Société Générale : à l'inverse de Kerviel placé en détention provisoire, son ami courtier de la Fimat a été relâché

La cour d'appel de Paris a décidé vendredi le placement en détention provisoire de Jérôme Kerviel, le trader de la Société Générale soupçonné de falsifications qui ont coûté 4,82 milliards d'euros à la banque. L'employé de la société de courtage boursier Newedge, ex-Fimat, placé en garde à vue dans l'enquête sur la perte record de la Société Générale, en raison de ses relations avec Jérôme Kerviel, a été remis en liberté.

Jérome Kerviel ira donc bien en prison. Après avoir été remis en liberté à la suite de sa mise en examen la semaine dernière pour avoir causé une perte de 4,82 milliards d'euros à la Société Générale, le trader a été placé en détention provisoire ce vendredi par la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris.

Les juges Renaud van Ruymbeke et Françoise Desset avaient placé le 28 janvier Jérôme Kerviel sous contrôle judiciaire après sa mise en examen pour "abus de confiance", "faux et usage de faux" et "introduction dans des systèmes de données informatiques". Mais le parquet de Paris avait fait appel de la décision de laisser Jérôme Kerviel en liberté, en invoquant les "nécessités de l'enquête" et de possibles risques de fuite à l'étranger.

Après une audience à huis clos et plusieurs heures de délibération, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a ainsi infirmé la décision des juges d'instruction Renaud Van Ryymbeke et Françoise Desset. Jérome Kerviel a été transféré ce vendredi soir à la prison de la Santé, à Paris.

Comme le soulevait le parquet, la cour retient comme motifs de son arrêt la nécessité de protéger les "nombreuses investigations techniques à mener", la nécessité "d'éviter la concertation avec d'éventuels complices ou co-auteurs", "les risques de pressions sur d'éventuels témoins" et les risques de fuite à l'étranger, a-t-on rapporté de source judiciaire.

L'avocate du trader, Me Elisabeth Meyer, est partie en larmes, après avoir dit qu'elle faisait un pourvoi en cassation. "Je ne m'explique pas cette décision. c'est maintenant le pot de terre contre le pot de fer", a-t-elle déclaré.

De son côté, l'avocat de la Société générale, Me Jean Veil, a estimé que la cour avait sanctionné ce qu'il considère être des mensonges de Jérôme Kerviel. "L'éloignement entre ses déclarations et la vérité a fait que la cour d'appel a été sensible à l'appel formulé par le parquet", a déclaré l'avocat. "Il a menti en arrosant autour de lui, en prétendant que sa hiérarchie, en tout cas la plus proche, était au courant. (..) Je pense que son placement en détention est une décision cohérente avec l'évolution du dossier", a-t-il ajouté.

Vendredi, l'étau s'est en outre resserré autour du trader de la "Soc Gen" après de nouvelles révélations. Un courtier d'une filiale de la Société Générale, qui pourrait avoir eu connaissance des agissements de Jérôme Kerviel, a en effet été placé jeudi en garde à vue dans les locaux de la brigade financière.

Un porte-parole de la Société Générale a confirmé "qu'un employé de Fimat est en garde à vue dans les locaux de la brigade financière et nous coopérons de manière étroite avec les services de police". De son côté, l'avocat de la Société Générale, Jean Veil a estimé que "l'enquête semble prendre un tournant", en ajoutant toutefois qu'il ne disposait d'aucun élément sur l'éventuelle implication du courtier, employé par la Fimat, une filiale de la Société Générale. "Essayons de ne pas mélanger la personne physique (le courtier, ndlr) et la personne morale qui l'emploie (la Fimat,ndlr)", a-t-il indiqué.

Le courtier placé en garde à vue, salarié de la société de courtage Fimat a été interpellé jeudi à la mi-journée et entendu également vendredi par les policiers. Mais il a été remis en liberté samedi, faute d'éléments suffisants, par les juges qui l'ont cependant placé sous le statut de témoin assisté, statut intermédiaire entre le témoin et le mis en examen.

Après 48 heures de garde à vue, ce courtier n'a pas souhaité répondre immédiatement aux questions des magistrats et sera convoqué ultérieurement, selon le parquet. Il est ressorti libre du palais de justice, sans faire de commentaire. Mon client "a parfaitement expliqué (...) que toutes les règles ont été respectées. Toutes les règles professionnelles, toutes les règles des marchés et toutes les instructions de ses supérieurs", a déclaré son avocat, Me Jean-David Scemama. "Toutes les opérations qu'il a faites sont des opérations qui ont été autorisées, des opérations qui ont été contrôlées, suivies et, j'ai envie de le dire, encouragées".

Selon une source proche du dossier, Jérôme Kerviel passait une partie de ses ordres d'achats et de ventes via la Fimat, filiale de la Société Générale fusionnée le 22 janvier avec une filiale de Calyon (filiale du Crédit agricole) pour devenir Newedge. Des messages électroniques instantanés ("chat") entre le courtier et Jérôme Kerviel suggérant que le gardé à vue était au courant des agissements du trader auraient été versés au dossier d'instruction par la Société Générale. L'un de ces messages du 30 novembre 2007, cité par Le Monde, était ainsi libellé: "tu n'as rien fait d'illégal au sens de la loi". Selon une source proche du dossier, d'autres messages antérieurs témoigneraient de la connaissance par le courtier des agissements suspects de Jérôme Kerviel.

La mise en cause d'éventuels complices suppose toutefois "un acte positif" de leur part, selon les explications du chef de la section financière du parquet, Jean-Michel Aldebert. "Cela veut dire que pour être complice il faut avoir cautionné des faux" ou aidé Jérôme Kerviel à "falsifier" des opérations.

Ce vendredi, les policiers ont mené une perquisition dans les locaux de Fimat, selon une source judiciaire. Lors de la révélation de l'affaire le 24 janvier, la Société Générale avait affirmé que Jérôme Kerviel avait agi seul pour passer des positions sur les marchés à hauteur de 50 milliards d'euros, et cela à l'insu de la hiérarchie. Cette version d'un acte isolé a été mise en doute par de nombreux spécialistes des marchés financiers.


Auditions prochaines de Michel Prada et Daniel Bouton
La commission des Finances de l'Assemblée, présidée par Didier Migaud (PS), précise dans un communiqué publié vendredi qu'elle auditionnera Michel Prada et Gérard Rameix, respectivement président et secrétaire général de l'AMF (Autorité des marchés financiers), le 20 février. La commission, ajoute le communiqué, entendra également le 12 mars Daniel Bouton, PDG du groupe Société Générale et président de la Fédération bancaire française.

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