(Petite) victoire de Bruxelles sur le lobby financier

Une nouvelle directive encadrant les bonus va être formellement votée mercredi à Bruxelles. Une victoire arrachée de haute lutte.

(Ceci est la reproduction de La Chronique de la City, publiée tous les samedis dans La Tribune numérique)

Avec son accent de Manchester et sa façon de parler très fort pour expliquer ses arguments, Arlene McCarthy doit probablement agacer dans le monde feutré de la finance.

Pourtant, après un travail de presque dix-huit mois, c'est elle, députée européen, rapporteuse de la directive sur les bonus, qui a remporté la victoire.

Mercredi dernier, le Parlement européen et le Conseil européen ont trouvé un accord sur la directive encadrant les bonus. Le parlement votera formellement le texte mercredi prochain, mais il n'y a aucun doute que celui-ci sera approuvé.

Entériner les principes du G20

Essentiellement, cet accord vient entériner les principes du G20 d'avril 2009 : 40 à 60 % du paiement des bonus doivent être différés trois à cinq ans, avec un principe de « claw-back » (malus).

Mais la directive comporte deux surprises : la partie payée en cash devra être limitée à 50 % du bonus, si bien que certains banquiers ne toucheront que 20 % de leur bonus en cash.

Deuxième surprise : les plus grands hedge funds seront concernés par cette mesure, alors qu'ils en étaient jusqu'à présent exclus. Il reste aux régulateurs nationaux à définir précisément lesquels seront concernés, mais c'est une surprise. « Il s'agit d'une interprétation dure des principes du G20 », reconnaît Arlene McCarthy, qui est du parti travailliste.

Arrachée de haute lutte

Cette victoire aura cependant été arrachée de haute lutte. Arlene McCarthy affirme avoir fait face à un déluge de lobbying ces derniers mois. « En moyenne, quatre ou cinq groupes par jour demandaient à me rencontrer. Ils sont très agressifs dans leurs propos, très sûrs d'eux. Leur attitude est simple : nous n'avons pas besoin de régulation. »

En particulier, l'Association for Financial Markets in Europe, un groupe récemment créé qui réunit les grandes banques d'investissement, semble avoir été particulièrement actif et lourdement insistant...

L'assistant d'Arlene McCarthy raconte aussi la façon dont les lobbyistes jouent les pays les uns contre les autres. « Ils nous disaient : vous ne pouvez pas faire ça, sinon les Américains en profiteront. Alors, j'appelais les Américains pour en discuter et ils me disaient : mais non, les lobbys me disent que c'est vous, les Européens, qui ne voulez pas faire ça. »

Un lobbying des banques réussi

Finalement, la politique a primé ? partiellement ? en ce qui concerne les bonus. Mais elle est en train d'échouer pour ce qui concerne les fonds propres des banques, qui sont aussi compris dans la même directive. Arlene McCarthy le dit sans ambages : l'Europe s'alignera sur les normes internationales dites de Bâle 3, actuellement en discussion, dans la mesure où les banques sont en concurrence internationale.

Mais lors du récent sommet du G20 au Canada, les nouvelles propositions de Bâle 3 ont été révisées à la baisse : « le G20 recule, les banques ont visiblement réussi dans leur lobbying », estime Arlene McCarthy. Le bras de fer entre les gouvernements et le monde de la finance est loin d'être terminé.

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