Expo universelle 2020 : le come-back de Dubaï

Choisie pour accueillir l'Exposition Universelle de 2020, la ville de Dubaï confirme son retour sur la scène internationale. Et son rayonnement régional grandit... Par Mehdi El Amine Fichtali, banquier d'affaires installé à Dubaï depuis 2005.
479.651 feux d’artifice ont éclairé le ciel de Dubaï pendant six minutes, et fait scintillé la Burj Khalifa, la plus haute tour du monde.

479.651 feux d'artifice ont éclairé le ciel de Dubaï pendant six minutes, le soir du réveillon de 2014, soit 1.332 déflagrations, chaque seconde ! Ces luminescences ont scintillé de mille éclats sur les 95 kilomètres de littoral, naturel et (surtout) artificiel de Palm Jumeirah et de The World, les ilots-mappemonde. Le précédent Guiness record du monde a été pulvérisé par un multiple de plus de six fois ! 

C'est ainsi que Dubaï entendait célébrer la fin de l'année 2013, qui s'est achevée par un triomphe sur la ville turque d'Izmir, sur Yekaterinburg en Russie et Sao Paolo, la brésilienne, pour organiser l'Exposition Universelle, le troisième plus grand événement mondial après les Jeux Olympiques et la Coupe du Monde de football. Après Shanghai 2010 et Milan 2015, voici Dubaï 2020.

Une ville née d'une vision d'excellence

La croissance folle des années 2000 a permis à Dubaï de se hisser au niveau des grandes métropoles mondiales et de se faire un nom, une 'marque' diraient certains, synonyme de challenge, d'excellence voire d'extravagance, avec son zeste d'arrogance. André Maurois l'aurait certainement décrite comme le New York dans ses 'Chantiers Américains' de 1933, où «on jetait par terre des gratte-ciel encore neufs pour en construire de plus hauts et de plus chers». On la reconnaît désormais à sa piste de ski en plein désert, à son île artificielle en forme de palmier, à ses îlots dressés en pleine mer en forme de mappemonde et visibles depuis les satellites, à sa course hippique parmi les mieux dotées au monde, à ses luxueux hôtels-resorts. Ses Malls, de véritables temples de la consommation où se côtoient toutes les nationalités, sont un passage obligé pour les touristes saoudiens, russes, chinois, indiens et iraniens qui n'ont plus besoin d'aller en Europe pour leurs emplettes haut de gamme. Sa tour Khalifa est la plus haute du monde avec ses 828 mètres (2,5 fois la Tour Eiffel), et sa police roule en Lamborghini et Ferrari.

Bien que Dubaï ne produise pas d'énergies fossiles, elle a réussi, grâce à sa situation géographique, ses relations diplomatiques savamment tissées avec tous ses voisins, son mode de vie moderne, sa promotion de l'entreprenariat et du capitalisme libéral, sa fiscalité accommodante, à devenir le carrefour économique d'une des régions les plus riches du monde. Elle a attiré 85% de sa population de l'étranger, une main d'œuvre qualifiée d'expatriés, aussi bien cols blancs occidentaux que cols bleus du sous-continent indien. Quant aux Arabes éduqués et ayant travaillé en Occident, elle est devenue un aimant drainant les compétences, en concurrence avec les pays développés. Rien ne semblait pouvoir arrêter Dubaï. Ni même les crises géopolitiques trop fréquentes dans la région et qui semblent a contrario bénéficier à Dubaï, havre et oasis de paix, de capital et de commerce.

 

Rattrapée par la crise du crédit

Dubaï, ancrée dans les échanges mondiaux et ayant profité du crédit bon marché du milieu des années 2000, n'a pu échapper à la crise de 2008. Le choc du crédit fit éclater la bulle immobilière et diviser en quelques mois les prix par deux. Beaucoup de chantiers furent gelés. La contagion gagna rapidement le secteur financier et mit les banques en difficulté. Plusieurs expatriés furent licenciés et durent quitter le pays. Le commerce du détail et les services régressèrent.

Certains secteurs, tels que le transport aérien et le tourisme par exemple, réagirent certes bien à la crise et Abu Dhabi, le riche Emirat voisin, producteur de 2.8 millions de barils de pétrole par jour et capitale des Emirats Arabes Unis, vint  en soutien avec un prêt de 20 milliards de dollars. Mais l'annonce en Novembre 2009 de la restructuration pénible de la dette du conglomérat de Dubaï World sembla comparer Dubaï à la grenouille de La Fontaine, qui « s'enfla si bien qu'elle creva ». L'oasis ne fut-il que mirage ?

 

La reprise consacrée par l'exposition universelle

Après une longue consolidation, la reprise a finalement été au rendez-vous, et, Dubaï, bénéficie depuis plus de deux ans d'un regain d'optimisme et l'économie repart. Les dépenses et investissements publics continuent d'être le catalyseur de cette croissance. L'immobilier a repris des couleurs : +60% à fin 2013 par rapport au point le plus bas de 2009-10, faisant même craindre à certains la formation d'une seconde bulle spéculative. Pour éviter cela, de nouvelles lois limitant l'effet de levier hypothécaire et doublant les coûts de transaction ont été promulguées. Le crédit bancaire est de nouveau disponible et la concurrence entre les banques pour capter cette expansion est rude et le marché poursuit sa hausse.

L'Emirat de Dubaï continue de tirer avantage de sa stabilité politique et de sa position de plaque tournante dans cette région à croissance rapide. Ce double privilège séduit les entreprises internationales qui en font leur centre régional et de nouveaux expatriés s'installent, fuyant les perspectives mornes de l'économie mondiale, notamment européenne. Selon LinkedIn, qui référence plus d'un million de membres aux Emirats, le pays gagne presque deux fois plus de professionnels qu'il n'en perd et près de 50.000 nouveaux membres s'y sont installés en 2013,  confortant le marché immobilier et stimulant le commerce du détail.

L'indice boursier de Dubaï ne demeure pas en reste et a doublé sur l'année 2013, renforcé par la décision du MSCI Emerging Markets Index de l'inclure dans son indice boursier des pays à économie émergente. Les économistes prévoient désormais une croissance réelle hors hydrocarbures d'une moyenne de 4,8% en 2013-15, soit le double du rythme de 2009-12. C'est dans cette atmosphère de reprise économique que l'organisation de l'Exposition Universelle de 2020 a été attribuée à Dubaï, fin Novembre 2013, à Paris, confirmant la confiance et le sentiment positif régnant.

 

Un effet multiplicateur

L'Expo 2020 devra attirer 25 millions de visiteurs sur l'année, et créer plus de 200.000 emplois dans tous les secteurs économiques. Les ressources humaines d'Europe, des Amériques et du sous-continent indien continuent d'arriver. Le site s'étendra sur 438 hectares, à la frontière Sud avec Abu Dhabi, près du grand port de Jebel Ali et du nouvel aéroport international d'Al Maktoum, loin du cœur certes animé mais encombré du centre-ville. Cet espace relativement peu développé et peu peuplé aujourd'hui bénéficiera d'investissements publics et privés en infrastructure, en hôtellerie et résidentiel et sera l'occasion d'étendre la ville de Dubaï.

Les économistes évaluent l'investissement total lié à cet événement à 18 milliards de dollars dopant les 40 milliards prévus de projets d'infrastructure. Pour chaque dollar dépensé par le gouvernement, l'économie devrait en récolter le sextuple. Les dépenses publiques, l'exposition médiatique, l'occasion pour les entreprises locales de nouer de nouveaux contacts avec clients et investisseurs internationaux aura un effet multiplicateur sur tous les pans de l'économie.

L'Exposition a déjà eu un fort impact sur le secteur de l'aviation. Emirates, la compagnie de Dubaï, a passé, lors du dernier salon aéronautique de Dubaï, une commande record de 50 Airbus A380, au prix catalogue de 23 milliards de dollars, portant le total d'achat de ces avions à 140, dont 44 sont déjà livrés. L'actuel Dubaï International Airport verra alors sa capacité passer de 60 millions à 90 millions de passagers par an en 2018, pour un investissement de 7 milliards de dollars. Le plan de développement de l'infrastructure aéroportuaire du nouvel Al Maktoum International Airport, qui cible, à terme, plus d'une centaine de millions de passagers, sera accéléré.

L'Exposition soutient également la dynamique de demande immobilière à long terme et favorise le secteur de la construction, du tourisme, de l'hôtellerie, du transport, de la logistique, l'industrie du divertissement et la vente au détail.

Les projets touristiques représentent plus de la moitié des 7 milliards de dollars de projets de construction à Dubaï et devront tripler la contribution du secteur à l'économie des Emirats. Dubaï affirme que 80.000 chambres d'hôtel seront disponibles en 2020, suggérant que plus de 15.000 nouvelles chambres d'hôtel, le quart de la capacité actuelle, seront construites d'ici 2020. Des incitations ont été annoncées par le Ministère du Tourisme en faveur des projets hôteliers de moyenne gamme et l'on s'attend à ce type de motivations financières dans d'autres secteurs.

Les services financiers profiteront aussi par le financement de cet effort de développement. Les ratios des banques locales suggèrent une capacité de prêts supplémentaires à 80 milliards de dollars, et les perspectives de revenus pour les banques d'investissement nationales et internationales sont attrayantes.

 

La restructuration de la dette a été bien gérée

Dubai World et Dubai Holding ont pu restructurer la lourde dette héritée des années 2000. Le premier a pu, en Mai 2011, renégocier 25 milliards de dollars et le second, en Janvier 2014, 10 milliards de dollars. La reprise de l'économie locale a contribué à revaloriser leurs actifs et à apaiser les craintes des créanciers. L'accord final implique un prolongement des maturités de plusieurs années, avec une incitation à vendre les actifs pour respecter les nouvelles échéances de remboursement de la dette. Le CDS a retrouvé des niveaux standards d'avant 2009, autour de 200 points de base, bien en-dessous du niveau des 800 duquel il s'était rapproché au plus haut de la crise.

 

Des risques intrinsèques mais gérables

L'Emirat triomphal en fin d'année dernière est aujourd'hui plus prudent. Six ans est un long cycle économique. Certains acteurs, notamment dans l'immobilier, trop euphoriques, croient à une croissance linéaire sans dents de scie, jusqu'en 2020,  et anticipent sur les gains futurs. C'est de la gestion raisonnée de cet enthousiasme que dépendra le véritable impact positif de l'Exposition Universelle. Les autorités et les grands groupes privés locaux en ont conscience et œuvrent dans ce sens.

Comme pour toute manifestation internationale de cette taille, l'Exposition Universelle attirera un grand volume d'affaires aux zones franches de Dubaï et à son économie, renforcera le positionnement de Dubaï comme destination de voyage et aura un impact certain durant les années précédant l'événement. Néanmoins, cette expansion porte en elle un risque qui peut-être significatif au-delà de 2020. Est-ce qu'il y aura assez de demande pour ces nouveaux hôtels, bureaux et espaces commerciaux une fois l'Exposition terminée ? Les décideurs prennent cette question très au sérieux et intègrent l'Exposition Universelle dans une stratégie de développement plus globale et au-delà de 2020.

Les autorités de Dubaï voudront également s'assurer que tous les cadres et règlements concernant les conditions de travail de la main-d'œuvre étrangère, notamment ouvrière, soient respectés par les sous-traitants et que la préparation de cette Exposition Universelle se passe avec une couverture médiatique internationale positive.

In fine, quel que soit le risque géopolitique, Dubaï et les Emirats semblent immunisés et font l'exception. Le pays, l'un des plus sûrs au monde, n'a connu aucune action terroriste depuis sa création en 1971 et objectivement profite de l'instabilité régionale de ces dernières années. Son Emir, le Cheikh Mohammed bin Rashid Al Maktoum, appelé affectueusement Cheikh Mo par les habitants de la Cité, qui le croisent régulièrement dans les lieux publics avec un protocole minimal, ne cesse de promouvoir des visions géopolitiques équilibrées et ouvertes. Sa récente interview à la BBC et ses prises de position assurent à Dubaï une position durable d'oasis de paix, de commerce et de prospérité.

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Commentaire 1
à écrit le 21/02/2014 à 19:42
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Marouane a Mehdi un ami d'enfance, merci de me contacter par fb

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