Procès géant contre Deutsche Telekom

16.000 actionnaires mécontents du grand opérateur téléphonique allemand amènent la justice outre-Rhin à mettre en application pour la première fois une nouvelle loi introduisant les "class actions" à l'américaine.

Le plus grand procès de l'histoire économique allemande s'est ouvert ce lundi à Francfort où le groupe de télécoms Deutsche Telekom est opposé à 16.000 actionnaires mécontents, première application d'une nouvelle loi introduisant les "class actions" à l'américaine.

Le gigantisme -- les 16.000 actionnaires sont représentés par plus de 800 avocats, les plaintes ont été instruites pendant sept ans -- et la nouveauté du procédé juridique expliquent un intérêt médiatique hors du commun: plusieurs centaines de journalistes se pressaient lundi dans le centre des congrès réquisitionné par la cour d'appel de la ville, dont les propres locaux n'auraient pas pu accueillir tout le monde.

Du côté des plaignants, peu avaient en revanche fait le déplacement, peut-être à cause des chutes de neige qui touchaient la région, et ont retardé même le juge. Seuls quelques actionnaires avaient pris place sur les bancs des spectateurs, eux-mêmes peu fournis.

Deutsche Telekom est accusé d'avoir mal évalué la valeur de son portefeuille avant d'introduire en Bourse une partie de son capital, en 1999. En février 2001, le groupe avait dû déprécier fortement ses actifs immobiliers dans ses comptes, provoquant une chute brutale du cours de l'action et des millions de pertes pour les actionnaires.
Grâce à la nouvelle loi, c'est l'un d'eux, en l'occurrence un retraité du Bade-Wurtemberg (sud-ouest), qui représente tous les autres dans la procédure.

La loi a été spécialement votée en 2005 pour les besoins de cette affaire qui, par son ampleur, menaçait d'implosion les tribunaux allemands. Les premières plaintes avaient été enregistrées en 2001, très vite elles se chiffraient en milliers. Un même grief animait tous les plaignants: leurs économies s'étaient envolées en fumée.

Au total, ce sont 80 millions d'euros que les actionnaires, s'estimant floués, réclament au groupe en dommages-intérêts, une somme dérisoire au regard des 60 milliards de chiffre d'affaires annuels de Deutsche Telekom. Mais pour beaucoup d'intéressés, c'est la perspective d'une retraite plus confortable qui s'est évanouie.

Depuis l'effondrement du cours de l'action début 2001, le titre, victime de l'éclatement de la bulle des nouvelles technologies, n'a jamais redécollé.
Lundi l'action Deutsche Telekom valait 11,30 euros à la Bourse de Francfort à 10H10 GMT, soit six fois moins que son cours d'introduction de juin 2000.
Incriminés aussi, entre autres: le rachat à prix d'or de l'américain Voicestream en 2000 ou encore l'acquisition de licenses de troisième génération de téléphonie mobile (UMTS) qui n'ont jamais réalisé leurs promesses.

Deutsche Telekom martèle depuis des années n'avoir rien à se reprocher. "Nous maintenons notre position, les plaintes des actionnaires sont injustifiées", a déclaré devant le tribunal l'avocat du groupe, Bernd-Wilhelm Schmitz. Selon plusieurs médias allemands lundi, le groupe aurait toutefois changé de stratégie de défense, et s'apprêterait à invoquer le climat d'euphorie de l'époque, qui faisait que la vraie valeur des choses n'avait pas d'importance.

Une argumentation "cynique" pour Gerhart Baum, l'un des avocats des plaignants. "Si on avait dit aux gens à l'époque qu'ils jouaient avec leur argent, ils n'auraient pas acheté, c'est aussi simple que cela", a-t-il déclaré à la chaîne de télévision publique ARD.
Andreas Tilp, avocat du plaignant "modèle", s'attend pour sa part à ce que la séance de lundi apporte "une première appréciation des chances de succès".

Mais l'arrêt de la cour ne devrait pas tomber avant plusieurs mois, voire plusieurs années. Du fait de l'âge moyen avancé des plaignants, il faudrait pourtant se dépêcher de clore l'affaire, a argumenté lundi Peter Kühn, un de leurs avocats.

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