Retour aux géniteurs

En compétition au festival de Cannes et en salles ce mercredi 21 mai, "Un conte de Noël", émouvant film familial d'Arnaud Desplechin, est emblématique de la nouvelle génération du cinéma français. Et réunit une magnifique brochette d'acteurs, de Catherine Deneuve à Melvil Poupaud en passant par Mathieu Amalric.

La filiation est un thème récurrent dans l'oeuvre d'Arnaud Desplechin, illustré notamment dans son précédent film "Rois et reines". Toutefois, pour "Un conte de Noël", le cinéaste prend la question à rebours, et observe ce qui des enfants se transmet à leurs parents. "L'enfant est le père de l'homme", disait Freud, principe abstrait auquel Desplechin donne une application concrète dans ce conte familial à la tonalité très psychanalytique qui réunit trois générations d'une même famille.

Auteur français fétiche du Festival de Cannes, Desplechin a vu tous ses films présentés dans l'une ou l'autre des sections, depuis son premier, "La vie des morts", à la Semaine de la critique, en 1991. Quatrième à concourir dans la compétition officielle, "Un conte de Noël" va-t-il enfin remporter un prix qui, jusqu'à présent, fait défaut au réalisateur emblématique de la génération du cinéma français éclose à la fin du siècle dernier?

Malgré quelques longueurs et digressions superflues, il le mériterait, tant il fait preuve de maestria dans la mise en scène de ce film situé à Roubaix, sa ville natale, circulant avec une grande fluidité entre les protagonistes de cette histoire de famille nombreuse, incarnée par une magnifique brochette d'acteurs complices.

Des deux anciens - le père (débonnaire Jean-Paul Roussillon) et la mère (impérieuse Catherine Deneuve) - aux plus jeunes de leurs petits-fils, un problème génétique grave pèse sur la lignée. Les fondateurs ont vu disparaître le premier de leurs rejetons, mort à sept ans faute de n'avoir pu recevoir une greffe de moelle osseuse de l'un de ses frères et soeurs, tous incompatibles. Sur les trois enfants successifs se projette l'ombre funèbre de cet ange qu'ils n'ont pas pu sauver.

L'aînée, Elizabeth (émouvante Anne Consigny), brillante auteur de théâtre, traîne une dépression chronique. Le cadet, Henri (vibrionnant Mathieu Amalric) compense par l'agitation, l'alcool et les femmes. Paradoxalement, c'est le benjamin Ivan, qui se montre le plus sage (touchant Melvil Poupaud).

Et voici qu'avec la période de Noël surgit enfin la réponse au problème qui les "travaillait" tous: c'est la mère qui est porteuse du gène maudit et qui doit à son tour recevoir une greffe de moelle de l'un de ses enfants ou petits-enfants. Lequel devra rendre à la génitrice la vie qu'elle lui a donnée?

La réponse va tomber pendant les quelques jours où toute la famille est réunie, pour la première fois depuis longtemps, dans la grande maison parentale. Famille généreuse, débordante d'énergies et de conflits, larvés ou déclarés, famille tentaculaire, qui englobe le cousin des enfants qui n'a plus ses parents, et même l'amie de leur grand-mère. Chacun est accompagné de sa chacune et de sa progéniture éventuelle, de ses problèmes, de ses désirs, de ses mystères... Autant d'individualités sur lesquelles Desplechin pose tour à tour un regard plein d'empathie.

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