Opérationnelle avant tout

Ingénieur de l'Ensma de Poitiers et diplômée en ergonomie, Martine Griffon-Fouco a été la première femme à diriger une centrale nucléaire, celle du Blayais en Gironde (1994-1998). Elle a passé vingt ans chez EDF dont elle fut directeur de la communication et membre du comité exécutif. Chez Cegelec de 2003 à 2006, elle est aujourd'hui vice-président exécutif du groupe Assystem, membre du directoire.

 J?ai été élevée dans un petit village du Poitou. Mon grand-oncle était maréchal-ferrant, mon grand-père, charron, mon père, bouilleur ambulant. J?ai fait l?IUT de mécanique de Poitiers. Nous étions deux filles sur une centaine d?élèves. Je faisais du tournage, du fraisage. Je suis sortie première de ma promotion. Je suis entrée à l?Ecole nationale supérieure de mécanique et d?aérotechnique de Poitiers sur dossier. J?ai trouvé les études d?ingénieur desséchantes. Mon métier d?ingénieur, je l?ai appris à l?IUT. J?ai repris les cours de russe que j?avais commencés au lycée et suivi des cours de psychologie, et j?ai cherché à travailler en usine. En vain. J?ai choisi de faire des ménages. C?était après 68. On ne voulait pas faire partie de la classe qui « exploitait » les ouvriers. Je suis « montée » à Paris. J?ai obtenu ma licence de psychologie et un diplôme d?études supérieures techniques d?ergonomie, ainsi que mon diplôme de russe. Je faisais des traductions en russe pour le CNRS. Mon professeur d?ergonomie m?a conseillé d?aller au CEA. J?ai travaillé sur le facteur humain dans les centrales nucléaires. C?était l?époque de Three Mile Island. On travaillait sur le calcul de probabilité d?erreur humaine dans les centrales nucléaires et sur leurs causes profondes. J?ai rejoint EDF en 1982 où je suis restée vingt ans. Mon premier métier a été l?analyse du facteur humain dans les centrales nucléaires. Je suis allée l?expliquer aux Japonais. Analyser les causes profondes et sortir de la spirale de la culpabilité de l?humain.

Les circonstances m?ont amenée à travailler dans le nucléaire. J?aurais aimé être cosmonaute. J?ai postulé auprès du Cnes en 1985. J?avais un enfant. J?allais avoir le deuxième. En 1988, j?ai rejoint la centrale du Blayais, construite dans les années 80, qui se compose de quatre réacteurs de 900 mégawatts. J?ai d?abord été responsable de la sûreté puis des tranches 3 et 4, qui regroupaient 300 personnes. Trois années très fortes sur le plan du management humain et technique. Ça a été le moment le plus passionnant de ma carrière. Je retrouvais le « village » de mon enfance. J?ai ensuite dirigé le site pendant quatre ans. J?ai connu les grandes grèves de 1995. Une période particulièrement compliquée. On mesure ses capacités de résistance physique et psychique. 150 personnes ont envahi mon bureau. Puis j?ai été nommée déléguée régionale d?EDF en Aquitaine avant de piloter tous les délégués régionaux. En 2001, je suis entrée au Comex d?EDF en tant que directeur de la communication. Un poste très politique. J?étais la seule femme au Comex. Je pense que j?ai été choisie parce que j?étais une femme et une opérationnelle, donc j?étais légitime.

Le retour " au village "

En 2003, j?ai rejoint Cegelec, qui a une dimension plus humaine. En 2007, je suis entrée chez Assystem, un groupe d?ingénierie et conseil en innovation avec une longue histoire dans le nucléaire, une entreprise de taille humaine (8.500 collaborateurs), très mobile, adaptable. C?est un peu le retour au « village ». D?abord dans l?opérationnel comme présidente d?Assystem Facilities, mon activité consistait à développer les activités d?exploitation et de maintenance dans tous les secteurs industriels en France et dans le monde. En janvier 2010, j?ai élargi mon périmètre de responsabilité et suis devenue membre du directoire.

J?ai voulu rester féminine. Je n?ai jamais changé de style. Je me suis souvent retrouvée dans des milieux masculins. La femme alibi, ça ne dure qu?un temps. Le meilleur symptôme, c?est la durée.

JARDINS SECRETS

Son objet fétiche. Les cadeaux qu?on m?a faits.
Sa devise. « Changer de pied ! »
Son plat favori. Le civet de lapin de ma grand-mère ; je n?ai jamais réussi à lui faire écrire la recette.
Son refuge. Ma maison au milieu des vignes du Bordelais.
Son défouloir. L?action. C?est pour moi la meilleure antidote à l?angoisse.

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