Le sauvetage en catastrophe de Bear Stearns secoue les marchés

La Réserve fédérale de New York et JPMorgan Chase volent au secours de la banque d'affaires, dont la liquidité vient de se "détériorer significativement". La Fed, soutenue par la Maison Blanche, assure qu'elle fournira les liquidités nécessaires au marché. L'action Bear Stearns s'effondre, le Dow Jones, le CAC 40 et le dollar chutent, l'or s'envole.

Cela ressemble à un branle-bas de combat. La Réserve fédérale de New York et la banque commerciale JPMorgan Chase ont annoncé, ce vendredi 14 mars, qu'elles allaient apporter les fonds dont a besoin la banque d'affaires Bear Stearns. Fragilisée depuis l'été dernier par la crise des crédits hypothécaires à risque aux Etats-Unis, la banque d'affaires a reconnu vendredi que sa liquidité s'était "détériorée significativement" au cours des dernières 24 heures. Le montant de l'aide n'a pas été précisé.

Depuis quelques jours, la rumeur d'une crise de liquidité de la cinquième banque d'affaires américaine circulait sur les marchés ce qui, selon des analystes, a pu provoquer un retrait massif de fonds de la part des clients.

Consciente du danger, et pour éviter un risque de contagion, la banque centrale américaine (Fed) est rapidement intervenue. En plus d'approuver "à l'unanimité" le plan de sauvetage de Bear Stearns, la Fed a promis de fournir des liquidités aux marchés "comme nécessaire". "La Réserve fédérale suit de près les développements sur les marchés et elle continuera de fournir des liquidités comme nécessaire pour faciliter un fonctionnement harmonieux du système financier", a-t-elle indiqué dans un communiqué.

La Fed a même reçu le soutien du président George W. Bush. Celui-ci a souligné le "bon travail" du président de la Réserve fédérale dans des conditions difficiles. Selon lui, la Fed et le Trésor ont la situation bien en main mais il faut laisser le temps au marché de corriger, le président ajoutant que l'économie américaine a les ressources pour retrouver de la vigueur.

De son côté, le secrétaire américain au Trésor, Henry Paulson, a estimé que l'affaire Bear Stearns représentait "un nouveau défi" que les marchés et les autorités étaient en train de traiter. "Je salue le leadership de la Réserve fédérale pour renforcer la stabilité et l'ordre de nos marchés", a-t-il ajouté dans un communiqué. "Notre système financier est flexible et résistant et j'ai confiance dans les efforts des régulateurs et des acteurs des marchés pour minimiser la perturbation du système", a-t-il assuré.

L'annonce de ces difficultés a provoqué un nouveau choc sur les marchés financiers, qui n'avaient pas besoin de cela. Après s'être effondré de moitié en début de séance à Wall Street, le cours de Bear Stearns reculait encore de 42%, à 32,91 dollars, à mi-séance. Et l'ensemble des indices mondiaux étaient ébranlés.

En milieu de séance, le Dow Jones chutait de près de 1,5%. A Paris, le CAC 40 a terminé en baisse de 0,82 % à 4.592,15 points. Le dollar est tombé à son plus bas historique: un euro vaut 1,5688 dollar. Simultanément, l'once d'or, valeur refuge par excellence, est elle aussi à son plus haut à 1005,50 dollars.

La Fed de New York et JPMorgan Chase se sont engagées à apporter les capitaux pendant une période pouvant aller jusqu'à vingt-huit jours. Ce délai doit permettre à JPMorgan et Bear Stearns de mettre au point un financement permanent ou de trouver "d'autres alternatives pour la compagnie", selon un communiqué diffusé par JPMorgan. Plusieurs analystes interrogés par Bloomberg estiment que Bear Stearns aura du mal à rester indépendante tant son modèle économique a été secoué par cette crise.

Techniquement, les sommes promises sont apportées à JPMorgan par la Fed de New York, l'intermédiaire entre la banque centrale américaine et les marchés. JPMorgan les prêtera alors à son tour à Bear Stearns. JPMorgan souligne que cette transaction ne devrait pas "exposer ses actionnaires au moindre risque matériel". Intervenue plusieurs fois dans l'histoire de Wall Street pour aider des établissements, la banque jouit d'une grande réputation dans ce domaine.

Encore mercredi, le directeur général de Bear Stearns, Alan Schwartz, avait laissé espérer que son établissement serait bénéficiaire au premier trimestre, en dépit de la prolongation de la crise sur les marchés financiers mondiaux. Il avait alors à nouveau démenti les rumeurs sur de possibles problèmes de liquidités qui avaient fait dévisser le cours de l'action Bear Stearns lundi. Très impliquée sur le marché immobilier, la banque avait la première noté des difficultés sur ce marché durant l'été 2007.

Le marché n'est peut-être pas au bout de ses mauvaises surprises. L'agence de notation Fitch a indiqué vendredi prévoir une accélération en 2008 des pertes des banques liées au non remboursement des prêts immobiliers aux Etats-Unis. Selon elle, les pertes "seront beaucoup plus importantes que prévu initialement".

La prévision de Fitch s'appuie sur "la détérioration continue du marché immobilier, le haut niveau d'endettement des ménages, et le ralentissement économique" aux Etats-Unis. Les difficultés pourraient également se faire sentir en 2009.

Comble de l'ironie, les analystes de Bear Stearns ont indiqué vendredi matin, dans une note de recherche, que les sociétés financières de l'indice boursier américain S&P 500 devraient annoncer des dépréciations d'actifs supplémentaires de 35 à 70 milliards de dollars au premier trimestre, en plus des 130 milliards de dollars de dépréciations d'actifs dévoilés depuis la fin du troisième trimestre.

Selon eux, la détérioration des marchés du crédit va nécessiter de nouvelles recapitalisations. "La crise actuelle (du crédit) menace la stabilité du système financier américain", juge Jonathan Golub, analyste chez Bear Stearns. Sa banque en est la première victime...

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.