Chaos à Seattle

"Bataille à Seattle", premier film de l'acteur Stuart Townsend, a le mérite de faire découvrir au public la face cachée de la contestation et de la répression lors du sommet de l'Organisation Mondiale du Commerce dans cette ville, fin 1999. Sans négliger la dose de bons sentiments.

Incorrigibles Américains: quel que soit le sujet traité, il doit être exprimé simplement, au risque d'être manichéen. Mais il faut aussi une pincée de bons sentiments. Ici, il s'agit de la bataille qui a eu lieu fin 1999 entre les altermondialistes et les forces de l'ordre lors du sommet de l'Organisation Mondiale du Commerce, à Seattle. Si l'on en croit les messages explicatifs du début du film, les sympathies du réalisateur pour le mouvement de contestation ne font pas de doute.

Côté sentimentalisme: l'un des héros du film, Jay (campé par Martin Henderson), tombe amoureux d'une jeune militante, Lou (Michelle Rodriguez) pas très affable au demeurant. Tandis qu'Ella (Charlize Theron), enceinte, pardonnera finalement à son policier de mari (Woody Harrelson) la perte de son bébé, due à un coup de matraque asséné par les forces de l'ordre alors qu'elle tentait de rentrer chez elle.

Mais au-delà de ces faiblesses, le premier film de l'acteur Stuart Townsend (réalisateur et producteur) apporte un éclairage précieux sur les événements qui ont marqué la ville de Seattle, dans le nord ouest des Etats-Unis, du 30 novembre au 3 décembre 1999. Tous les journalistes présents sur place à l'époque - dont l'auteur de ces lignes - peuvent en témoigner: la principale qualité du film est la reconstitution fidèle de la logistique très sophistiquée mise en place par les manifestants. Armés d'un plan de la ville, les altermondialistes avaient en effet prévu de bloquer, avec des manifestants s'enchaînant ensemble avec de gros tuyaux, tous les carrefours menant à l'hôtel où se trouvaient les délégués et à la salle de conférences. Là devaient se dérouler les débats en vue de libéraliser le commerce mondial, au mépris des intérêts des pays pauvres (représentés par Isaach de Bankolé).

Le jour J, tout le monde est en place et la stratégie fonctionne à merveille. Impossible pour les délégués de participer à la cérémonie d'ouverture. Si les manifestants qui, même jeunes, sont souvent des baroudeurs des actions écolos et sont fin prêts - c'est le cas de Jay, qui a vu son frère périr sous l'assaut de la police dans une forêt de séquoias qu'il cherchait à protéger en Californie -, ce n'était pas le cas de la police locale.

L'autre qualité du film est de faire pénétrer les spectateurs "back stage". Vite débordées par les manifestants, les forces de l'ordre se mettent à cogner sur tout ce qui bouge. La panique s'installe au quartier général et le maire (Ray Liotta), qui cherche désespérément à préserver "sa" ville, ne sait plus à quel saint se vouer: le chef de la police, le gouverneur de l'Etat, l'avocate des manifestants mise en garde à vue...

A ce chaos s'ajoutent les violences des casseurs, qui font voler en éclat les vitrines des magasins et des cafés du centre ville. Le fiasco est total: le sommet de l'OMC n'aura pas lieu, et surtout, avec ses poubelles éventrées, ses échoppes en ruine et son couvre-feu décrété à la va-vite, Seattle, d'habitude si paisible sous son ciel gris, ressemble plus à Beyrouth qu'à l'Amérique tranquille.

Les médias, qui sentent l'odeur du sang - au sens propre comme au figuré - feront bombance de ces scènes, et les relaieront à travers la planète. C'est avec la rime "Battle in Seattle", inventée pour l'occasion par les télévisions, que la contestation de l'ordre établi par les grandes multinationales et les pays riches aura officiellement émergé.

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