Patricia Russo, la directrice générale d'Alcatel-Lucent a décidé de démissionner d'ici la fin de l'année", indique la société dans un communiqué. "Elle continuera à diriger le groupe afin d'assurer la transition avec son successeur". Celle qui était la seule femme à occuper un si haut poste parmi les membres de l'indice CAC 40, touchera "un maximum de 6 millions d'euros" d'indemnités de départ, a indiqué une porte-parole du groupe à l'Agence France Presse, soit "deux années de salaire". Le principe d'indemnités de départ de Pat Russo, approuvé le 30 mai dernier lors de l'assemblée générale, avait été l'objet de polémiques compte tenu des piètres résultats du groupe.

Serge Tchuruk, le président non-exécutif du conseil d'administration de l'équipementier télécom a également annoncé son départ. Il partira quant à lui dès le 1er octobre 2008. "Le temps est venu pour cette entreprise, déclare-t-il dans le communiqué, d'acquérir une identité qui lui soit propre, indépendante de celle des deux sociétés d'origine. Le conseil doit également évoluer et son Président doit donner l'exemple, ce que j'ai décidé de faire". Lui "ne touche pas de salaire, mais seulement des jetons de présence d'un montant de 100.000 euros par an", a ajouté la porte-parole.

Le communiqué indique que le groupe ayant dépassé la phase de transition liée à la fusion, implique une restructuration du conseil. Celui-ci réduira donc progressivement le nombre de ses membres tout en recrutant de nouveaux membres. Depuis le rapprochement des deux groupes fin 2006, la nouvelle entité accumule les difficultés, multipliant les avertissements sur résultats, et a procédé à plusieurs plans de restructuration, comprenant des milliers de suppressions d'emplois dans le monde: 16.500 au total d'ici 2009.

La démission de Pat Russo et Serge Tchuruk "est un constat d'échec de la fusion", estime Christian Le Bouhart, responsable syndical CFDT. Marc Marandon de la CGT, se demande pour sa part si cet événement " ne cache pas d'autres fusions, des rapprochements avec d'autres groupes". Il a souligné qu'un certain nombre de salariés "haut-placés chez Alcatel sont partis ces derniers mois dans d'autres grands groupes".

Pour l'heure, Alcatel-Lucent a également publié ce mardi une perte nette de 1,1 milliard d'euros pour son deuxième trimestre contre une perte nette de 336 millions un an plus tôt. Une perte nette jugée exceptionnelle au regard des prévisions des analystes. Santander tablait sur une perte de 115 millions d'euros, tandis qu'Oddo Securities anticipait une perte de 135 millions. C'est le sixième trimestre consécutif de perte nette.

Le résultat d'exploitation ajusté sort quant à lui du rouge. Ce bénéfice monte à 93 millions d'euros, à comparer à une perte de 19 millions un an plus tôt. Le chiffre d'affaires affiche pour sa part une baisse de 5,2% par rapport au trimestre de l'année précédente, à 4,101 milliards d'euros. Par rapport au premier trimestre 2008, le groupe souligne que son chiffre d'affaires progresse de 6,1%; ce qui correspond à l'objectif que s'est fixé le groupe de réaliser une croissance séquentielle de 4 à 6%. A taux de change constant, il augmente de 8,5%

Alcatel-Lucent, dont la moitié des revenus est exprimée en dollars ou en monnaies liées au billet vert, maintient ses précédentes prévisions pour l'année 2008. A taux de change courant, les revenus devraient connaître une baisse comprise entre 2% à 5%. Pour le troisième trimestre 2008, Alcatel-Lucent prévoit des revenus identiques ou légèrement en baisse par rapport à ceux du deuxième trimestre, suivis d'une forte croissance au quatrième trimestre.

A la Bourse de Paris, les investisseurs sont hésitants. Autant ils ont applaudi dès l"ouverture des marchés le départ des dirigeants- l'action Alcatel-Lucent a alors décollé de plus de 5%- autant ils semblent progressivement vouloir sanctionner les mauvais résultats. Dans l'après-midi, le titre ne prend plus qu'à peine 1%, à 3,86 euros.

Alcatel-Lucent affirme ne pas être contraint à vendre ses 21% de participation dans Thales

"Nous n'avons pas besoin de vendre notre part dans Thales pour financer notre activité, c'est un actif important pour nous", a assuré Hubert de Pesquidoux, directeur financier d'Alcatel-Lucent lors d'une conférence téléphonique ce mardi. Patricia Russo avait déjà écarté ces rumeurs en mai dernier indiquant alors que l'équipementier télécoms ne prévoyait pas de modifier son périmètre "à ce stade". Si Alcatel-Lucent, détenteur à ce jour de 21% du capital de Thales, décidait de céder sa part comme le prétend la presse, EADS et Dassault seraient ,dit-on, intéressés. Pourtant Dassault, déjà actionnaire de Thales à hauteur de 15%, avait démenti vouloir monter au capital.