environ. Vecteurs de spéculation immobilière, ces prêts sans coûts et sans condition ont contribué à l'excellente santé de la construction résidentielle entre 2004 et 2006. Du coup, tandis que le nombre de logements occupés baisse, celui des logements vacants monte. C'est un peu comme si chaque français construisait un logement avec le soutien des dispositifs Robien ou Borloo ... et que in fine il n'existe plus assez de locataires pour occuper les logements construits !

Aujourd'hui, le prix moyen des maisons neuves augmente encore, mais le prix médian baisse. Dernière statistique en date: les ventes de logements anciens se sont effondrées de 8,4% en mars, accusant la plus forte baisse enregistrée depuis janvier 1989, preuve de la difficulté du marché secondaire. Ainsi, les taux de défaut sont en nette progression : de 120 milliards de dollars en 2005, ils sont passés à 186 milliards l'an dernier. Mais surtout, depuis deux mois, la possibilité de réaliser un prêt sub-prime a disparue, car les banques et les intermédiaires, qui avaient besoin des marchés financiers pour se refinancer (et ainsi mutualiser les risques associés), ne le peuvent plus, les investisseurs ayant perçus le danger.

On sait qu'en cas de défaut, l'argent pour le créancier n'est pas perdu puisqu'il récupère la maison qu'il peut vendre. Mais dans un marché où le stock de maisons à vendre est au plus haut de tous les temps, où les ménages fragiles n'ont plus accès à ce type de prêts, qui rachètera les maisons des 2 millions de familles américaines potentiellement saisies ? Les banques vont désormais, petit à petit, resserrer leurs conditions de crédit et l'immobilier résidentiel sera vraisemblablement fragilisé pour plusieurs années.

Comme on le sait, la singulière résistance de la consommation américaines dans les années 2001 / 2006 tenait à la possibilité de "retirer du cash" de la valeur de sa maison sans cesse plus élevée. Ce sont les "mortgage withdrawals", à peu près l'équivalent du crédit hypothécaire rechargeable français, qui reculent certes par rapport aux pics de 2005, mais restent élevés. La hausse de l'immobilier résidentiel est maintenant derrière nous : c'est moins d'essence dans le moteur de la consommation et donc un ralentissement supplémentaire pour l'économie américaine. De la vitesse de la normalisation de la situation, - plusieurs années ou quelques mois -, dépend la trajectoire de l'économie américaine: ralentissement durable ou récession brutale.

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